INTERVIEW : IBA MAHR
Propos recueillis par : Irie Nation
Photos : DR
le vendredi 06 décembre 2013 - 8 018 vues
Parmi la nouvelle génération d'artistes qui se lève en Jamaïque, Iba Mahr n'est pas le moins prometteur. Repéré par Max Romeo, qui enregistre son premier titre sur son label Charmax, son grain de voix, qui rappelle parfois Junior Kelly, et des thèmes culturels ont lancé sa carrière. Ce jeune Rasta faisait sa première tournée européenne cet été ; l'occasion de faire les présentations.
Reggaefrance / On t'a vu cet été sur scène avec Dubtonic Kru, comment ça se passe avec eux ? / C'est très sympa, c'est une joie. Les membres de Dubtonic Kru ont toujours été mes amis, musicalement mais aussi en dehors de la musique. J'ai enregistré mon premier morceau avec Jallanzo, le guitariste de Dubtonic Kru. C'est facile et confortable de faire une chanson avec eux, et sur scène, c'est le feu !
Où as-tu grandi en Jamaïque ? Comment t'es-tu lancé dans la musique ? Je viens de la campagne, de Linstead, une petite ville dans la paroisse de Ste Catherine, pas très loin de Spanish Town. Quand j'étais jeune, je chantais et je dansais sur des chansons des années 70 et 80. Mon grand-père était un homme populaire au sein de la communauté et il avait un sound system. Je n'ai pas pu aller le voir en sound system, mais la plupart des disques qu'il passait étaient à la maison. Le dimanche, il les jouait sur son Stereogram. On écoutait Burning Spear, Gregory Isaacs, Alton Ellis, Hugh Mundell, Bob Marley, Jacob Miller, Peter Tosh… Est-ce que j'ai mentionné Burning Spear ? C'est le genre de musique que j'écoutais quand j'étais jeune. Le reggae était déjà en moi à l'époque, même si je pensais que l'école et les études devaient être mon objectif. J'étais concentré sur mes études supérieures, et puis la musique s'est emparée de moi, et il n'a plus été question que de musique à partir de ce moment-là.
Tu as obtenu un diplôme ou tu t'es arrêté avant ? J'ai dû arrêter à cause de difficultés financières, et puis la musique est arrivée. La musique m'attendait, en un sens, car ce n'était pas vraiment un choix. La musique est arrivée, s'est emparée de moi, et m'a emporté. Je n'ai connu que de la joie et du bonheur depuis. Il y a eu Will I wait, puis Burning, Let Jah lead the way, Great is Him… et beaucoup d'autres chansons !
 Les gens rigolent quand je raconte ça : c'est la nourriture qui m'a plongé dans la vibe rasta. 
Qui était le premier à t'emmener en studio ? Je dirais Jigsy King et Max Romeo. Deux grands noms dans deux genres différents !
Que pensait Max Romeo de ta musique à l'époque ? J'ai enregistré ma première chanson avec Max Romeo, elle s'appelle Had it and lost it. C'est avec cette chanson que je démarre mes concerts, car c'est la première que les gens qui me connaissent ont pu découvrir. Max Romeo me disait : "C'est le genre de chansons que tu devrais faire, cette musique, du reggae positif, te donne l'opportunité de voyager à travers le monde." C'était facile pour moi parce que c'est la musique avec laquelle j'ai grandi.
Tu chantes aussi beaucoup de chansons d'amour. John Holt nous disait que chanter l'amour était louer Rastafari de la même manière. Tu vois les choses comme cela aussi ? Tu sais, Sa Majesté parle très hautement de l'amour. Sa Majesté avait son impératrice. Comme les rois et les reines, nous devons tous nous unir, et nous avons besoin de l'amour pour cela. C'est pour ça que je chante des chansons d'amour. C'est parfois plus personnel, par rapport à mes propres expériences, et parfois ce sont des choses que je vois autour de moi, ce sont les gens qui m'inspirent ces chansons. Tu sais, je pourrais chanter une chanson pour dénoncer les injustices, une chanson pour louer Sa Majesté et encore une autre pour raconter combien j'aime une femme, car c'est ce que je suis.
Tes parents étaient aussi Rastas ? J'ai grandi dans une famille chrétienne.
Qu'est-ce qui t'a mené à Rasta, et comment ont-ils réagi ? Les gens rigolent quand je raconte ça : c'est la nourriture qui m'a vraiment plongé dans la vibe rasta. Je rendais visite à un ami tous les jours et je mangeais de la nourriture Ital. J'ai commencé à abandonner la viande pour me concentrer sur les fruits et légumes, et la vibe est venue… naturellement !
Est-il encore difficile pour un jeune d'être rasta en Jamaïque ? Les jeunes rastas peuvent subir des moqueries ou être mis à l'écart pendant un temps. . Je crois que les gens, au fond d'eux, veulent savoir si tu es sérieux dans ce que tu fais. Tout est question de confiance en soi, Marcus Garvey a beaucoup parlé de cela. Si tu es prêt à faire ce choix, alors tu es prêt à accepter toutes les conséquences.
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