INTERVIEW
Propos recueillis par : Benoit COLLIN
Photos : Karl Joseph
le lundi 20 septembre 2004 - 12 720 vues
Auteur de la meilleure prestation de l’édition 2004 du Jamaican Sunrise, Beres Hammond est un grand monsieur de la musique jamaïquaine dans tout ce qu’elle a de plus vaste et de plus profond. Nous ne pouvions manquer l’occasion d’échanger quelques mots avec cette figure emblématique du reggae. Souriant, affable, Beres Hammond nous répond avec une voix posée, calme et profonde. Rencontre avec l'un des artistes les plus sympathiques et les plus humbles qu’il nous ait été permis d'interviewer.
Reggaefrance / Beres Hammond, bonjour et merci d’avoir accepté de prendre un peu de temps pour parler avec nous. Peux-tu commencer par nous dire quand et comment tu as commencé à chanter ? / Ca fait longtemps… J’ai commencé quand j’étais enfant. Nous avons tous commencé à l’église. Les Jamaïquains sont des gens plutôt religieux. Moi-même et beaucoup d’autres, nous avons commencé à l’église. Puis, plus tard, nous nous sommes mis à chanter à l’école, et j’ai eu assez de chance pour pouvoir participer à ce qu’on appelle le Amateur Talent Show. C’était en 1973, il y a longtemps… Et depuis cette époque, il y a toujours eu des hauts et des bas, du bon et du mauvais, mais surtout du bon, car j’en ai toujours tiré du plaisir.
Quelles sont tes influences, tes influences musicales ? Je tire principalement mes influences musicales du rhythm n’blues américain et de quelques chanteurs anglais aussi. Mes influences viennent surtout d’Otis Redding, de Sam Cooke, de Stevie Wonder. Ils sont mes principales influences.
Et quand a eu lieu ton premier enregistrement ? Mon premier enregistrement a été fait quand j’avais environ 11 ans, mais il n’est pas sorti avant les années 90. Et c’était vraiment dommage pour moi à l’époque, car à 11 ans, je voulais que tous mes amis m’entendent… Et ils ne m’ont pas entendu, donc j’ai été très déçu. En fait, j’ai eu ma première reconnaissance grâce à une chanson en 1977, c’est alors que je suis devenu vraiment connu en Jamaïque.
Tu as été très productif dans les années 70 et 80, mais le vrai boom dans ta carrière s’est produit au cours des années 90 , comment expliques-tu cela ? Je pense que tout prend du temps, mais je suis fier que ce se soit passé comme ça pour moi, parce qu’au cours de ces longues années, on apprend tellement de choses, et par-dessus tout, on apprend à devenir humble.
Est-ce grâce à certains producteurs que tu as rencontrés que tout cela a été possible ? Qui t’a aidé à en arriver là ? Pas seulement les producteurs, mais les gens en général, au fil du temps… Tous les gens qui t’encouragent et te disent de ne pas arrêter ce que tu fais, car ce que tu fais est bon. Donc, pas seulement les producteurs, mais les personnes, les bonnes personnes qui t’encouragent le long du chemin. Et avec ce genre d’encouragement, j’ai commencé à les croire, eux qui voulaient que je continue.
Tu avais signé un contrat avec la major Elektra, pourquoi cela n’a-t-il pas marché ? Je ne sais pas… Quand mon projet est sorti chez Elektra, ils étaient justement en train d’entrer dans Murderate East West Records, et mon album est sorti la même semaine… C’était le chaos ! Des gens se sont fait virer, d’autres se sont fait changer de postes, certains ont bougé dans d’autres labels , c’était juste un grand bordel ! Mais je n’étais pas le seul artiste pris dans ce piège, il y en avait de nombreux autres. Anita Baker et pas mal d’autres ont été pris dans le même bordel.
Qu’est-ce qui t’a poussé à fonder Harmony House ? Je voulais me mettre à mon compte. Je voulais en apprendre plus sur le côté «business» de la musique. Donc, j’ai créé le label. Et grâce à ce label, j’ai tellement appris…
Quels sont les artistes qui ont signé sous ce label ? Vous avez dit que vous avez rencontré Ginja donc… Nous avons Sugar Black, Lebanculah, Nicky Tucker, AJ “Boots” Brown, Natural Black…ce n’est qu’un échantillon. Il y en a peut-être 3 ou 4 douzaines… On a quelques Black Uhuru, Mykal Rose et les autres…
Qu’as-tu à dire du style Harmony House ? Y a-t-il un son Harmony House ? Une fois que tu entends la chanson, tu sais que c’est Harmony House. J’essaye de me concentrer sur la qualité, ce qui veut dire que je me concentre sur les arrangements, la musique reggae. Je n’aime pas seulement les riddims, j’aime les arrangements. Donc, j’essaye de m’y tenir et cela permet de distinguer le son Harmony House des autres sons. Quand tu entends Harmony House, tu entends de l’orgue, de la guitare, du violoncelle... J’aime le son chaleureux, je n’aime pas trop l’électronique.
Peux-tu nous parler des rapports que tu entretiens avec Marcia Griffiths ? Je la connais depuis pas mal de temps, peut-être 15 ans environ, et elle est magnifique. J’ai un peu écrit pour elle, dans le passé… Au cours des 10, 12 dernières années, j’ai écrit des chansons pour elle. C’est quelqu’un avec qui c’est super de travailler. Il y a beaucoup de choses que je peux dire au sujet de Marcia. On travaille bien en studio et quand on a la chance d’être ensemble sur scène, c’est magique !
Tu fais beaucoup de chansons d’amour , laquelle choisirais-tu de chanter à ta femme ? Pourrais-tu en choisir une ? Non, tu vois, mes chansons sont comme mes enfants pour moi : je les aime tous et je n’en ai jamais préféré un aux autres. Donc, c’est difficile de dire laquelle je chanterais, les autres seraient jalouses…
Quels sont tes projets pour le futur ? J’essaye de ne jamais prévoir. Ma seule espérance, c’est d’avoir la santé, de retourner en studio et de continuer à faire ce que je fais. Habituellement, avec une chanson, quand tu écris une chanson, c’est cette chanson qui probablement va te dire ce qui viendra ensuite. Donc, je ne fais pas de plan sur l’avenir. La seule chose que j’ai prévue en ce moment, c’est que nous sommes en train de construire 3 studios différents, Harmony House, As We Speak aussi… Les studios sont en travaux et logiquement, ils devraient être prêts pour janvier. En janvier, on aura les 3 studios en action, plus d’artistes y viendront. C’est le seul projet que j’ai fait !
Que penses-tu du développement d’internet et notamment du partage de la musique ? C’est un nouveau jour, une nouvelle ère, chacun doit s’adapter à tout changement social ou économique, donc j’essaye de m’adapter. En fait, il n’y a pas beaucoup de choses qui me dérangent… La guerre me dérange.
Pour finir, peux-tu revenir sur ta période chez Penthouse ? Tu as fait beaucoup de bonnes choses avec eux… C’est à peu près la même chose que ce que je fais avec Harmony House, ce sont juste des gens différents et des projets différents, mais c’est le même Beres, la même approche. Je n’ai jamais changé mon approche de la création musicale. Ce qui fait certainement une différence, c’est le producteur, le genre de producteur, la nature de sa personne, car parfois, il ressort plus de toi si cette personne est quelqu’un de libre spirituellement, alors, de même la chanson se libère. C’est un bon point. Respect !
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