INTERVIEW : AMZONE
Propos recueillis par : Paul Bastrot
Photos : John / Unik design
le mercredi 05 mars 2008 - 12 733 vues
D'abord le gwoka, puis le modern Jazz, le hip hop… puis le dancehall : Amzone danse depuis son plus jeune âge. Il y a trois ans, sa rencontre avec Djabba et Wickeed du sound system Shadow Killa, la propulse dans le milieu dancehall. Depuis, elle a accroché plusieurs Dancehall Queen Contest à son palmarès : DHQ France en Mars 2007, puis en Belgique le mois suivant. L'été dernier, elle part à Montego Bay se mesurer aux meilleures danseuses du monde et finit 4e. "A un point de la troisième place", précise-t-elle. On devrait la retrouver à l'European Dancehall Queen Contest qui aura lieu le 5 avril en Italie.
Reggaefrance / Comment se porte la danse dancehall en France ? Amzone / En France, le milieu de la danse dancehall était divisé jusqu’à il y a peu de temps. D’un coté il y avait les danseurs ''locaux'', et de l’autre nous étions une petite communauté de danseurs à danser strictement les vibes jamaïcaines. Il y a de plus en plus de danseurs ''locaux'' qui s’intéressent au dancehall jamaïcain depuis mon retour de Jamaïque. J’ai l’impression que le fait que la France ait été représentée (et classée) au berceau même du dancehall pour la première fois a redonné confiance au mouvement. Pour le moment, les danseurs qui s’intéressent aux vibes jamaïcaines sont en phase d’apprentissage des danses et de sa culture.
Comment te prépares-tu à une compétition ? En général, une danseuse est évaluée selon sa tenue, son charisme, son contact avec le public et son originalité. C’est une épreuve qui demande de la patiente, du contrôle et de la compréhension. Une contestante doit s’adapter à l’organisation de la soirée, à la configuration de la scène, aux attentes du public mais aussi à l’attitude des autres filles en compétition...
J’essaie de ne pas faire deux fois la même chose, on me verra rarement porter deux fois la même tenue ou danser sur la même musique. J’aime les surprises, créer des nouvelles choses, ou mettre des choses différentes en avant. Ca demande forcement une préparation. Au niveau de la musique j’aime garder au maximum l’authenticité des morceaux (donc pas trop d’effet ou de remixage). J’ai la chance de bien comprendre l’anglais donc j’aime traduire le message de la chanson dans mes mouvements. J’ai un tempérament qui fait que je suis aussi à l’aise en freestyle qu’en préparation.
En Europe, la danse dancehall commence à se structurer avec un concours européen qui envoie la gagnante se mesurer aux Jamaïcaines… Comment perçois-tu son développement ? Les DHQ Contests sont devenus les nouveaux thèmes qui marchent pour les promoteurs de soirées. La création du concours Européen est une manière de donner de l’importance non seulement au mouvement dancehall outre-Atlantique mais aussi à ses artistes. Je pense que tant que l’on oublie pas d’où vient le dancehall et que l’on respecte sa culture, c’est un bon moyen de développer le dancehall dans un bon esprit.
Tu as toi-même failli finir sur le podium en Jamaïque, raconte nous cette expérience. J’admet m’être laissée surprendre : 10 000 personnes, 48 candidates, tous les pays du monde représentés et une organisation digne des Jeux Olympiques (rires). Nous avons attendu très longtemps avant de danser, puis tout s’est enchaîné très vite. Je ne me suis même pas rendue compte que j’avais passé les trois étapes : le premier round (48 participantes), puis le second (top 20) et enfin le top 5. Pour le dernier round, nous étions censées faire un solo de 2 minutes. Ce n'est qu'au tout dernier moment que j’ai compris qu’on devait toutes passer au même moment, par manque de temps. Et là, j’avoue que j’ai complètement perdu mes moyens et que j’aurai pu mieux faire… En regardant les vidéos, je t’avoue ne pas être très satisfaite du tout de mes prestations. Momo du Canada, qui se présentait pour la 4ème fois, a été élue au petit matin. Le public a eu une réaction assez violente en lançant des bouteilles de verre sur la scène.
Qui sont les meilleures danseuses du monde ? Des pays comme l’Angleterre ou les Etats-Unis, où la communauté Jamaïcaine est très présente, les groupes de danseurs sont très forts. Il y a une exception pour le Japon, où la culture dancehall et la danse sont réellement présentes. A l’inverse, le reste de l’Europe est en phase d’apprentissage de la culture et des danses.
Les meilleures danseuses du monde sont Keiva The Diva qui a fait ses premiers pas de danse auprès du créateur des danses jamaïcaines Bogle aka Mr Wacky, et les danseuses du groupe Attitude Gyals (Dyema, Iyla et Muma Side) les créatrices du Dutty Wine et du Hot Fuck. Ces femmes n’auront jamais besoin de se présenter à aucun concours.
La danse en Jamaïque est très suggestive, certains diraient vulgaire, que leur réponds-tu ? Le dancehall est issu directement des danses africaines, qui ont toujours été basées sur des faits réels de la vie quotidienne, et le dancehall en est inspiré. Des danses tels que le Gwoka ou le Bailair qui nous viennent des Antilles sont tout aussi ''hot''.
Il ne faut pas perdre de vue que c’est dans un cadre précis, c’est de la danse, de la comédie. Dans la danse, il a depuis toujours été question de contacts (classique, contemporain, salsa, tango, afro). Dans la rue, dans les magazines, au théâtre ou au cinéma, on assiste à des scènes bien pire que celles qui sont présentées dans les soirées Passa Passa ou Weddy Weddy. Je pense que c’est se voiler la face. Et puis, pour être franche, ça me fais un peu sourire d’entendre que des femmes ont été choquée quand ce sont les mêmes qui dansent le Hot Fuck. Il faut aussi je pense, se dire que le dancehall est une danse issue des rues, du ghetto, donc non ce n’est pas une danse de la haute aristocratie.
La danse commence à prendre un vrai essor dans le milieu dancehall, comment vois tu ça dans l’avenir à titre personnel ? Je me sens depuis quelque temps plus à ma place en jury, chorégraphe ou professeur de danse, même si assurer des shows est ce que je préfère. J’aime encourager et entraîner tous ces nouveaux groupes. J’ai quelques projets en tète mais plus dans des domaines d’organisations.
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