INTERVIEW :
Propos recueillis par : La rédaction
Photos : DR
le lundi 14 janvier 2008 - 11 041 vues
Son album "Parables" est sorti en 2006 mais c'est bel et bien cette année que Tarrus Riley a explosé. Beware et surtout She's Royal n'ont presque pas quitté les charts de l'année, faisant du fils de Jimmy Riley (The Techniques) la sensation roots de 2007.
Reggaefrance / Ton album "Parables", sorti l'an dernier, a connu un succès tardif. As-tu été surpris ? / Je ne dirais pas surpris, parce que je savais que les chansons étaient bonnes. Je ne savais pas combien de temps cela prendrait pour qu'il rencontre le succès. Mais je savais par contre que VP était un distributeur majeur qui me permettrait d'avoir accès à un public plus large. Mon album précédent n'a jamais capté autant l'attention, surtout à cause de la distribution.
Tu as écrit toutes les chansons de "Parables" ? Toutes, à l'exception de Stay with you, un morceau de John Legend, et ma combinaison avec Duane Stephenson, Let Love Live, que nous avons écrite ensemble.
Dean Fraser a produit la totalité de l'album. Dean a une grande influence sur ma musique. C'était un très bon ami de mon père, et c'est un très bon ami. C'est quelqu'un pour qui j'ai le plus profond respect, il est comme un grand frère pour moi. Il avait déjà fait mon premier album. Travailler avec Dean en studio est d'une simplicité désarmante. C'est un ami, mais quand on rentre en studio, on met l'amitié de côté et se concentre sur le côté "business". C'est un grand musicien et j'ai beaucoup appris à ses côtés.
Beaucoup d'artistes aiment produire leurs chansons, c'est quelque chose vers laquelle tu te destines ? J'ai participé à la production de cet album. Certaines chansons sont le produit de ma progression musicale, au niveau des arrangements. Je n'étais peut-être pas le boss comme Dean, mais j'avais quand même mon mot à dire sur la musique, d'une certaine façon.
Quelles sont tes relations avec Don Corleon ? J'ai deux morceaux produits par Corleon, Far away et Back Bitter. L'une est une chanson d'amour, l'autre est une reality song sur l'amitié. Ce que j'aime chez Don Corleon est que sa musique est fraîche. Il est bon parfois d'aller trouver d'autres producteurs pour avoir des sons nouveaux. En ce sens, c'était tout aussi bon d'enregistrer des chansons avec Bulby et Fatta de Fat Eyes (Protect your neck avec Bling Dawg, ndlr).
Tu travailles déjà sur un nouvel album ? Oui, on travaille dessus, mais on n'est pas encore entré dans la phase d'enregistrement. On a des tas de chansons. Je suis toujours en train d'écrire, que ce soit pour moi ou pour d'autres artistes, je suis constamment en train de travailler sur des nouveaux projets.
Tu as grandi dans un environnement musical. Quel artiste t'as le plus influencé ? Pour être honnête, je ne peux pas réduire mes influences à un seul artiste. La musique en elle-même est mon inspiration.
Damian Marley a été surnommé par les Jamaïcains "The younger the better". Quel nom t'ont-ils donné ? Singie singie ! Je rends grâce au soutien des gens. Se faire donner un surnom, c'est comme être adopté par eux.
Mavado, Busy Signal partagent avec toi les charts. Quelles sont tes relations avec eux ? Munga, Mavado, Busy… nous représentons la Jamaïque et le reggae. J'ai 27 ans, et je ne sais pas quel âge ils ont, mais nous sommes évidemment connectés. Nos messages sont différents. C'est comme les fruits : tous appartiennent à la même famille, mais ils ont chacun leurs différences. Je suis une partie de la corbeille de fruits du reggae. Tous les artistes contribuent à la musique jamaïcaine.
Quelles sont les jeunes artistes que tu estimes le plus ? La Jamaïque est pleine de talents, et encore une fois, je ne peux me limiter à quelques noms. Tous les jours, une star naît en Jamaïque. On ne parle que de la Jamaïque comme du pays où il y a le plus de meurtres et de crimes, mais c'est surtout l'endroit où il y a le plus de talents. La liste est longue, qu'ils enregistrent ou non.
Beaucoup d'artistes dénoncent la violence dans leurs paroles, mais malheureusement beaucoup d'entre eux sont aussi impliqués dans des crimes. Y a-t-il une pression de la part de leurs communautés, ou s'agit-il seulement de hype ? Les artistes qui n'ont pas grandi en Jamaïque, comme toi, semblent se comporter différemment. La violence est partout, pas seulement en Jamaïque. Les comportements diffèrent aussi en fonction de l'éducation qui est donnée par les parents. Il y a de la pression dans chaque communauté. C'est simplement une question de savoir comment tu vas gérer cette pression. Les jeunes, en grandissant dans la haute société ou au contraire dans un milieu difficile, ne vont pas grandir de la même manière.
C'est l'équilibre de la vie : parfois du thé, parfois du café. La violence n'est pas une réponse. Rastafari est question de self-control et de savoir se conduire, c'est ce que disait Marcus Garvey. Tout cela m'a aidé à me construire : les enseignements de mon père et ma mère, de Jah Rastafari, mon environnement… Tout cela fait que tu te comportes différemment. Tu dois rester un guerrier car tu ne peux pas être trop passif. Mais la violence n'est jamais, jamais la réponse. Car tu ne peux pas gagner une bataille en bataillant.
Tu devais faire une tournée avec Jah Cure au Royaume Uni. Quel est ton sentiment sur la manière dont l'ont traité les autorités britanniques ? Pour être tout à fait honnête, je pense que quelques soient les raisons pour lesquelles Jah Cure a été reconnu coupable, il a purgé sa peine. Maintenant il a une vie qui l'attend, après tout ce temps passé en prison. Tu agis mal, tu fais ta peine, la vie continue… Mais le système n’est pas vraiment instauré de cette manière et continue de te priver de tes droits après ta peine. Jah Cure a purgé sa peine, ce n'est pas comme s'il n'avait pas été puni. Beaucoup de grands hommes sont allés en prison. Marcus Garvey, par exemple, a été enfermé. Les autorités savent qui elles sont et sont conscientes de leurs pouvoirs.
Tu as des plans de tournée européenne ? Oui, définitivement, on sera en Europe très bientôt.
Tu as passé beaucoup de temps aux Etats-Unis. Où vis-tu désormais ? Je vis en Jamaïque, je suis Jamaïcain. Vivre aux USA m'a beaucoup appris. Je suis reconnaissant pour cette expérience. Je vis en Jamaïque depuis que j'ai quitté le lycée.
Comment s'est passé ton retour en Jamaïque ? C'était facile, comme un dimanche matin… Parce que c'est mon coin ! Une promenade dans le parc !
Y a-t-il plus de pression à être rasta aux USA qu'en Jamaïque ? (ferme) Non. Il y a plus de pression pour les rastas en Jamaïque, derrière les portes closes. Car le rastaman est doux-amer. Il est comme un fruit avec des épines mais au cœur tendre. Le monde entier et la Jamaïque estiment les rastas mais ne le montrent pas. Les jeunes du ghetto, dans la rue, te disent "Yes ras !" ; ceux de la haute société se méfient de toi. Aux Etats-Unis, la mode des dreadlocks est très présente, beaucoup de gens en portent. Il y a beaucoup de cultures différentes aux Etats-Unis, donc la culture rastafarienne est plus respectée là-bas car les USA se sont construits avec les immigrants. Des gens du monde entier sont venus s'installer là-bas. En Jamaïque, cela n'a rien à voir. Même si la devise du pays est "Out of many, one people" (de plusieurs, un seul peuple), il n'y a que quelques cultures. Aux USA, le rasta est comme un roi à Babylone. Les gens disent "oh regarde le rastaman". En Jamaïque, c'est plutôt "oh regarde ce rasta bwoy". Et ça arrive encore aujourd'hui.
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