INTERVIEW : ANTHONY RED ROSE
Interview et photos : Benoît Georges
le mercredi 06 février 2013 - 19 049 vues
Le nom de Red Rose est entré à tout jamais dans la grande histoire du reggae grâce au morceau Tempo, un titre incontournable produit par King Tubby et sorti en 1984. Ironique pour celui qui déclare ne pas aimer son surnom, un sobriquet hérité de l’école. Anthony « Red Rose » Cameron a su saisir sa chance et ce Tempo va changer sa vie. Il prétend d’ailleurs qu’il s’agirait du premier morceau de reggae digital, car sorti officiellement avant le Sleng Teng.
Mais Anthony Red Rose est loin d’être un « one hit man », comme il en existe tant en Jamaïque. Capitalisant sur le succès de Tempo, il reste une valeur sure de la période digitale. Dans les années 90, il se lance dans la production avec ses deux labels, Raggedy Joe et How yu fi sey dat?, et œuvre en sous-main dans l’industrie musicale. Anthony Red Rose nous explique pourquoi sa rose rouge n’est pas prête de faner.
Reggaefrance / Tu es venu pour a première fois en France très récemment, en 2011. Anthony Red Rose / Oui, j'étais très content d’être en France. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais c’est la première fois que je viens ici et j’en suis heureux parce que comme le vin, la musique se bonifie avec le temps et les jeunes d’aujourd’hui, en France, recherchent de la bonne musique qui a bien vieilli.
Tu es né à St Mary, mais tu as grandi à Spanish Town. J’y suis né en 1964, mais c’est un hasard. Voilà ce qui s’est passé : ma mère est partie rendre visite à une amie à St Mary, c’est là que le travail a commencé et qu’elle a accouché. Juste après ma naissance, nous sommes retournés à Spanish Town où elle vivait déjà.
Où as-tu commencé à chanter ? Sur un sound system baptisé Sir Duncan, sur Wax road à Spanish Town. C’était un petit sound de quartier. Ils jouaient tous les vendredis, et tous les vendredis j’étais dans le coin. Je devais avoir environ 12 ans à l’époque et j’observais comment ça se passait. Jusqu’au jour où le boss du sound m’a demandé : « Comment ça se fait que tu aimes autant le sound ? Qu’est-ce que tu peux faire pour le sound ? » Je lui ai répondu : « Je peux chanter, faire le deejay, tout faire… » Il m’a dit : « Ok, fais-moi écouter. » Je lui ai chanté une chanson, il l’a bien aimée et depuis ce jour, il m’a emmené dans toutes ses danses.
Sly Dunbar est vraiment mon mentor, c’est comme un battement de mon cœur, je l’aime !
Y avait-il d’autres artistes sur ce sound ? Etant à Spanish Town, ce sound n’a jamais vraiment eu de deejays. Les gens passaient pour prendre le micro. Il y a eu Papa San, Dirtsman... Quand j’ai commencé à avoir du succès, j’ai beaucoup traîné avec ces artistes de Spanish Town, et c’est pour cela qu’ils sont parfois venus sur le sound. Mais j’étais le seul deejay officiel du sound. Quand je suis devenu populaire, ça a rejailli sur le sound et on a eu des artistes comme Stichie, et on en attirait plein d’autres.
D’où vient ton nom de scène, Red Rose ? Il vient de l’école. C’est un surnom qu’on me donnait et que je n’aimais pas. En fait, j’aimais bien être propre sur moi : pantalons, chemise, chaussures, bien propres. Les camarades se moquaient de moi en disant que je débarquais apprêté comme une rose rouge. Je n’aimais pas ce surnom car pour moi, c’était vraiment un truc de fillette. Ils se sont tellement foutus de moi que j’ai abandonné ! Quand on m’interpellait dans la rue en criant « hey Red Rose », j’ai fini par répondre et à partir de là, c’était foutu. : c’est devenu mon nom.
Quel a été ton premier enregistrement professionnel ? C’était pour le producteur Dennis Star, la chanson Sandy. La première fois que je suis entré dans un studio, c’était pour chanter cette chanson, mon premier disque ! C’était en 1980.
Tu as passé beaucoup de temps sur le sound system avant d’entrer en studio. Des années ! Pendant des années, j’étais partout, à chanter, à porter les caisses, à faire la routine. Je suis un de ces artistes qui a commencé à la base et qui s’est élevé petit à petit.
La connexion avec Dennis Star, c’est grâce à Bunny Lee ? Non, je ne connaissais pas encore Bunny Lee. C’est Tubby qui m’a fait connaître Bunny Lee. La femme de Dennis Star, Junie Star, travaillait à Tuff Gong et lui, produisait des artistes de Spanish Town : il m’a enregistré, il a aussi enregistré un album qu’on partageait Papa San et moi sur son label. Et puis j’ai rencontré ce chanteur, Bunny Lie Lie, qui chante un peu comme Linval Thompson. Un jour, il m’a demandé de le suivre à Waterhouse, chez King Tubby. C’est comme cela que je l’ai rencontré ce jour-là. Et il y a eu un déclic. Tubby m’a demandé de revenir au studio car il aimait ma voix. Le premier morceau que j’ai enregistré pour lui était Under me fat thing.
Attends, ton premier morceau pour Tubby c’était Under me fat thing avant Tempo ? Oui, j’ai enregistré Under me fat thing en premier, mais c’est Tempo qui est sorti en premier.
Il y a quelque chose que j’ai du mal à comprendre : Under me fat thing, c’était déjà sur le Sleng Teng… Je vais t’expliquer. J’ai chanté Under me fat thing en premier, ils l’ont enregistré, mais ils l’ont fait uniquement pour les danses, pour le jouer comme un dubplate, ils ne l’ont pas sorti. Après, ils sont arrivés avec un nouveau riddim, le Tempo, qu’ils avaient appelé le Crank Angle. Je trouvais que ce riddim n’était pas terrible : il n’y avait aucune mélodie, juste basse et batterie. Mais, j’ai quand même enregistré la chanson Tempo dessus. Asher a rajouté des claviers et ils ont décidé de la sortir en premier.
Mais tu prétends que le Tempo a été le premier riddim entièrement digital, même avant le Sleng Teng… Dans la révolution digitale, Tempo a été le premier morceau à sortir. Il y a beaucoup de monde qui a posé pour le Sleng Teng : Tubby avait son Sleng Teng, sur lequel j’ai enregistré Under me fat thing et Jammy avait sa propre version sur laquelle il a fait poser beaucoup de monde. Tempo était juste une chanson. Après, King Everald a enregistré dessus, mais il n’y a jamais eu autant de monde que sur le Sleng Teng. C’est simple, Tempo est entré dans les charts en décembre 1984 et le Sleng Teng y est entré en 1985.
On dit qu’il n’y avait pas assez de place avec les quatre pistes pour t’enregistrer. Tu as donc dû enregistrer en direct. (Rires) Oui, tu as tout compris ! Tu es bien informé ! Oui, on avait quatre pistes et c’était vraiment juste, il n’y avait plus de piste pour la voix. J’ai donc enregistré en même temps qu’ils mixaient le riddim. Tu entends des bruitages sur la chanson : c’était King Everald qui faisait ces effets, à l’arrière plan, directement sur la bande, pendant que je chantais et que Professor mixait le tout. Tout a été fait en même temps.
Une spécificité de cette chanson était qu’il y avait aussi un traitement numérique de la voix. C’est surtout cela selon moi qui fait l’originalité de Tempo à cette époque. Oui et c’est Tubby qui est arrivé avec ce son. C’est un effet de reverb, mais Tubby avait sa propre reverb.
Il l’appelait le « big knob »… Et il l’a intégré à la chanson. A chaque fois que je disais « tempo », il balançait sa reverb. Et aujourd’hui, tout le monde fait ça (rires) !
C’est en passant tout ce temps chez Tubby que tu as développé le style Waterhouse dans ton chant ? Tubby m’a pris sous son aile. Il me parlait beaucoup, il m’a demandé d’écrire des chansons, il m’a envoyé enregistrer d’autres artistes, comme Sugar Minott, Gregory Isaacs… Je suis obligé de mentionner ces artistes que King Tubby m’a envoyé enregistrer. Il m’a envoyé à Channel One, car il n’avait pas de pièce pour enregistrer des instruments. Il était encore en train de bâtir son studio à l’époque. Donc quand il voulait avoir des sons d’instruments, il les enregistrait à Channel One. Il appelait les musiciens et il m’envoyait à Channel One sur la session. Comme cela, je pouvais apprendre comment enregistrer des chansons, « the real way ». A garder tel son, à adapter tel autre et obtenir un bon rendu.
En gros, il t’a appris à produire de la musique. Oui, et Tubby m’a fait entrer dans un cercle d’artistes.
Tu dis que le Tempo a été composé par la même personne que le Sleng Teng, Noel Bailey. J’ai un doute sur le nom de cette personne : dans un livre, c’est bien Bailey, mais partout sur internet tu vois Davey. Tonto Irie, qui a été témoin de cet événement, m’a dit qu’il s’appelait bien Bailey. Oui, c’est bien Bailey. D’ailleurs, c’est le frère du deejay Powerman, qui se prénomme lui-même Mickael Bailey.
Y avait-il de la compétition entre Jammy et Tubby à l’époque ? Il n’y avait pas vraiment de compétition car les deux n’étaient pas rivaux. Jammy était comme un fils pour Tubby. Tubby lui a appris tout ce qu’il sait, c’était son apprenti. Tout ce qu’il a fait à l’époque, Tubby l’avait fait avant. C’est un peu le protégé qui s’élève et prend son envol quand son moment est venu. Pour moi, ce n’était pas une compétition : Jammy était comme moi par rapport à Tubby.
A l’époque, Jammy avait obtenu beaucoup de hits et on sent quand même que Tubby, le maître, a cherché à rattraper l’élève. Il était en passe de le faire et je pense que s’il n’était pas décédé prématurément, il aurait été très loin dans cette direction musicale. Tubby était le maître et même si son école régnait encore à l’époque, il ne savait pas vraiment que faire pour rester dans la course.
Après le Tempo, tu es devenu très demandé pour les dubplates. Je ne peux même pas te dire combien j’en ai fait…
Quel est le premier dub de Tempo avec le nom d’un sound cité dans le morceau ? C’était pour King Stur Gav. Je te raconte : Daddy U-Roy était l’un des meilleurs amis de Tubby. Quand j’ai enregistré la chanson Tempo, il a appelé U-Roy : « J’ai une nouvelle chanson avec un jeune qui s’appelle Red Rose, viens l’écouter. » Il est venu et a dit : « Jah know, cette chanson est mortelle, il me la faut en spécial pour le sound. » Je l’ai donc chanté en spécial pour lui. Et il s’est barré, pendant environ deux semaines. A son retour, il dit à Tubby : « Il faut que tu sortes cette chanson immédiatement, j’ai joué cette chanson dans une danse, c’était bouillant ! J’ai été à une autre danse et je l’ai joué, les gens voulaient entendre ce Tempo encore et encore. Tubby sors-le maintenant ! ».
Dans les années 80, tu as enregistré beaucoup de chansons sur les danses, les sound systems et les sound clashes. Des morceaux « regular », pas des dubplates. C’était vraiment ton truc ? Oui, car après une chanson comme Tempo, je ne pouvais pas me permettre qu’un autre gars se mette à exploiter le filon, à chanter des textes de sound clash comme moi. En Jamaïque, chacun cherche quelque chose à copier. Quand tu commences à faire quelque chose d’original, il y a toujours quelqu’un qui va te copier pour ensuite s’approprier ce que tu as fait.
Les fameux « bandwagons »… Oui, c’est exactement le terme. Et il y a toujours un tas de « bandwagons ». C’est comme un arbre que j’aurais planté et qui a fini par donner des fruits. J’ai toujours récolté ces fruits, de peur qu’un autre le fasse à ma place.
Tu t’es lancé assez tôt en indépendant, comme producteur. Pour quelles raisons ? Après la mort de Tubby, en 1989, j’avais déjà fait pas mal de concerts un peu partout. J’ai économisé de l’argent dans l’intention de m’autoproduire. Pourquoi ? Parce que partout où j’allais, je voyais des producteurs qui produisaient des artistes, et je n’aimais pas ça. Je voulais faire mes propres trucs. J’avais des idées, des connaissances en tête et je voulais les apporter à ma musique. Avec l’argent économisé, j’ai acheté une console 24 pistes et j’ai travaillé sur des riddims, avec la crème de la crème : Sly & Robbie, Steely & Clevie, Lenky, un paquet de musiciens a travaillé sur des riddims pour moi. Et puis, je bougeais beaucoup, je faisais des chansons pour moi, des chansons pour d’autres et des duos avec un artiste et moi, et ça a marché. La première chanson que j’ai sortie, c’était un duo entre Bounty Killer et moi, Intimate sur le riddim Earthquake en 1993. Il y a eu tout une série avec Anthony Malvo, Wicker Man…
Pourquoi monter deux labels ? Pendant longtemps, je n’avais que How yu fi sey dat?, que j’avais monté avec Anthony Malvo. Mais ensuite, j’ai décidé de monter un autre label, Raggedy Joe.
Si on dit que Raggedy Joe était un label orienté reggae et How yu fi sey dat ? plus dancehall, ça te semble correct ? Oui, c’est vrai. Sur Raggedy Joe, j’ai sorti des Beres Hammond, Terry Linen, Mikey Spice, Luciano, pleins d’artistes reggae.
Effectivement, tu as travaillé avec beaucoup d’artistes et sur beaucoup de chansons. Je vais te citer quelques noms et quelques chansons, peux-tu me dire ce que ça t’évoque ? Pour commencer, Sly & Robbie, deux personnes importantes dans ta carrière, je suppose. Dans ma vie même ! Sly est comme un mentor. Après Tubby, je me suis tourné et reposé sur Sly & Robbie. Sly m’a donné beaucoup d’infos, de conseils. C’est un dictionnaire de reggae. Ce que j’aime avec lui, c’est qu’à chaque fois que tu lui demandes une info, il va te la donner. Il aime surtout que les gens se prennent en main et travaillent pour leur compte. Il te motive. C’est pareil avec Robbie, la différence est qu’il vit à Miami, on le voit de temps en temps. Mais Sly, il est tout le temps là. Quand il n’est pas en tournée, c’est qu’il est là, quelque part, à travailler. C’est vraiment mon mentor, c’est comme un battement de mon cœur, je l’aime !
Bounty Killer ? Sa mère est une amie. Elle m’a dit que son fils était devenu deejay et m ‘a demandé de l’écouter. Ce que j’ai fait et il m’a stupéfait, il sonnait vraiment bien. J’avais ce duo, Intimate. La partie deejay était prévue à l’origine pour Fragga Ranks. Quand je l’ai ramené en studio, on a eu un problème de tonalité. En fait, il n’arrivait pas à identifier la tonalité du riddim pour y adapter sa voix. Certains deejays ont ce défaut : ils ont une bonne voix, un bon flow, mais ils s’entraînent sans riddim et quelquefois, ils n’arrivent pas à adapter leur chanson à la tonalité du riddim. Quand j’ai écouté Bounty Killer, j’étais tellement étonné que je lui ai proposé la chanson. Je l’ai rencontré chez Jammy, mais ce n’était pas encore un artiste de l’écurie Jammy. Il travaillait avec son frère, Labba. Je lui ai dit : « il paraît que tu bosses avec un deejay sérieux ». Il ne s’appelait même pas Bounty Killer à ce moment là, mais Bounty Hunter. Je l’ai amené en studio pour Intimate. A partir de là, on a navigué tranquillement ensemble, la chanson est arrivée numéro 1, partout on l’a aimée. Bounty Killer est quelqu’un de bien.
Beenie Man ? Beenie Man, je l’ai connu quand il était tout jeune. On l’emmenait dans les danses et on le faisait monter sur des caisses de bières pour chanter. Il était comme un petit fils pour moi, il a grandi dans ma main. Je me sentais obligé de tout faire pour lui et je ferais tout pour l’aider. Si tu nous voyais aujourd’hui, tu verrais qu’on a gardé cette relation. Lui aussi est quelqu’un de bien.
Terry Linen ? Il est aussi comme un fils ! Il a habité chez moi pendant des jours, je m’en suis occupé pendant des années avant qu’il n’ait son premier hit, à lui apprendre comment enregistrer sur le riddim et plein d’autres petites choses.
Gentleman ? Le chanteur Jack Radicks, avec qui j’ai enregistré plusieurs chansons, m’appelle un jour d’Allemagne et me dit : « J’ai rencontré un chanteur, Gentleman, on veut te l’envoyer en Jamaïque, car tu sauras exactement quoi faire avec lui. » Ils me l‘ont donc amené. Il est resté avec moi, à écouter des riddims, à s’entraîner à poser sur les riddims… J’ai mixé des chansons pour son premier album. Quand il a été signé, il est revenu pour enregistrer d’autres chansons : on a fait un duo avec Terry Linen et lui. J’ai produit un remix du riddim Tempo pour son album ''Diversity''. J’ai produit deux chansons pour cet album : Tempolution et Bridge over wall. Gentleman est quelqu’un de sympa, très aimable. Une chose que je peux dire : je remercie Dieu, car il m’a toujours envoyé les bonnes personnes.
Lord Kossity ? Le producteur Clive Hunt m’appelle un jour pour me dire qu’il a un artiste en France et qu’il aimerait enregistrer un duo avec moi. C’est ce qu’on a fait. Il a été signé, il a eu des hits et il est revenu vers moi pour de nouvelles productions. J’ai vu qu’il a signé un contrat avec Sony, donc s’il veut de nouveau travailler avec moi, je suis prêt. Kossity est très sympa.
La chanson Heathen pour le label Star Trail ? Alors que Star Trail n’avait pas encore sorti sa version du riddim Tempo, je me retrouve un jour chez Scorpio. Bello (Richard Bell, patron de Star Trail, ndlr) travaillait dans le studio et il me dit : « c’est ton riddim ça, il t’appartient quasiment, tu devrais enregistrer dessus. » Je me suis exécuté directement et j’ai enregistré un énième Tempo. Ca a bien plu et on a été cherché Pam Hall et Derrick Lara pour les chœurs. Ils ont aussi trouvé que la chanson était puissante. En fait, c’est juste une coïncidence. Je ne me rappelle même plus pourquoi j’étais venu chez Scorpio à l’origine, je tombe sur Bello et je me retrouve à enregistrer sur le Tempo. Cette chanson et ce riddim sont connus dans le monde entier et ça a encore renforcé leur popularité. C’était bien. Après, Bello a créé un remix de la chanson avec Norris Man et ça aussi, ça a bien marché.
La chanson Two big bull in a one pen avec King Kong ? Ça, c’est une idée de Tubby, d’avoir King Kong et moi sur un album, ensemble. Il m’a envoyé à Tuff Gong pour enregistrer le riddim et je crois qu’on a aussi enregistré les voix là-bas.
La chanson Cocaine, qui reprend la chanson Dances are changing sur le riddim General ? J’ai repris cette chanson pour parler de ce changement dans les habitudes en Jamaïque. C’est basé sur une expérience. A l’époque, en Jamaïque, on n’en parlait pas beaucoup. Je vois des petits jeunes, et j’entends dire qu’ils sniffent de la coke, qu’ils achètent de la coke et du crack. J’ai donc chanté sur ce thème car c’était quelque chose que j’avais constaté et c’était vraiment nouveau à l’époque.
Et Give me the weed sur le riddim Taxi ? Ouais, à cette époque, j’en brulais beaucoup (rires). Je vivais cette vie : tous les jours, tout le temps j’avais mon petit sac de weed avec moi. Et j’ai chanté là-dessus.
La série sur le riddim Drum song que tu as produite ? J’ai essayé d’utiliser les meilleurs ingrédients pour ce riddim : c’est Sly qui s’est occupé des percussions, Danny Bassie, de Firehouse, de la basse, Dean Fraser était aux cuivres, Dalton Brownie a joué les guitares, pour le « kette drum », c’était Sticky (Uziah Thompson, ndlr) – depuis je l’appelle toujours Kette. Et le rendu final était vraiment bon. Ca a donné une seconde jeunesse à ce riddim, les plus jeunes se sont précipités dessus. Tout le monde l’a aimé et aujourd’hui encore, des artistes me demandent d’enregistrer dessus.
Autre hit, Love is coming at you ? C’est une chanson que j’ai enregistrée avec Capleton, Terry Linen et Anthony Malvo. Je vais un jour au studio de Gussie (Clarke, ndlr) pour voir le producteur Bulpus (Norman Bryan du label Kickin, ndlr), qui s’apprêtait à enregistrer Capleton. Il avait loué un petit studio, au point de ne pas pouvoir accueillir tout le monde à l’intérieur. Et comme Capleton a un entourage nombreux qui se déplace avec lui, le studio était blindé et je me suis retrouvé à l’extérieur, derrière la porte. En entendant le riddim jouer de l’intérieur, l’idée m’est venue (il chante le refrain). Une fois Capleton enregistré, Bulpus sort et me dit : « le truc que tu chantes, tu vas l’enregistrer sur le riddim. » Capleton a aussi écouté la chanson et a dit : « il y a plein d’amour dans cette chanson, il faut l’enregistrer. » On a donc finit par l’enregistrer, mais c’était vraiment une inspiration du moment. C’est arrivé et aujourd’hui, c’est une très bonne chanson dans mon catalogue.
En vieillissant, ton répertoire est d’ailleurs devenu plus lover, plus conscient qu’avant. Comment l’expliques-tu ? C’est la maturité, devenir un homme. Quand tu es jeune, tu penses jeune. Quand tu as des enfants et des responsabilités, tu penses à veiller sur la prochaine génération, à enseigner le bien, dans tes chansons : comment vivre, comment survivre, comment être un homme, enseigner aux femmes comment aimer les hommes, comment traiter les hommes, car en tant qu’homme tu es la personne parfaite pour dire à ta femme comment te traiter (rires).
Tu es quelqu’un de régulier dans le business avec toujours de nouveaux morceaux sur les riddims. Quelle est pour toi la recette de la longévité musicale ? Pour rester actif dans la musique, il faut apprendre à s’adapter aux temps. La musique change tout le temps, tout change, la nature aussi. Si tu veux rester présent dans le business, il te faut de nouvelles chansons tous les ans. Tu ne peux pas chanter toujours le même répertoire et te contenter de ça. Il te faut ajouter de nouveaux morceaux à ton répertoire, mettre à jour ton répertoire pour qu’il soit toujours d’actualité. Y ajouter chaque année de nouvelles chansons, est pour moi la meilleure méthode pour survivre dans la musique. Et en plus, je ne me spécialise pas : j’aime tous les types de riddim, roots, dancehall, hip-hop…
Dans ce répertoire justement, il y a beaucoup de duos, est-ce un exercice que tu apprécies particulièrement ? A dire vrai, la plupart des artistes me réclament toujours des combinaisons. Quand je rencontre un artiste, qu’on devient ami, on finit toujours par parler de nos morceaux et j’ai cette folie musicale et textuelle qui fait que je trouve toujours une idée ou un texte. Je dirais donc que c’est quelque chose de naturel chez moi. Et souvent, l’artiste me propose d’enregistrer la chanson avec lui, puisque je l’ai aidé. En général, ça finit toujours comme ça !
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