INTERVIEW :
Propos recueillis par : Rémi Capdevielle
Photos : Franck Blanquin
le jeudi 22 mars 2012 - 7 662 vues
Premier artiste signé sur Baco Records, le label de Danakil, Natty Jean est une belle promesse musicale venue du Sénégal. Repéré en 2008 à Bamako par l'avisé Manjul grâce à une voix dont il fait à peu près tout ce qu'il veut, Natty Jean s’apprête à entrer dans la cour des grands. Son tout premier opus "Santa Yalla" tout juste dans les bacs, il a entamé sa première tournée en solo. Apostrophé à la Cigale en marge de sa première date parisienne avec le Humble Ark Band de Manjul, il s'est prêté au jeu de l'interview.
Reggaefrance / Ton premier album "Santa Yalla" va enfin voir le jour. Quel est ton parcours jusqu'ici ? / Je suis né à Dakar, au Sénégal. J'ai commencé à toucher à la musique avec le hip-hop. Et puis je suis parti au Mali en 2007. J'écoutais déjà du reggae à l'époque, des mecs comme Jah Mason, Sizzla et les classiques... A Bamako, j'ai succombé à mon attirance pour ces vibrations particulières. En grandissant, j'ai aussi trouvé que l'image et le message du rap ne me convenaient plus. Je suis naturellement passé au reggae parce que je commençais à m'y identifier et que ça me faisait travailler la voix.
Comment s'est déroulée la rencontre avec Danakil ? On s'est croisés au Mali, au Humble Ark de Manjul. A l'époque je traînais beaucoup là-bas, je faisais un peu tout alors j'ai le guide, quoi... Et ça c'est tout de suite bien passé, il y a eu une bonne vibe entre musiciens et entre êtres humains, tu vois. C'était une belle rencontre et ça s'est conclu par la musique ! Au début, vu qu'on venait de se rencontrer, on se découvrait et on jammait dans la maison. Ça a donné deux featurings dans leur album et des choeurs puisque j'étais dans le label avec pas mal d'artistes aussi. C'est ce qui m'a valu d'être choisi pour la tournée en 2011 avec Danakil. J'ai fait près de 100 dates avec eux, ici ou en Europe. Et maintenant je suis là pour présenter mon album "Santa Yalla". J'ai eu l'opportunité de toucher le public français et ceux qu'on a fait bouger avec le groupe. Ça veut dire que derrière, il y a de l'attente, de l'espoir… C'est une belle rencontre !
Avant ça tu avais aussi rencontré quelques problèmes, notamment pour trouver de vrai deals pour cet album. Manjul t'a alors donné un coup de main. Manjul, c'est un gars qui est là, qui investit ses propres moyens pour faire avancer les choses. Il aide beaucoup les jeunes artistes comme moi à travers son expérience et ses moyens personnels. Parce que sinon, c'est vrai qu'il n'y a pas vraiment de structure qui prend en charge les jeunes talents africains et leur permet de s'épanouir. Quand on s'était croisé, il avait écouté l'un de mes titres enregistré dans un home studio avec un pote, et il a senti qu'il pouvait faire quelque chose avec ça, même si c'était une petite maquette faite dans un petit coin de chambre. On a progressé doucement, on a eu le temps de vivre ensemble, de discuter, d'évoluer petit-à-petit et ça a donné cet album.
Avec ou sans Wade, je veux la paix Et alors justement qu'est-ce qu'il y a dans ce "Santa Yalla" ? Déjà, il faut savoir que « Santa Yalla », ça veut dire « Dieu Merci ». Une fois que tu as dit « Dieu », c'est que tu as la foi. Moi, j'ai cette foi en l'Unité. Sans complexes. Aujourd'hui, il n'y a plus de cliché misérabiliste de l'Afrique, du gars qui arrive pour mendier. Aujourd'hui, on croit en nous ! Moi en tout cas, je crois en moi en tant qu'Africain. Je chante en Wolof les réalités de mon pays, parce que c'est le pays que je connais, parce que c'est moi !
Au Sénégal, le second tour des élections présidentielles est prévu pour le 25 mars. Quel est ton point de vue sur ces élections ? J'espère d'abord qu'il y ait la paix. Qu'il n'y ait pas de morts comme c'est le cas un peu partout en Afrique. Ensuite, j'ai confiance en le peuple sénégalais. Bien sûr, je n'imaginais pas qu'il puisse y avoir un second tour (le deuxième de l'histoire du Sénégal, ndlr). Ça me rassure de voir que les gens se sont levés pour aller voter et qu'ils savent ce qu'ils veulent. Après, pour l'avenir, il faut voir comment ça va évoluer. Mais tout ce que je demande c'est la paix... Avec ou sans Wade, je veux la paix. Je veux que des innocents ne meurent plus à cause de deux hommes politiques qui s'en foutent. Ils viennent nous demander si ça va à l'approche des élections alors qu'ils le savent, et ça fait une éternité... Ce qui a failli se passer au Sénégal, c'est un grand classique des dirigeants africains. On a vu comment ça s'était déroulé un peu partout. J'aimerais que l'on constitue, nous les Sénégalais, un exemple. Il faut voter au second tour, peu importe celui qui gagnera. Il faut que les gens aillent jusqu'aux urnes, qu'on soit là pour surveiller que tout se passe bien et celui qui gagnera l'aura amplement mérité !
Que penses-tu des artistes qui s'investissent en politique, comme Youssou N'Dour ? Ça c'est un état d'esprit. Des responsabilités. Moi je crois au Destin. Quand tu arrives à un stade où tu représentes beaucoup de choses, beaucoup d'espoir, quand le peuple est là et que tu peux changer les choses positivement, fais-le ! Youssou N'Dour, il a poussé des barrières. Ses épaules, son expérience lui permettent d'avoir son mot à dire… J'ai aimé sa manière de s'investir pour nous.
Tu es actuellement en tournée, et tu seras aussi sur les festivals européens cet été : le SummerJam à Cologne, le Chiemsee Festival... Oui et c'est aussi le fruit du travail qui a été fait avec Danakil. C'est sûrement le groupe qui marche le mieux en France en ce moment, du coup ils sont ouverts à beaucoup de Festivals et comme notre travail commun fonctionne très bien, je suis là ! Sur scène tout est très naturel. Quand je joue avec eux en live, je suis Natty Jean, bien sûr, mais je suis aussi Danakil. Je représente. Je me donne autant à fond sur leur set que sur le mien. On s’entend très bien donc si on peut continuer à travailler ensemble et trouver une formule, je suis là !
J'aurais mon band en avril, le Humble Ark Band, avec Manjul et Faya Horns, entre autres…
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