INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Karl Joseph
le vendredi 22 septembre 2006 - 18 136 vues
Après un été mouvementé marqué par une nouvelle confrontation avec Bounty Killer et son mariage avec D'Angel (ex-compagne du "Warlord"), Beenie Man aborde pourtant la rentrée 2006 de la meilleure façon avec "Undisputed", un album fidèle à son auteur qui tient largement ses promesses. Pour la première fois de sa carrière, le "Doctor" aura bénéficié de deux jours en France exclusivement dédiés à sa promotion: l'occasion pour lui d'aller à la rencontre du grand public sur des médias nationaux. Malgré un planning très chargé, nous nous entretenons avec le "Grammy kid" dans la voiture qui le conduit à un grand plateau en direct sur une célèbre radio.
Reggaefrance / Bienvenue Beenie. Avant de parler de ton dernier album, revenons à ''Back to basics''. As-tu atteint tes objectifs avec cet album ? / Musicalement, c'est certain. Commercialement, c'était plus difficile. L'album a été combattu par la communauté gay et lesbienne. Je ne sais pas vraiment pourquoi puisque aucune chanson de cet album ne traitait de ce thème. Je pense qu'ils m'ont combattu moi et non ma musique. C'était un album très dancehall. Il était sorti au même moment que celui de Sean Paul. L'album de Sean Paul a bien marché mais on a attaqué mon album. Je pense qu'ils en avaient après moi mais je ne sais pas pourquoi.
Peux-tu expliquer le titre de ce nouvel album ? L'album s'appelle ''Undisputed'' parce que j'ai toujours combattu et je n'ai jamais été à terre. Je reste le roi du dancehall (King of the dancehall), numéro dans les Caraïbes, en Europe et jusqu'en Afrique. Je n'ai jamais été ''down''. Cet album s'appelle ''Undisputed'' parce que même si je suis un artiste international, je reste le roi du dancehall. Je viens remettre les choses au point avec cet album.
Tu as donc utilisé toute cette image de la boxe. Aimes-tu la boxe ? Oui, j'adore. Mais tu sais que je suis avant tout un joueur de foot.
Sur l'album, on trouve deux morceaux produits par Scott Storch. De façon surprenante, ce ne sont pas les titres qu'on attendrait d'un tel producteur : Jamaican ting est un morceau aux paroles réaliste alors que Dutty wine gal est un pur titre dancehall. Je vais t'expliquer la raison. Cet album est mon album : ce sont mes influences. Qu'importe ce que Scott Storch fait comme instru ou comme musique, c'est un musicien. Si tu lui demandes de composer un riddim hardcore entre le hip-hop et le dancehall, il le fera, c'est son métier.
D'ailleurs le thème du titre Jamaican ting rappelle We set di trend sur le riddim Nukie: c'est un tableau assez général des années 80, la musique mais aussi le contexte politique. Tu sembles tenir à ce thème. Certains jeunes dans le business ne savent pas ces choses là. Par exemple en France, beaucoup de personnes ne connaissent le dancehall que par Sean Paul. Blague à part, Sean Paul est arrivé il y a 4 ans…
Un peu plus quand même… Ouais si tu veux, mais même s'il a commencé il y a 8 ans, cela fait environ 4 ans qu'il est reconnu comme artiste international. Tu ne peux que constater que les jeunes ont besoin d'éducation. Toi qui est plus âgé que ce public, tu peux lui apprendre des choses qu'il ne sait pas. En écoutant cet album, le public apprend ce qu'est le roots, le dancehall, le hip-hop. La musique transmet un message lié à un contexte. La musique pour moi c'est aussi aller en Europe et vivre avec les Européens, aller en Amérique et vivre avec les Américains, même si vivre en Jamaïque est ce que je préfère.
Bizarrement, We set di trend n'est pas sur l'album, pourquoi ? Il faut savoir que cette chanson a été vraiment combattue par le producteur Dave Kelly et son label, même les artistes. Ils ont combattus cette chanson car ils considéraient qu'elle était une menace pour la chanson de Baby Cham (Ghetto story ndlr). Ils comptaient vraiment sur ce single, c'est pourquoi ils ont combattus ma chanson si durement. We set di trend devait être sur l'album mais Dave Kelly me réclamait 100 % des droits sur ce single qu'il n'avait pas produit ! Il n'a pas composé ce riddim, il n'a pas écrit ces paroles mais il a décidé de créer des problèmes. Nous avons donc décidé de lui donner ses 100 % mais il n'en a pas voulu et a continué à combattre cette chanson. C'est pourquoi elle n'est pas sur l'album.
Parlons d'une autre chanson qui n'est pas sur l'album… Laquelle ?
A nuh me sur le Jonkanoo. En fait, il y a déjà Chaka dance sur le même riddim qui est sur l'album…
Justement, pourquoi avoir choisi Chaka dance ? Pourquoi d'ailleurs ne pas avoir mis les deux ? Ces deux morceaux sont très différents. Oui mais ça n'aurait pas eu de sens de mettre deux fois le même riddim sur un album. Je ne pourrais pas écouter cet album avec deux chansons sur le même rythme.
Pourtant les paroles de A nuh me sont puissantes… C'est pour ça que j'ai gardé A nuh me pour les dancehalls et que j'ai mis Chaka dance sur l'album pour divertir le public.
Sur Undisputed, tu as un titre en featuring avec artiste de reggaeton : Voltio. Est-ce ton propre choix ou celui de ton label qui a aussi signé cet artiste ? C'est un choix de Shocking Vibes. En fait, nous avions déjà fait une chanson en anglais et en espagnol sur ''Tropical storm''. C'est pourquoi nous avons décidé de faire ce titre avec Voltio. Notre intention n'était pas de surfer sur cette nouvelle vague de reggae espagnol. Nous avons créé cette vague avec une production Shocking Vibes : c'était normal de revenir sur ce son et de montrer que nous en étions les origines. Nous avons choisi Voltio car c'est l'un des plus jeunes artistes qui est arrivé dans ce style de reggae espagnol… Je n'arrive pas à m'y faire, je ne peux pas nommer cela comme ils l'appellent.
Reggaeton ? Ouais, c'est du reggae espagnol.
Le fait de promouvoir l'album avec le single Hm hm est un choix plutôt audacieux. As-tu choisi cette chanson ? Oui, c'est mon propre choix. Du dancehall hardcore pour les femmes, c'est moi…
C'est vrai que ce n'est pas un single faiblard… Tu l'as dit…
Tu as toujours mis des titres un peu plus cross-over sur tes albums. Aujourd'hui, il y a des artistes comme Sizzla, Sean Paul, Baby Cham, Elephant Man ou Shaggy qui sont aussi dans cette démarche de featuring avec des stars américaines. Crois-tu qu'il soit devenu nécessaire pour un artiste jamaïcain de passer par là pour toucher un plus grand public ? Pour nous, la musique est nécessaire. Et notre musique est une fusion de différentes musiques. Pour moi la musique transcende les cultures, les couleurs. Si un indien me propose de faire un titre avec lui et qu'il assure, j'irais faire le deejay sur sa version et on sera numéro un à Bombay. Pas de problème, du moment que l'artiste a du talent parce que je ne bosse pas avec des artistes qui n'ont pas de talent. Si tu ne peux pas venir dans le studio et adapter tes chansons, je ne bosse pas avec toi. Si on fait une chanson ensemble, que ta partie n'est pas bonne et que tu ne sais pas t'adapter, je trouverais quelqu'un d'autre. Même si la chanson pèse 10 millions… Il faut qu'artistiquement ce soit bon.
L'été a été chaud pour toi: les médias jamaïcains ont plus parlé de ta querelle avec Bounty, du Sumfest et de ton mariage avec D'Angel que de ton nouvel album… Qu'ils parlent ou non de l'album, ils parlent de moi, c'est la même chose. Et tout le monde savait que mon album allait sortir le 29. Pour les shows que j'ai fait en Jamaïque, c'était ma propre responsabilité de les mener à bien et de prendre mes distances. Je suis le roi du dancehall et je dois le prouver en permanence. Maintenant c'est à Virgin de m'amener partout vers les médias pour l'album. C'est mon boulot. Mon album est international et le marché du dancehall est différent, il ne faut pas confondre. Mais crois-moi mon album est joué en ce moment en Jamaïque par les jeunes, parce qu'il a des styles différents et qu'il parle à la fois des gens de tous les jours, de ce qui se passe maintenant et du futur.
Tu sais bien que comme toujours les gens sont plus intéressés par ce qui se passe entre toi et Bounty. En Jamaïque seulement…
Tu disais aimer la boxe. En boxe, il faut toujours deux adversaires: tu ne peux pas boxer tout seul… Si, moi je boxe contre mon ombre, contre moi-même. Je n'ai pas d'adversaires : ils ont tous été mis KO déjà. Qui je suis supposé combattre ? Bounty ? Je l'ai déjà mis KO, il y a quoi…10 ans ! Qu'est-ce que je suis sensé faire ?
Je ne sais pas. Mais je trouve que tu es plutôt bon quand on t'attaque. Je dirais même que tu donnes le meilleur dans ces cas là… Non, je ne crois pas. Ce ne sont pas des attaques, c'est ce qui se passe quand les artistes rentrent dans le business. Bounty Killer est bon quand je parle de lui. Si je ne parle pas de lui, il n'est plus bon. Moi, je m'éloigne de cela. Je devrais être jaloux des artistes qui débarquent et qui sont bons, parce que les gens parlent d'eux et ne parlent pas de moi ? Je ne vais pas utiliser ton nom dans une chanson pour qu'on parle de moi. Je fais juste une meilleure chanson.
Tu penses que Bounty a plus besoin de toi que toi de lui ? Tu sais cela. Tout est dit. (rires)
Avec ton emploi du temps chargé, as-tu encore du temps pour te consacrer à tes activités sociales en Jamaïque, le club de foot par exemple ? Oui. Je me dois de faire cela. Je me dois de prendre du temps pour cela. Si je changeais, je n'aurais plus de vie. Je travaille beaucoup mais je continue à faire aimer le foot.
Il te reste maintenant un dernier album avec Virgin pour honorer ton contrat. Que feras-tu après ? J'irais autre part mais je ne peux pas te dire tous mes secrets.
J'ai lu que tu serais intéressé par Epic… Qu'est-ce que j'irais faire chez Epic ? No worry 'bout dat !
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