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Raconter l'histoire des mythiques Skatalites revient à raconter les premiers pas de l'industrie musicale en Jamaïque. En 1962, le célèbre producteur Clement "Coxsone" Dodd, patron de Studio One, conta |
BIO
Raconter l'histoire des mythiques Skatalites revient à raconter les premiers pas de l'industrie musicale en Jamaïque. En 1962, le célèbre producteur Clement "Coxsone" Dodd, patron de Studio One, contacte le groupe alors baptisé "Sheiks" à la rescousse. Il lui faut un rythme qui sonne jamaïquain. S'étant rencontrés par le biais de différentes formations jazz, les musiciens commencent par jouer un air de blues. Le contrebassiste lance alors au guitariste, improvisant un riff saccadé : « Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ska ska ska que tu fais ? ». La musique ska était née.
Les versions sur la genèse de ce rythme sont nombreuses. Celle-ci en est une parmi bien d'autres. Ce qui est certain, c'est qu'à une étape charnière de l'histoire jamaïquaine, plusieurs musiciens ont impulsé une nouvelle façon de jouer. Ce style bientôt populaire se voit tacitement affublé du terme 'ska' par la communauté. Dans son ouvrage référence, Bass Culture, Lloyd Bradley décrit comme suit la spécificité technique des innovations apportées par les Skatalites. "Des coups sur le rebord de la caisse claire pour le temps fort annonçaient le changement stylistique fondé sur un tempo pratiquement deux fois plus rapide que son prédécesseur. Quoique toujours sur une mesure à quatre temps, la grosse caisse marquant les deuxième et quatrième temps, (…) le contretemps fut mis en valeur par une accentuation simple, exécutée au piano ou à la guitare. (…) Une section de cuivres pleine de punch marquait un peu plus les accent préexistants pendant qu'une ligne de basse rampante soutenait l'édifice."
La Jamaïque, qui est alors en pleine quête d'identité musicale, a trouvé ses nouveaux ambassadeurs. Les musiciens qui se cachent derrière le nom de Skatalites (rapport aux lancements des premiers 'Spoutnik') sont des monuments de la culture jamaïquaine. Ils ont contribué à lancer l'industrie du disque dans cette île en prenant part à la naissance d'un genre qui enfanta plus tard le reggae, puis le dance-hall. Ils ont également officié à l'ombre des projecteurs, sous la houlette de Studio One, en supervisant la réalisation des albums de nombreuses stars, alors débutantes, dont Bob Marley, Jimmy Cliff et Prince Buster.
En quarante années d'existence, le son des Skatalites a évolué. Au départ assez calme et lancinant puisque issu du blues et du jazz, il est devenu plus festif avec un rythme plus soutenu. Musicalement irréprochable, le succès du groupe s'explique par un travail acharné et une ouverture au monde des plus sincères. Groupe de scène avant tout, il regroupait initialement des légendes vivantes de la musique. Don Drummond était considéré comme un des meilleurs trombonistes jazz, le préféré d'Ella Fitzgerald. C'est lui qui écrivit la plupart des morceaux du groupe. Lloyd Bradley écrit à son sujet que "malgré toute son exactitude intrinsèque, le tromboniste savait quand prendre la musique à bras-le-corps et sa vraie force résidait dans sa capacité à observer la musique de l'extérieur et la diriger, afin de parvenir à évoquer un sentiment ou une humeur plutôt que d'en faire un simple exercice technique." Le reste de la troupe se composait de Jackie Mittoo, l'enfant prodige aux claviers, Tommy Mc Cook et Roland Alphonso aux saxophones ténors et Lester Sterling à l'alto. Il y avait encore le trompettiste Johnny "Dizzy" Moore, le guitariste Jah Jerry Haynes, le batteur Lloyd Knibs et le bassiste Lloyd Brevett. La chanteuse Doreen Shaffer se joint parfois à eux mais la plupart du temps leurs morceaux sont exclusivement instrumentaux.
Malheureusement, l'histoire des Skatalites est entachée de drames. Ainsi, le talentueux Don Drummond est accusé du meurtre de sa compagne Anita "Margarita" Mahfood, danseuse de cabaret que l'on peut entendre sur "Woman a come", qu'il aurait poignardé lors d'une dispute. Emprisonné à l'asile de Bellevue, il s'y suicidera 4 ans plus tard, le 6 mai 1969. Entre temps, le groupe s'est dissout. Notamment à cause de rivalités entre Tommy Mc Cook et Roland Alphonso, les deux leaders, et des tendances alcooliques de Lloyd Brevett. Deux nouvelles formations apparaissent alors : les Soul Vendors avec Jackie Mitoo et Roland Alphonso ; et les Supersonics, menés par Tommy Mc Cook. Jackie Mittoo nous quitte en décembre 1990, victime d'un cancer. En 1998, Tommy Mc Cook et Rolando Alphonso décèdent à leur tour.
L'eau a coulé sous les ponts depuis "Ska Authentic", leur premier album chez Studio One. Les seuls membres de la formation initiale à jouer encore sur scène sont Llyoyd Knib, Lester Sterling et Doreen Shaffer. Entre temps, Karl Bryan, Vin Gordon, Devon James, Ken Stewart et Kevin Batchelor les ont rejoint pour maintenir vivante une légende qui occupe les devants de la scène comme aucune autre. Johnny Moore a rejoint la formation des Jamaïca All Stars. Parmi la quinzaine d'albums attribués aux Skatalites, retenons "Hi-Bop Ska" et "Greatings from Skamania", tous deux nominés aux Grammy Awards comme meilleur album reggae. L'excellent "Ball of fire" est aussi à découvrir. Pour se faire une idée du talent de ces musiciens hors-pair, le mieux reste de se procurer un de leurs 'Best Of' comme celui produit par Coxsone Dodd, intitulé sans fausse modestie "Foundation Ska".
Auteur : Laurent Perrin |
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Jamaïcaine |
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