INTERVIEW
Propos recueillis par : Alexandre Tonus
Photos : Benoit Collin
le mercredi 21 avril 2004 - 11 184 vues
L'équipe de Reggaefrance ne pouvait pas rater le passage d'Alozade dans notre capitale et c'est après une longue attente (le temps que celui-ci en finisse avec sa session de dubplates, c'est qu'il est solicité le monsieur !) que nous avons pu enfin faire plus ample connaissance avec ce jeune DJ. Interview autour d'un repas salutaire donc, juste avant le concert, qui a enflammé La Locomotive, en compagnie de Zumjay, dont l'interview sera elle aussi publiée très bientôt…
Reggaefrance / Tout d'abord, peux-tu nous en dire plus sur toi ? Où tu es né. D'où tu viens. Et peux-tu expliquer le sens de ton surnom, Alozade ? / Je suis né à Kingston, en Jamaïque, au Jubilee Hospital pour être précis. Ma mère était là sur le lit d'hôpital et elle s'est mise à pousser… C'est une petite fille qui a sauté dehors en premier. Et puis, 5 minutes plus tard, ce fut moi, donc je suis un jumeau. Pour moi, vraiment, la musique est née en moi. A partir du moment où j'avais un talent, je n'avais pas d'intérêt à l'enterrer, ni à le montrer avec ostentation, j'ai donc juste travaillé dessus. C'est arrivé jusqu'ici, mais il y a toujours des épreuves et des endroits à traverser, c'était un continent. Parce que malgré tout, tout ça, tous les endroits dont je connais le nom, ce n'est pas le monde tout entier, je ne suis pas implanté dans chaque maison, donc je travaille là-dessus. Je repousse les limites jusqu'au ciel, c'est ça ma méthode : ne jamais laisser tomber ! J'ai hérité du nom Alozade de Vegas et Chico, depuis eux, ce nom m'est resté collé, depuis mon premier 45, "Street Dreams", sur le Crash riddim. Grâce à eux, j'ai pris plus de recul. C'est un travail continu, en studio, sur scène... C'est ma vie de tous les jours !
Tu as parlé de ton premier tune, "Street Dreams", c'était pour un label qui s'appelle In the Streetz. Es-tu toujours en contact avec eux ? Continues-tu à travailler avec eux ? Plus vraiment en tant que chanteur. J'ai mon label maintenant, et ils sont distributeurs. Parce que je ne le suis pas, je suis sur le point de faire de la distribution… Donc, ils distribuent mon riddim, qui s'appelle le Chrome riddim, pour South Block Production.
Tu as fait deux tunes sur le Chrome riddim, un en solo et l'autre en duo, avec Vybz Kartel… Ouais man, t'as bien suivi ça. Respect !
J'ai entendu que tu avais eu des problèmes avec la justice, peux-tu nous donner plus de détails sur cette histoire ? Un grand nombre d'artistes était dans la même affaire, je crois… Ce n'est pas moi qui ai eu des problèmes avec la justice, c'est la justice qui a eu des problèmes avec moi ! Il y avait un grand nombre d'artistes au procès… Mais selon moi, c'était vraiment une injustice, quand on y regarde de près. Au bout du compte, ils ont évoqué une raison, du genre… appelle ça X… parce que j'étais dans mes droits.
Mais pour avoir riposté à une attaque de la police, et devant le juge, j'ai outrepassé mes droits. Je n'étais pas dans mon tort en fin de compte, mais va comprendre, face au juge, ce qui est dit… La loi m'a mis hors-jeu et ça m'a fait très mal, 6 mois d'incarcération. Comme je dis, avec raison, la vie est un collège d'expérience. Donc, c'est plus de connaissance, plus de sagesse. En prison, il y a tellement de gens d'origines différentes. Quand j'y suis rentré, j'ai vu des cinquantaines de gens différents. J'ai vu des chinois. J'ai vu tellement de gens de contrées lointaines, des juifs et quoi d'autre, tout le monde. Des voleurs, des gunmen, des violeurs, tu apprends tellement de tout le monde, parce que c'est le collège du ghetto, ça accroît ta connaissance. Je regrette, parce que ma carrière a été ralentie, mais je ne regrette pas, car au bout du compte, ça m'a permis d'être toujours en sécurité. Parce que beaucoup de choses se passent dehors et tu pourrais bien être victime d'un de leurs gunmen. Donc, je dois voir ça à un certain niveau. Dieu sait ce qui est le mieux, pour ma renommée il a laissé ces choses se produire.
Peux-tu nous dire comment est perçue l'émergence internationale du dancehall, avec des artistes comme Sean Paul ou Wayne Wonder, par les autres artistes comme toi et par les Jamaïcains en général ? En général, tu n'imagines pas, je les applaudis, parce qu'ils portent haut le drapeau. Désormais, aux yeux du monde, le dancehall apparaît comme la nouvelle musique, et tout le monde s'intéresse à la façon dont on le chante, tout le monde s'intéresse à la façon dont on le joue, tout le monde veut danser dessus. Ils veulent trouver des nouvelles danses, le dancehall est la nouvelle passion et ça fait bouger la planète toute entière. Donc, de nouveaux artistes vont encore arriver sur le devant de la scène, comme Sean Paul et Wayne Wonder, qui vont porter haut le drapeau. Bob Marley l'a fait en son temps et il y a encore un grand nombre de talents à découvrir, donc il faut garder les yeux et les oreilles ouverts, et juste leur apporter notre soutien.
Enfin, as-tu des projets pour le futur ? Un album en préparation ? Oui tout à fait, j'ai l'intention de travailler sur un album dans l'année à venir. Parce que travailler sur cette tournée européenne, toutes ces 18 dates qu'on a faites, c'est comme l'avant-première d'un grand film ! Voir à quel point les gens sont excités, enthousiasmés, par la performance, et les lyrics, et toutes ces choses, ça te fait te rendre compte et ça te donne un sens, et ça te fait te dire : «Yo ! Les gens en veulent plus, donc tu dois leur en donner plus, et leur donner des chansons». Donc, à présent, c'est mon projet dès que je rentre à la maison, sortir un album. Peace, respect !
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