INTERVIEW
Propos recueillis par : Benoit Collin
Photos : Karl Joseph
le mercredi 04 août 2004 - 9 240 vues
Il est parfois difficile de s’entretenir avec les artistes. Voici un très bref entretien avec Ken Boothe, arraché après sa prestation au Jamaican Sunrise. "Une interview rapide mais sympathique", dira Ken Boothe lui-même. Juste le temps pour lui de nous raconter son enfance musicale et d’aborder sa relation avec Coxsone. En espérant pouvoir revenir plus longuement sur la deuxième partie de sa carrière une prochaine fois.
Reggaefrance / Quelles sont vos influences ? / Mes influences… Je suis né dans une famille de chanteurs, où la musique est importante. Ma mère est chanteuse. Son premier enfant, une fille, a été le premier à faire carrière dans l’entertainment. Moi, je suis le dernier. Je la regardais se préparer, s’habiller avant un concert, et j’aimais ça, j’aimais entendre les gens dirent son nom à la radio.
C’est ce qui vous a décidé de vous lancer dans ce métier ? J’aimais beaucoup chanter. Quand on se réunissait entre amis, pour s’amuser, on chantait ensemble. Je chantais à l’école, en revenant de l’école… Le soir, je devais aller à une institution, une école pour garçon. J’y allais tous les soirs, parce que c’était le seul endroit où on pouvait s’amuser. Nous étions des enfants issus de familles pauvres, même s’il y en avait de plus pauvres que nous. Nos parents ont travaillé dur pour qu’on ait une éducation, des choses comme ça. Nous n’avions même pas de quoi jouer. C’est une institution dans laquelle venaient tous les enfants du quartier. Nous y allions pour jouer au football, au cricket, du piano, faire de la boxe… Deux des grands boxeurs jamaïcains allaient à cet endroit pour s’y entraîner. C’était un privilège pour les enfants pauvres.
Un soir, en rentrant chez moi, je suis passé chez Stranger Cole. Il m’a emmené au studio, où on a enregistré pour Duke Reid, Stranger et moi, Uno Dos. On a aussi chanté From one to six counting. On a ensuite décidé d’aller à Studio One, où on a chanté Artibella, World’s Fair. C’est à ce moment que ‘‘ Sir Cox ’‘ m’a découvert et a fait de moi un artiste soul. Il m’a demandé : ‘‘ Pourquoi tu ne chantes pas seul ? ’‘ Je lui ai dit : ‘‘ Tu es sérieux ? ’‘ Il m’a répondu : ‘‘ Oui ! ’‘. Il m’a envoyé au studio, j’ai chanté Hoo Wee Baby, et Lonely Tear Drops.
C’est Coxsone qui vous a demandé de chanter des reprises de standards américains ? Oui, Sir Coxsone. La première fois que j’ai chanté, je suis allé en ‘‘ dancehall ’‘ pour m’écouter. Ma voix me semblait si étrange. Je ne m’étais jamais écouté auparavant ! Je suis retourné en studio, et j’ai fait Run Coming Back, puis You’re No Good. Ensuite, j’ai fait beaucoup de hits : Come Tomorrow, Moving Away, Puppet on A String… En fait, Puppet On A String est la première chanson qui m’a permis de voyager en dehors de Jamaïque. Pour l’Angleterre, en 1967. Elle est sortie là-bas et a bien marché, ce qui m’a permis de faire un concert avec Alton Ellis. Pendant toute cette époque je n’ai connu que le succès. Ensuite il y a des hauts et des bas. Cela fait 40 que je fais ce métier. J’adore ce que je fais. Et je saurais quand le moment d’arrêter viendra. Jusqu’à ce jour, j’apprécie vraiment de venir chanter en France, et de voir un public si réceptif.
En 1971, vous avez quitté Coxsone… Quelles étaient les raisons de votre départ ? Financièrement, on a commencé à prendre conscience de certaines choses. On était une famille, avec ma femme, on devait élever nos enfants… On a donc décidé de réclamer plus. Mais c’est un autre sujet que l’on pourrait aborder une autre fois, le plan financier de ma carrière avec Coxsone.
En dépit de ces différents, que représente Coxsone pour vous ? Ce qu’il représente ? Je l’appelle le Parrain. Quand il s’agit de musique, il est l’un de ceux qui l’a fait briller à travers le globe. Il était un pionnier. Je suis allé à ses funérailles, car je devais transmettre mes condoléances. Financièrement, il m’a mal traité. Mais en dehors de ça, je suis toujours là, et il est celui qui m’a lancé. Je dois le remercier pour ça.
Vos projets pour l’avenir ? On me propose plusieurs choses. Des concerts, des enregistrements… Mais quelque soit le projet, il doit être bon. Sinon je ne le fais pas. J’aime la musique. C’est ce que je fais de mieux. A partir du moment où il s’agit de musique, parlez-moi !
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