INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : DR
le vendredi 15 avril 2011 - 16 419 vues
Dub Incorporation, c'est déjà 11 ans d'existence et autant d'années à sillonner la France et l'Europe. Depuis ses débuts, la formation a donné près de 800 concerts. Une boulimie pour ce groupe né sur scène et toujours entre deux villes. Pas toujours facile de trouver le temps de les rencontrer….
Komlan, l'un des deux chanteurs, revient avec nous sur le quatrième album, "Hors contrôle" et sur l'actualité de Dub Inc.
Reggaefrance / Vos dates sont complètes des semaines à l’avance, vous avez rempli deux Cigales à Paris… Dub Inc, c’est loin d’aller dans le décor ! / En effet, on est chaque fois surpris et très content de voir que le public reste fidèle. Rien n’est jamais acquis, et quant on voit notre audience rester jeune et se renouveler, ça nous fait vraiment plaisir ! On reste en prise avec la réalité du monde et de notre public.
Comment est né "Hors contrôle" ? C’est la première fois que l’on s’arrête aussi longtemps de tourner pour enregistrer un album. J’avoue qu’on s’est un peu forcés, mais il était intéressant de vraiment prendre le temps de composer et d’écrire d’une nouvelle manière. Au final, la composition et l’enregistrement ont duré presque un an.
On imagine que le titre fait référence à l’indépendance de Dub Inc mais ça pourrait aussi s’appliquer à la situation en France et dans le monde… C’est évidemment en référence à notre indépendance, à notre liberté de fonctionnement mais aussi à notre absence des médias qui nous permet de contrôler notre image et de ne jamais avoir été récupérés. C’est aussi une référence au système actuel, qui montre clairement ses limites à travers la crise économique, sociale et identitaire. Les politiques peuvent nous faire croire ce qu’ils veulent, mais on se rend bien compte que la machine capitaliste est « Hors Contrôle ».
Les politiques peuvent nous faire croire ce qu’ils veulent, mais on se rend bien compte que la machine capitaliste est « Hors Contrôle » Dos à dos, Funambule, On a les armes : il y a beaucoup de textes politiques, plus que sur "Afrikya". Ce ne sont pas des textes politiques, ce ne sont pas des discours, on n'essaie pas de vendre une idéologie mais simplement des constats. A la base, nous ne pensions pas autant parler du contexte actuel, mais la politique sarkozyste de ces dernières années nous a tellement touchés et souvent révoltés qu’il était difficile pour nous de se taire et de ne pas témoigner de notre colère et de notre dégoût. L’ambiance nationale a rarement été aussi morose. Racisme, violences sociales, tensions raciales, expulsion, suspicion... et tout cela avec un cynisme effrayant, propre au libéralisme qui ne défend que l’argent au détriment de l’humain.
Par exemple, l’album donne le ton avec Tout c’qu’ils veulent qui rebondit sur le débat autour de l’identité nationale. En effet, c’est une réaction directe au débat lancé par Eric Besson à l’époque. L’idée n’était pas de nous apprendre à être Français avec nos différences mais ensemble, mais de différencier les « bons » français des « autres » en rendant le climat encore plus nauséabond qu’il ne l’était déjà. Tout a été instrumentalisé par le gouvernement pour braconner sur le terrain du FN. Ca n'a fait que diviser plutôt que rassembler.
Surtout que Dub Inc mêle origines et influences très variées, un métissage à l’opposé de ce que prône notre gouvernement… Notre métissage est issu d’une histoire commune, celle qui a construit la France. Je pense qu'on devrait trouver l’unité nationale dans cette diversité, c’est elle qui a aussi construit le pays.
Vous pensez quoi de la Marseillaise ? Je préfère la version de Gainsbourg !
Si en 2012 pourquoi pas, la gauche l’emporte, vous resterez aussi critiques ? Bien sûr, comme on l’a dit auparavant, nous ne sommes pas des politiciens mais des témoins de notre société comme tout un chacun. Nous continuerons à dénoncer les injustices et ce qui nous révolte.
Avez-vous foi en l’avenir ? Complètement, c’est ce qui donne la force d’avancer, croire en de jours meilleurs et surtout croire en l’homme. Je pense que notre musique, aussi dénonciatrice soit elle, reste positive et optimiste. C’est cette énergie que les gens recherchent face à la morosité ambiante.
Comment s’est faite la rencontre avec Tarrus Riley ? Nous avons découvert Tarrus Riley lors de notre voyage en Jamaîque. Pour beaucoup d’entre nous, ce fut une révélation. Alors qu’on réfléchissait à qui nous voulions inviter sur notre disque, Tarrus est apparu comme une évidence. Nous sommes allés le voir à Montpellier lors de sa première tournée française, pour lui filer le morceau à lui et Dean Fraser, ils ont de suite aimé.
Malheureusement, pour la première fois dans l’histoire du groupe, nous n’avons pu enregistrer le morceau ensemble faute d’agendas compatibles, mais grâce à nos contacts et internet, nous avons suivi de près l’évolution du morceau. Certains l’on recroisé au Portugal, le gars est très professionnel, il s’est investi à fond. C’est Bouchkour qui a proposé le thème en amenant le refrain dès le départ.
Sur ce titre, vous chantez en Anglais, vous vous sentez à l’aise avec cette langue ? Pas encore totalement ! Je pense que notre accent en témoigne ! Mais on aime de plus en plus chanter en anglais, ce qui permet de s’adresser à un plus large public.
Ego.com est critique en règle des comportements sur le net et particulièrement Facebook. On peut voir ça, comme le dirait Desproges, comme la rencontre des exhibitionnistes et des voyeurs… C’est vraiment ça, et c’est aussi une critique qui nous concerne. On ne juge personne vu que nous utilisons nous aussi ces technologies. C’est pour ça que le ton est avant tout humoristique. Après, il était important de souligner que l’excès pouvait amener à des dérives, certains ados ne se rendent pas compte des conséquences que peuvent avoir certains actes en ligne. Certaines photos et commentaires les suivront pendant longtemps.
Sur Bang Bang vous chantez : « Certains ont des disques d’or, nous on est sur tous les disques durs ». En tant qu’indépendants, vous subissez beaucoup le piratage ? Plus que subir on en a beaucoup profité, car internet nous a permis de nous développer jusqu’à l’étranger sans avoir besoin de grosses structures comme une major pour faire notre promotion. Après il est évident qu’avec seulement la vente des disques nous ne pourrions pas vivre, et vu que c’est sur scène que l’on est le mieux, tourner nous permet de continuer.
Y a-t-il des envies solo, après dix ans passés ensemble ? Nous sommes une équipe très soudée depuis dix piges, et encore aujourd’hui notre priorité à tous c’est la gestion de Dub Inc. Nous avons tous des envies personnelles, mais il y a un temps pour tout.
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