INTERVIEW :

Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Benoit Collin
le lundi 26 février 2007 - 38 573 vues
Il y a quelques années, il fallait voyager loin pour voir Chico sur scène. L’équipe de Reggaefrance l’avait ainsi rencontré pour la première fois en Allemagne lors du festival Splash 2004 où il se produisait pour la quatrième fois, devant un public visiblement conquis. Malgré ses quelques hits locaux, ce jeune chanteur dancehall aux mélodies attachantes était plutôt considéré comme un artiste underground, les connaisseurs se désespérant de le voir un jour en France.
Retournement inattendu, plus de deux ans après cette rencontre et au seuil de ses dix ans d’activité en Jamaïque, Chico écrit une nouvelle page de sa carrière en France et sa voix résonne dans l’Hexagone avec la sortie de Hey sexy wow, single en duo avec Lord Kossity paru sur l’album “Booming system”. Lord Ko et Universal ne s’y sont pas trompés et font de nouveau appel à lui sur “Danger zone”, sorti fin 2006 : exposé comme jamais en France, Chico sort enfin de l’ombre. Il nous semblait donc intéressant de dépoussiérer notre premier entretien de 2004 pour le mettre en perspective avec ces derniers projets. Contacté en Jamaïque il y a quelques semaines, Chico a accepté de faire le point avec nous sur sa nouvelle situation. It go so now !
Reggaefrance / Peux-tu te présenter et nous expliquer comment tu as choisi ton nom ? / Je suis Patrick Walker aka Chico. Je viens de Jamaïque. Chico est un nom qu’utilisaient mes amis dans le ghetto pour m’appeler. Je ne sais pas vraiment pourquoi, peut-être pensaient-ils que j’ai des origines hispaniques ou chinoises. Je représente les femmes bien sûr, mais aussi les « thugs ». C’est ça Chico.
Parlons de tes débuts dans les années 90. Ta première chanson Always in my heart est une reprise de Tevin Campbell. Peux-tu nous donner des détails sur cette expérience et tes influences ? J’ai grandit à l’église et j’ai toujours fait un peu de chant. Quand j’étais au lycée, je chantais en frappant le rythme sur mon bureau. A la sortie du lycée, j’allais aux studios juste pour voir quelle musique se faisait, parce que j’aimais cette idée de musique et de divertissement. J’ai aussi rencontré un gars qui s’appelle Carli. Il était à King Jammy’s et composait beaucoup de riddims « lovers’ rock ». J’ai eu la chance d’être dans le lot pour enregistrer. C’est là que j’ai eu l’idée de reprendre la chanson de Tevin Campbell. Ca a commencé à ce moment-là mais j’étais encore à l’école à l’époque.
Tu avais justement un certain Goofy comme camarade de classe. Quel rôle a-t-il joué dans ta carrière ? Oui, Goofy a eu une forte influence sur ma carrière dès le début des années 90. C’est vraiment celui qui est derrière ma carrière : il voulait que je chante même si je ne me pensais pas capable de me produire devant un public. En fait, nous étions au lycée ensemble mais il n’était pas dans ma classe. Mais c’est le premier qui m’a vraiment poussé à avancer et à faire de la musique.
Tu as eu un premier hit en 1997 avec Make noise pour Penthouse. C’est comme cela que tu as rencontré Dave Kelly ? En fait, j’avais l’habitude de traîner autour de Dave Kelly avant cela, quand j’allais à l’école. Quand je suis venu chanter pour Dave Kelly, j’ai été amené par Goofy. Mais je traînais déjà autour du studio avec Degree. Ma collaboration avec Mad House s’est bâtie avec une chanson. C’est cette chanson qui a vraiment amené l’idée. Goofy était en train de changer ses thématiques, passant des filles aux badman. Ca a donné la chanson Badman nah stoop. Dave aimait la chanson. Nous avons enregistré la chanson ensemble et à partir de là Dave a décidé de porter ma carrière à un autre niveau. Il m’a proposé de signer chez Madhouse et je n’ai pas pu refuser. C’était en 1998.
Fais-tu encore partie du crew Madhouse ? Non, parce que j’ai signé un contrat de deux ans en 1998, donc c’est fini maintenant. Mais Dave et moi, on reste en bon terme, avec Baby Cham aussi. Dave fait son truc pour essayer de sortir sur le marché international et il travaille personnellement sur la carrière de Baby Cham.
Quand nous avons rencontré Alozade, il nous a avoué que Vegas et toi lui aviez donné son nom. Depuis quand le connais-tu ? C’est un ami ? En fait moi, Alozade, Kiprich, Hawkeye, Goffy, Red Rat ou Crissy D sommes tous des amis proches, bien avant de faire de la musique. J’ai percé avant Alozade ou Kiprich, mais pas avant Hawkeye, puis tout le monde est arrivé après.
Et Degree ? Degree est un mentor pour moi. C’est lui que j’admire. J’ai pris mon style singjay de lui. Je suis arrivé dans la musique comme un chanteur, un chanteur soul, ce qui ne plait pas trop aux Jamaïcains. La plupart des chanteurs des années 90 chantaient avant que nous commencions dans ces styles singjay. J’ai trouvé mon style grâce à Degree : j’ai utilisé sa voix de deejay. Degree est un aîné pour moi et je l’admire à 100 %.
J’ai entendu qu’un de tes rêves serait de faire un duo avec Michael Jackson. Pourquoi ? Michael Jackson est un gars bizarre ! Mais c’est un artiste talentueux et je pense qu’il manque au monde quelqu’un du rang de Michael Jackson. Par rapport à mon rêve de faire un duo avec lui, je dis cela parce que j’ai grandi à l’époque où Michael Jackson était au top. Mais il y a beaucoup d’autres artistes avec qui j’aimerais faire des duos comme Ludacris, Snoop Dog ou Missy Elliott.
Peux-tu nous raconter comment tu as rencontré Lord Kossity ? Je devais faire une tournée avec Kossity pour Romano de G Force Sound. Mais Kossity n’a pas pu être disponible car il avait d’autres engagements : j’ai donc fais la tournée seul. En début d’année dernière, on m’a dit que Kossity voulait avoir des morceaux avec des artistes jamaïcains. Ils m’ont envoyé l’instru et c’était fait : j’ai enregistré la chanson, Universal a bien aimé et ils l’ont sélectionné pour être le premier single de l’album de Kossity. Mais j’étais le chanteur original sur ce morceau.
Ce single et le suivant t’ont-ils fait te focaliser un peu plus sur la France ? Pas nécessairement mais Universal et Kossity ont décidé que partout où il faudrait faire de la promo, ils auraient Chico avec eux. C’est bien et je faisais des allers-retours en France pour ça.
Qu’est-ce que cette expérience signifie pour toi ? C’est une bonne expérience parce que la musique est un marché international et j’ai beaucoup appris. C’était vraiment bien, passer à la télé, les gros shows…
D’ailleurs, on t’a vu en train de chanter avec Kossity pour le Téléthon. C’est une grosse exposition. Oui, c’était à Montpellier. C’est bien parce que je savais que c’était un bon média pour exposer ma carrière. J’étais vraiment reconnaissant.
Mais quel est ton statut en France ? Es-tu signé chez Universal ou chez Mek it happen ? Non, je ne suis pas signé chez eux mais la copine de Kossity est en train de chercher des deals pour album en France et au Japon. En fait, ils sont en train de réfléchir pour savoir qui va prendre en charge ce projet en premier.
Justement, tu n’as pas peur qu’on te considère en France comme l’acolyte jamaïcain de Kossity, au risque d’oublier ta carrière ? C’est vrai. Je ne veux que ce soit le cas. Parce que tu sais que j’ai beaucoup de chansons. J’ai conscience que les gens peuvent penser que je cherche juste à me faire de la pub, genre Kossity enregistre un morceau avec moi, mais je ne suis personne. J’ai l’intention d’aller plus loin cette année et de travailler pour moi, pour montrer à la France que Chico a beaucoup de chansons, un vrai catalogue.
Depuis que tu passe beaucoup de temps en France, il y a aussi le risque de perdre de vue la scène jamaïcaine qui est très compétitive… En fait, c’est ce que je fais maintenant : je me remets sur les rails en Jamaïque parce que je l’avais un peu perdue de vue, étant tout le temps sur la route avec Kossity. Ils veulent même revenir ici pour m’enregistrer avec Nicky B. Mais je suis vraiment conscient de cela, parce que j’ai du travailler pour en arriver là. La musique est très compétitive en Jamaïque et si tu en restes éloigné trop longtemps comme ça, les gens t’oublient. Je ne dirais pas que c’est vraiment difficile de se remettre sur les rails, mais ce sera un combat, c’est sûr.
Donc tu enregistres des nouveaux morceaux maintenant ? Oui. J’ai des nouveaux morceaux et je suis sensé en faire d’autres jusqu’en avril parce que j’ai une tournée en Europe avec Kiprich, je prévois donc de faire une nouvelle compilation de morceaux pour la tournée. En ce moment, je vais travailler à Big Yard et à Main Street mais concrètement, je bosse pratiquement partout où il y a du boulot. J’y travaille en ce moment, pour être plus présent en Jamaïque. J’ai encore du travail à faire en terme de promotion, pour moi et mes chansons. La promotion est nécessaire pour moi en ce moment, je vais donc devoir me bouger pour faire quelques scènes.
L’année dernière tu as enregistré le single My life pour Arif Cooper, un lyrics très réaliste qui ressemble au style de Dave Kelly. Qui a écrit ce texte ? C’est Baby Cham qui a écrit la chanson. J’avais déjà écrit des chansons comme celle-là même si ce ne sont pas celles qui m’ont fait connaître dans le business.
Tu avais des « badman tunes » mais pas comme celle là, qui se veut autobiographique… Non, c’est vrai. J’ai écrit des chansons comme ça mais je ne pense pas qu’en Jamaïque à l’époque, les gens me voyaient comme ça. Maintenant, je pense que le business et les attentes du public ont changé me concernant. J’ai fait une autre chanson, Garrison, sur le Clapz riddim, pour un jeune producteur. Elle parle du ghetto mais elle n’est pas aussi personnelle que My life.
Que penses-tu de tous ces remous autour de l’Alliance et de tous les morceaux clash qui sont sortis ces temps-ci ? Personnellement, je ne vais même pas sur ce terrain, parce que selon moi, le dancehall est toujours comme ça. Pas le reggae, le dancehall. C’est toujours quelqu’un qui dénigre quelqu’un d’autre…Je ne pense pas que ce soit une nouvelle page de la rivalité entre Bounty et Beenie. C’est fou mais ça me va, parce que pour moi la pire publicité que pourrait avoir la musique serait de ne pas avoir du tout de publicité. Je pense que maintenant les choses se calment parce que les gars se préoccupent surtout de faire avancer leur carrière. Pas de quoi en faire des tonnes.
La première fois que je t’ai rencontré, tu disais que ton premier album était largement mérité. Aujourd’hui, il est vraiment largement mérité, ce n’est plus du mérite ! Oui, il est bien trop largement mérité ! Mais je ne veux pas faire un album qui reste lettre morte. Donc j’attends pour un deal, j’attends des propositions de labels. J’aimerais bien faire un album en France mais j’aimerais avoir le droit de l’amener éventuellement à un autre niveau.
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