INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sebastien Jobart
Photos : DR
le mardi 06 janvier 2009 - 10 336 vues
Michael Rose est indéniablement le vétéran qui se porte le mieux en Jamaïque. Ancien lead vocal de Black Uhuru, qu'il rejoint après le départ de Don Carlos, la formation sera, aux côtés de Sly & Robbie, la première à remporter un Grammy, en 1984. Parti en solo (Junior Reid le remplacera au sein de Black Uhuru), Michael Rose enregistre pour la plupart des producteurs jamaïcains, mais se tourne aussi vers le Vieux continent avec les Hollandais de Twilight Circus et bien sûr Raggasonic avec qui il se construira une belle notoriété en France. Revenu sur le devant de la scène avec Shoot Out puis Real Jamaicans avec Busy Signal, Michael Rose est toujours aussi occupé. Et toujours aussi peu loquace dans ses réponses.
Reggaefrance / Tu es le fondateur du style Waterhouse, comment le définirais-tu ? / Well… Michael Rose est Michael Rose, et personne d'autre ne peux suivre. C'est comme ça que nous définissons le son.
Des générations d'artistes viennent de Waterhouse : Don Carlos, Junior Reid, Yami Bolo, Ward 21… Il y a toujours eu des talents originaires de Waterhouse. Depuis King Tubby... Mais plus que Waterhouse, les talents émergent toujours de Jamaïque.
Comment expliques-tu cette créativité dans ce quartier dangereux ? Well ! This is it. Dans une zone de guerre, il faut penser vite. C'est vivre ou mourir. C'est comme ça que ça se passe.
 Les gens s'étonnent que Michael Rose
utilise l'autotune, mais on s'en servait déjà
à l'époque avec Sly & Robbie !  Comment y as-tu grandi ? Comme n'importe quel enfant grandit dans le ghetto.
C'est l'un de tes frères, Joseph, qui t'a introduit à la musique. Mes frères étaient ceux qui chantaient à l'époque. Mon frère était architecte, mais il adorait chanter, il chantait tout le temps à la maison. Malheureusement, il est mort dans un accident de voiture. Ainsi va la vie parfois… Je me suis raccroché à la musique, et j'espère que mon frère, s'il était encore en vie, serait fier de ce que j'ai fait.
Après un premier enregistrement pour Niney the Observer, tu as rejoint Black Uhuru après le départ de Don Carlos. J'étais celui qui a établi le groupe Black Uhuru, avec tous ces hits qui se sont succédés.
Comment as-tu rencontré Sly & Robbie ? Mon frère connaissait Sly depuis longtemps. Moi, je faisais le tour des hôtels de la côte nord, je divertissais les touristes avec un groupe qui s'appelait Happiness Unlimited. J'ai quitté le groupe, je suis retourné à Kingston, car Waterhouse est là où je suis né et où j'ai grandi. J'ai raconté à Sly ce qui m'était arrivé, et il m'a proposé de faire des morceaux ensemble. C'est comme ça qu'on s'est rencontré, Duckie (Simpson, ndlr) et moi.
Comment est né Black Uhuru ? Well… Puma travaillait dans le social en Jamaïque, elle est américaine, originaire de Caroline du Nord. Un ami, Kojo, nous l'a présentée. On a commencé à travailler ensemble en tant que Black Uhuru. Notre premier album ensemble était "Showcase", en 1979, avec Puma. Il a bien marché. Abortion, Guess who's coming to diner, Plastic Smile, Leaving to Zion, toutes ces chansons…
Vous êtes le premier groupe Jamaicain à avoir gagné un Grammy en 1984. Comment l'as-tu vécu ? Le Grammy… well you know, C'était un grand pas pour le reggae. C'est comme si les quatre coins du globe avaient reconnu le groupe. Le Grammy a permis au reggae de franchir des barrières. Le reggae doit toujours se battre, quelque soit la hauteur de nos efforts.
Tu étais invité à la cérémonie ? Je l'étais, mais à l'époque c'était Duckie qui est allé en Californie pour recevoir le Grammy.
Après le Grammy, les gens vous ont vu comme les possibles successeurs des Wailers, mais vous vous êtes séparés. Qu'est-ce qui a provoqué la séparation du groupe alors que vous rencontriez le succès ? On ne s'entendait plus. Ca nous est arrivé comme cela peut arriver à n'importe quel groupe dans le monde… Le groupe s'est écroulé. La vie continue.
T'intéressais-tu à ce qu'est devenue la formation quand Junior Reid t'a remplacé ? Remplacé ? Non personne ne peut me remplacer, car Michael Rose est Michael Rose. Quand j'ai quitté le groupe, Duckie a proposé à Junior Reid de les rejoindre.
De ton côté, tu as démarré une carrière solo. A l'époque, j'ai arrêté de chanter pendant un temps. Les gens n'arrêtaient pas de me demander quand je recommencerai à travailler. Puis je me suis remis à travailler avec Sly, et on a sorti quelques morceaux ensemble à nouveau.
On t'a vu en 2005 en tournée européenne avec Sly & Robbie et Duckie Simpson, comment se sont passées les retrouvailles ? C'était Ok. Sly & Robbie m'ont demandé de faire la tournée, et elle a eu lieu.
Beaucoup de gens en France t'ont découvert en 1996 avec Raggasonic sur une production de Frenchie. Je n'ai pas revu Frenchie depuis, je ne sais pas ce qu'il se passe. Frenchie, où es-tu ? (rires) Give thanks.
Récemment, tu es revenu sur le devant de la scène jamaicaine avec Shoot Out. L'autotune, c'était ton idée ? On n'avait pas vraiment prévu d'aller en studio et d'enregistrer avec l'autotune. Ca ne s'est pas passé comme ça. John John m'a appelé et m'a proposé qu'on travaille ensemble. On s'est beaucoup préparé, et l'album à venir sera bon justement parce qu'on s'est beaucoup préparés. C'est Demarco, qui a composé le riddim pour John John. L'autotune, c'est le son du moment, c'est comme ça. Les gens s'étonnent que Michael Rose utilise l'autotune, mais on s'en servait déjà à l'époque avec Sly & Robbie ! Ca n'est rien de nouveau ! You see me ?
Tu prépares donc un album avec John John ? L'album est fini depuis l'année dernière.
Il y aura Feed the children ? Je ne sais pas s'il sera sur l'album, mais nous avons enregistré beaucoup de morceaux. Il y aura des productions de John John et de Demarco. C'est un bon album, il s'appelle "Kingston 11". Il y aura Assassin (Living low), Busy Signal (Real Jamaicans), et quelques autres, mais ce sont des surprises, il faut attendre que l'album sorte !
Demarco chantera-t-il sur l'album ? En fait, il fait les harmonies sur certains titres, comme Real Jamaicans. Baby G a aussi un morceau, Feeling so lonely. D'ailleurs, King Jammy a un album "Soul of Michael Rose" qui arrive bientôt.
Parallèlement à ta carrière musicale, tu t'occupes aussi d'une plantation de café. J'essaie toujours d'aider les jeunes, quelque soit la manière, tant que c'est positif. On a pensé que c'était une bonne chose pour aider les jeunes, ça n'est pas une histoire d'argent. Ca permet de les impliquer, de les faire travailler. On vend notre café au gouvernement. Ils te donnent ce qu'ils veulent bien te donner. Pourtant le café des Blue Mountain est réputé pour être l'un des meilleurs du monde. J'ai une belle plantation. Quand tu viendras en Jamaïque je te la monterais.
La violence en Jamaïque est en augmentation constante… (Il coupe) Well, tu n'as qu'à lire le Gleaner ou le Star, pourquoi me poser cette question ?
Parce que ça a des conséquences sur la musique. On accuse les artistes de favoriser cette violence, Red Stripe a décidé d'arrêter de sponsoriser les concerts en Jamaïque… Je ne sais pas si c'est la bonne solution. Quand tu organises des festivals comme le Sumfest, tu as besoin de sponsors. Ils utilisent les mêmes deejays pour faire leur pub, et soudain, ils font volte-face. Je ne comprends pas.
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