INTERVIEW :
Propos recueillis par : Yann Bossuat & Benoit Collin
Photos : Karl Joseph
le samedi 26 mars 2005 - 13 189 vues
Cinq ans après avoir son premier enregistrement, Babylon Buss, Queen Omega est devenue une artiste accomplie. A 23 ans, elle compte déjà quatre albums à son actif. Le dernier "Destiny" avec les Français de Special Delivery, l’a placée sur le devant de la scène. Entretien avec Queen Omega en toute simplicité et avec bonne humeur.
Reggaefrance / Bonjour Queen Omega, peux-tu te présenter ? / Bonsoir, je suis Queen Omega, je viens de Trinidad & Tobago et je suis à Paris où je me détend et je m’amuse.
Quand as-tu commencé à chanter ? Quand j’ai commencé à chanter ? C’est une bonne question. J’ai toujours été chanteuse. Je suis née avec ce don de Dieu. J’ai commencé à chanter vraiment très jeune, à 4 ou 5 ans, dans les jardins d’enfants. Depuis, je ne me suis jamais arrêtée… et je ne le ferai jamais !
As-tu appris à chanter à l’église ? Je suis allé à l’Eglise quand j’étais enfant. Tu sais, on y est assis pendant une éternité, et un moment dans ta vie tu veux te rebeller… J’ai arrêté d’aller à l’église après. Mais je n’ai jamais chanté dans les chœurs. Je me souviens, je devais avoir neuf ans, il y avait un concours de calypso dans mon école. Ma maîtresse avait écrit ce calypso pour moi. Elle m’a motivé pour le concours, et m'a dit que si je gagnais, elle m’emmènerait à Turvananda ? J’ai gagné le concours et je suis allée à Turvananda. Elle a été très importante pour moi.
Quels artistes écoutais-tu ? A cette époque, Whitney Houston, Mary J Blige, Patti Labelle, Diana Ross… La soul music américaine, et le jazz aussi. J’adore le jazz.
Pourquoi as-tu pris le nom de Queen Omega ? Mon vrai nom est Queeny, car je suis la seule fille d’une famille de cinq garçons. Quand j’ai pris le chemin de Rastafari et commencé à honorer Sa Majesté Hailé Sélassie, on m’a donné le nom de Queen Omega. A cette époque, j’étais tellement convaincue de ce feu en moi… Mais les gens m’ont dit : « Mais non, tu es si royale, tu es comme Queen Omega ». Ce nom m’a frappé.
Peux-tu nous parler de la scène musicale de Trinidad ? Là-bas, il y a la musique soca. C’est comme le dancehall, le même tempo... Il y a beaucoup de reggae aussi, avec beaucoup d’artistes et de jeunes. J’ai grandi en assistant à certaines de ces concerts, à pratiquement supplier les vigiles de me laisser entrer en coulisses pour que je puisse rencontrer les artistes majeurs ! Trinidad a une scène très « culturelle », avec beaucoup de musiques différentes. Maintenant, il y a beaucoup d’artistes émergents, mais l’un des plus important est Jamelody, qui a sorti un single qu’on entend tous les jours.
Comment écris-tu tes textes ? C’est une bonne question, car beaucoup de gens me demandent « Qu’est-ce qui t’inspire ? ».
Je n’écris pas tous les jours, je ne devrais pas dire ça (rires). J’écris d’un coup, quand ça me prend, quand je trouve ma "vibe". Je ne choisis pas vraiment un sujet de chanson. Je prends juste mon stylo, une feuille de papier, et j’écris. Je ne me pose pas de questions. Give thanks to the Most High !
Tes paroles sont “conscientes” et évoquent aussi des événements d’actualité. En grandissant, je pensais toujours aux gens qui étaient moins heureux que moi, ceux qui vivent dans le stress, l’inquiétude. J’ai atteint un stade qui fait que ma vie est confortable maintenant. Et quand je pense à tous ces gens, ce stress, cette souffrance, je me dis que je dois écrire une chanson là-dessus. Pour qu’ils sachent qu’il y a toujours quelqu’un qui ressent la douleur aussi. L’enseignement est essentiel. C’est mon devoir. Je dois le faire, je dois toucher à tout.
Destiny est ton 4e album, penses-tu avoir trouvé ton style ? Absolument. "Destiny" est l’un de mes meilleurs albums. J’adore "Destiny". Parce qu’il y a plus de moi à l’intérieur, de mes influences. Comme vous l’avez dit, c’est mon style ! Et en particulier la chanson Destiny
Comment s’est passée la rencontre avec Special Delivery ? La première fois… Je pense que c’était à l’époque de mon premier album, j’étais en tournée avec Anthony B. Je crois que c’est là que Pierre et JP m’ont vu, en Angleterre. Je suis sûre qu’ils mon suivie un peu partout. Avec le temps, on s’est rapprochés. J’ai réalisé qu’ils adoraient le reggae. A chaque fois qu’il y avait quelque chose, ils étaient là ! Je me suis dit : « Ces Français sont wickeed ! » (rires). Ils m’ont proposé de faire l’album et j’ai accepté. Les Français sont vraiment très bons en reggae. Meilleurs que les Anglais, je dois dire.
Comment s’est passé l’enregistrement ? L’album a été réalisé alors que j’étais dans ma première tournée européenne. Ils sont restés en Angleterre pour m’attraper et me dire qu’ils ne me laisseraient pas partir cette fois-là (rires). L’album a été réalisé en deux semaines, à raison de trois jours par semaines. Donc six jours au total. Comme j’étais en tournée, c’était assez « tactique ». Mais c’était vraiment sympa, je me suis beaucoup amusée à faire cet album. Ils ont amené trois ou quatre cd remplis de riddims. J’étais submergé, j’avais tant de choix. J’ai choisi ceux que j’aimais. C’était vraiment agréable.
Quelle est ta chanson préférée sur l’album ? Ma chanson préférée… (Hésitante puis sûre d’elle) C’est Judgment. Parce qu’il y a une partie de moi qui aime « blazing the fire » (rires), qui veut corriger ce qui ne va pas, et Judgment m’a permis de faire ça, grâce aux mots. Word Sound & Power, yeah !
Tu as fais des combinaisons avec Sizzla, Buju Banton. Avec qui aimerais-tu en faire d’autres ? Je pense à Morgan Heritage, Beres Hammond. Probablement un autre avec Sizzla,… Beaucoup d’artistes, il y en a tellement ! J’aime Sista Carol, Marcia Griffiths…
Etre une femme rend-il les choses plus difficiles dans le milieu du reggae ? Ce n’est pas vraiment difficile de me développer en tant qu’artiste, mais c’est dur en tant que femme, on essaie toujours de te rabaisser. Mais je suis une sacrée femme, je suis une Queen ! Et une reine doit être au top. Mais ça me va car j’aime le challenge, et j’aime être provoquée, motivée. Je pense qu'être une femme dans le milieu du reggae est fantastique. C’est quelque chose de différent aussi, une fois que les hommes voient qu’une femme fait du « consciousness », ils sont plus raisonnés.
Selon toi, pourquoi les femmes sont souvent cantonnées aux chœurs ? J’imagine que certains hommes ont peur quand ils voient une femme prendre de l’importance. Je crois que les femmes sont les "vaisseaux" les plus forts. Il est écrit que les femmes mettent plus de temps à voir le King, elles ont une route plus longue dans la quête de la vérité. Mais quand nous y sommes, nous restons très fermes. J'imagine que c'est une des raisons qui fait que les femmes restent souvent aux chœurs. Les hommes ont peur.
Après les succès de Tanya Stephens ou Cecile, et avant elles de Lady Saw et Marcia Griffiths, on a l'impression que les femmes sont en train de se faire une vraie place dans le reggae… Quel est ton sentiment sur cette évolution ? Il y un temps pour tout et en ce moment, il y a un regain d’intérêt pour les femmes. Cette époque est très sérieuse, et il faut faire très attention à ce qu’on dit, car chaque mot peut se retourner contre toi.
Je pense qu’il va y avoir beaucoup de femmes qui vont émerger. Aujourd'hui, c’est l’heure des femmes. So Ladies, Empresses and Queens, come out ya !
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