INTERVIEW :
Propos recueillis par : Maxime Nordez
le vendredi 03 décembre 2004 - 12 042 vues
Bassiste anglais prolifique et autodidacte passionné, Dub Judah croise la route des Twinkle Brothers au début des années 80. Pour les rejoindre sur scène, il apprend 34 lignes de basse en deux jours. Parfaitement intégré à la formation dont il devient un invité permanent, il sillonne le monde à leurs côtés, tout en continuant de nourrir des projets de carrière solo. Brève rencontre avec un musicien discret, au lendemain d'une solide prestation.
Reggaefrance / Quelles sont tes impressions sur le show d’hier soir ? / Ca s’est très bien passé. Quand je vois que le public s’enflamme comme il l’a fait hier, je suis comblé. J’adore jouer en France… Jusqu'ici, la France a toujours été un très bon public. Ils sont adorables. Même dans les 80's, la France était déjà là. La scène dub est en pleine expansion. Mais le dub manque de festivals. A une époque, il y avait beaucoup de ‘‘Bash’‘ regroupant surtout des groupes de roots reggae. Il y a en France une vibe très pacifique.
C'est toi qui a ouvert le concert, c'était tes propres compositions ? Oui, j’ai chanté Head Creator, Exercise, No Matter Where You Go et Babylon is a trap. J'essaie d'être plus présent en menant mes propres projets. Mon but étant de monter mon propre show.
Tu as déjà plusieurs albums dans les bacs… Oui, le dernier étant ‘‘Too Much Innocent Blood’‘ mais un nouveau est sur le point de sortir. Il ne me reste que quelques choix à faire au mix. Je vais commencer à en faire la promotion en janvier (2005 ndlr).
Peux-tu revenir sur ton histoire avec les Twinkle Brothers ? C'est une longue histoire… Dans les 80's, je jouais dans un groupe de nom de Jah Foundation. A plusieurs reprises nous avons partagé la scène avec les Twinkle. En 1981 je me souviens que les Twinkle n'avaient pas de bassiste. Il a alors fallu que j'apprenne 34 chansons en 2 jours. J'ai eu le temps de jouer chaque ligne de basse une demie fois et le lendemain je faisais le concert. Et ça a été parfait. Mais je veux développer mes propres projets. J'ai mon propre label (Dub Jackey – ndlr).
Comment s'est fait le rapprochement avec le groupe ? Alors que les Twinkle Brothers choisissaient toujours de gros studios, j'enregistrais dans un plus petit avec une console quatre pistes. Nos deux studios étaient tout près l'un de l'autre. On a pris l'habitude de se rendre visite. On a d'abord travaillé ensemble sur quelques dubs puis quelques morceaux et enfin des albums. Norman (Grant, leader des Twinkle Brothers - ndlr) n'a qu'à me chanter une partie de la ligne de basse et je comprends de suite ce qu'il veut. Ca fait des années que ça marche comme ça entre nous. Les Twinkle ont maintenant leur propre studio et réalisent la plupart de leurs projets seuls.
Quel regard portes-tu sur les nouveaux artistes de Dub ? Je suis très content de voir que des artistes de la nouvelle génération fassent avancer le truc. Cela donne au dub la vitalité dont il a besoin. Je vis à Londres et non à Birmingham mais je sais que le public d'Iration Steppas est très jeune. Tu y croises des gamins de 14, 16 ans. Il y a toutes sortes de déclinaisons du dub. J'ai joué tous les styles de dub imaginables. Mais je garde toujours les roots du dub comme Sly & Robbie. Pour moi, le dub des 70's est plus fort que le reste. Il faut arriver à le remettre au goût du jour.
Tu as travaillé avec de nombreux artistes, tu arrives à garder le contrôle de toute cette production ? Justement ! Un ami m'a appelé l'autre jour pour me dire qu'il était en train de regarder un DVD de moi jouant aux côtés de U Roy. C'est un concert de 1997 filmé en France et au moment de la sortie du DVD, j'étais aux Etats-Unis. J'avais complètement oublié ce truc alors non, je ne peux pas dire que j'ai le contrôle parfait (rires) ! J'ai bossé avec tant de monde ! Bob Andy, Dennis Brown, Prince Alla, Sista Aïsha et tous les artistes du label Twinkle Music. Je me rappelle aussi avoir joué pour un Français… Pablo Master ! J'ai aussi fait pleins de trucs sur du petit et vieux matériel. C'est une très bonne école. Quand tu arrives à tirer quelque chose d'un 4 pistes, c'est beaucoup plus facile de passer sur 48 pistes. Un morceau comme Babylon is a trap a été enregistré sur 4 pistes. La cassette de l'album entier ayant disparu, j'ai ré-enregistrer le tout sur un 16 pistes.
As-tu un bassman favori ? Pas vraiment. Robbie Shakespeare, Lloyd Parks… Je raisonne plus en termes de chansons. Quand j'entends un bon titre, je cherche toujours à savoir quel bassiste joue sur la version. J'aime aussi le funk et certains bassistes comme Jaco Pastorius. J'étais batteur au départ puis j'ai changé en 1983, quand on a monté le groupe Jah Foundation. Je n'ai jamais plus lâché la basse. Certains disent qu'en tant qu'instrumentiste, la seule façon de progresser est de pratiquer tous les jours. Je pense que le simple fait de réfléchir à la basse et à ce que tu peux faire avec est indispensable. Si tu me demandes comment j'ai appris, je te dirai : en écoutant. Je n'ai jamais pris de cours mais le Tout-Puissant m'a donné le ‘‘spirit’‘ pour m'en sortir.
Tu vis à Notting Hill, tu parviens à y mener une vie de Rastaman ? Ca fait des siècles qu'il est très difficile de vivre sa foi en ville. Mener une vie de Rastaman est quelque chose de difficile mais… la vie est difficile. Si tu veux être pratiquant, manger ital c'est impossible ! Mais c'est le devoir du Rastaman que de préserver sa culture en la pratiquant dans les villes. Le Rasta sait qu'il ne doit jamais cesser de répandre son message.
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