INTERVIEW
Interview et photos : Filip Flatau
A l’occasion de la sortie du nouvel album «Serious Matter» de U-Roy produit par le label français Tabou1, Roots & Culture a rencontré le deejay fondateur pour vous et vous livre une interview exclusive du «Godfather deejay» U-Roy.
Reggaefrance / Tout d’abord peux-tu nous dire où tu es né ? / Je suis né à Kingston, Jamaïca. Et comment as-tu commencé à être deejay et à enregistrer ? Lorsque j’étais jeune, j’adorais la musique, je connaissais toutes les chansons qui étaient joué à la radio et je les chantais donc tout le temps. C’est ca qui m’a poussé, en grandissant, à devenir deejay.
Et comment es-tu devenu rasta ? C’est ma religion, yu know, c’est comme certaines personnes qui sont catholiques moi je suis rasta.
Mais qui t'a influencé ? J’avais des amis qui étaient rastas, mais je ne pense pas que quelqu’un peut vraiment t’influencer pour choisir ta religion. C’est comme quand tu aimes quelque chose, tu le prends. Quand tu n’aimes pas quelque chose, tu le jettes. C’est ce que j’aime le plus : être un rasta. Car je ressens que c’est bon pour moi. C’est une partie de ma culture donc je l’aime vraiment.
Et d’où vient le style de toaster, de deejay ? Yu know what ? je crois que cela vient de moi. Ok, il y avait un deejay que j’adorais écouter à cette époque, et qui s‘appelait Count Machuki. Ce fut l’un d’eux qui me donna de l’inspiration également.
Quel a été ton premier sound system ? Mon premier sound a été Docteur Dickie’s Dynamic. J’étais très jeune à l’époque lorsque je tournais avec ce sound. Après avoir quitté ce sound, j’ai joué pour JoeJoe et puis pour King Tubby’s. A partir de là, j’ai commencé à être connu.
Peux-tu nous en dire plus sur le sound system King Sturgav. Comment l’as-tu créé ? J’ai crée mon sound car je jouais dans de nombreux sounds systems depuis longtemps. Après avoir joué pour differentes personnes, je me suis dit : « Pourquoi ne pas créer mon propre sound ? ». Lorsque j’ai commencé mon sound, on avait deux petites enceintes et je ne croyais pas que mon sound allait devenir tellement important. Cela a été une surprise pour moi, et en même temps mon rêve était de percer musicalement. Après avoir eu ces deux petites enceintes, je me suis dit qu'il m'en fallait deux de plus. C’est alors que j’ai eu quatres enceintes jusqu'à ce que j’en possède dix.
King Sturgav est l’un des plus grands sounds systems culturels actuellement ? King Sturgav est l'unique sound en Jamaïque à jouer du culturel. Tous les autres jouent ce qu’ils ont envie de jouer, yu know ? Moi j’ai envie de jouer du culturel et donc je joue du conscious.
Quelles sont les principaux artistes du sound ? Charlie Chaplin et parfois Brigadier Jerry. De temps en temps, on a différents artistes comme Anthony B, Tony Rebel, un autre jeune du nom de Kulcha Knox. Avant, Josey Wales avait l’habitude de venir, mais il ne joue plus... On continue notre travail avec différentes personnes.
Peux-tu nous en dire plus sur ton nouvel album «Serious Matter» ? Et bien nous avons fait cet album parce que je voulais toaster par dessus certains chanteurs comme Israel Vibration, Third World, Dennis Brown et des gens comme ça. Je ne connaissais pas Pierpoljak ni Cheb Aissa mais cela a été une idée de Tabou1 et donc je dois les remercier pour cela. Si tu veux savoir pourquoi cet album s’appelle "Serious Matter", c’est parce que les temps deviennent tellement serieux en ce moment. L’année dernière, les gens disaient que le monde allait s’arrêter.
C’est à dire cette année. Les gens racontent tellement de bêtises : le monde n’a pas de fin. C’est pourquoi les temps sérieux sont arrivés..."Serious Matter". Chaque chose est un problème très serieux.
Que penses-tu de la scène dancehall actuelle en Jamaïque ? Chacun fait ses propres trucs. Je ne suis pas là pour casser ces gens-là. Je respecte ce qu’ils font. Tu sais, je respecte chaque deejay et chaque singer. Car ils chantent leurs paroles, moi je chante les miennes. Mon travail vient de l’ancienne école, et leurs travaux viennent de cette jeune nouvelle génération. Je voudrais dire une chose aux deejay et aux singers : la meilleure chose à faire dans ce business est de ne pas mentionner des opinions racistes, ou ne pas respecter les femmes, et parler des guns qui apportent beaucoup de violence. Ils sont jeunes après tout. Les jeunes font toujours les choses différemment des vieux. Si tu as un bébé, tu dois lui apprendre à faire des choses dès son plus jeune âge, sinon il ou elle ne pourra plus être éduqué. Alors ces jeunes parlent de ce qu’ils voient, comme moi. C’est comme cela que j’écrit mes lyrics : en m’inspirant des choses de la vie quotidienne. J’ai grandi également dans le ghetto et il y a des tas de choses à raconter. C’est facile de trouver une idée, mais ils choisissent de parler de guns. Je choisis de parler de paix et amour entre nous. C’est ça la différence.
Quels sont tes projets pour le futur ? La plupart du temps, on ne sait pas ce que le futur va nous apporter. Ce nouvel album est sorti, ou va sortir bientôt, et donc on doit se concentrer sur cet album durant quelques mois. Puis on pourra commencer à voir quels morceaux on va faire pour le prochain album. On ne sais pas comment on va appeler le prochain album, on sait qu’on a appelé celui ci "Serious Matter" on ne sais pas si le prochain s’appellera "Joking Matter"... C’est devant nous, on ne l’a pas atteint encore.
J’ai entendu une anecdote concernant les deejays comme quoi ils ont essayé de vendre leurs disques en chantant sur les versions instrumentales dans la rue ? Eh bien cela a changé maintenant mais cela se faisait comme ca partout. Si tu connais des gars comme Master P ou DMX, ces mecs là avaient l’habitude de mettre leur musique dans leurs voitures, en conduisant des centaines de miles autour de Los Angeles pour vendre une ou deux copies. Jusqu'à aujourd’hui où ils peuvent rester assis tranquille et constater que leur musique explose dans le monde. C’est donc bien comme cela. Quand tu es jeune, et que tu dois commencer quelque chose pour toi, pour ta survie, pour nourrir ta famille, et pour t’habiller. Tu dois aller là-bas et commencer à faire ce qui est le mieux pour toi. C’est ce qu’ils faisaient, ils mettaient leur musique sur leur mobilettes dans une boîte et cherchaient des gens à qui les vendre. C’est ce que l’on appelle le « suffering people movment ».
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