INTERVIEW :
Propos recueillis par : Paul Bastrot
Photos : Frank Casali
le mardi 28 février 2006 - 10 960 vues
Formé à Brooklyn dans les années 80, LP Sound (abréviation de Love People) est un sound légendaire de la grosse pomme. Vétéran des danses et des clashes, LP peut se targuer d'avoir participé à la grande période des soirées au Biltmore Ballroom. Retiré du circuit des clashes jusqu'en 2004, LP est depuis de retour dans l'arène et entend bien se faire connaître aux quatre coins du monde. Programmé pour la première fois à Paris, LP nous a accordé une entrevue à Munich à l’occasion de leur victoire au Riddim Clash 2005. Puma, fondateur et propriétaire du sound répond à nos questions.
Reggaefrance / Puma, peux tu nous faire une présentation de LP Sound, sa création, ses membres, son évolution ? / J’ai commencé à jouer de la musique en Jamaïque quand j’étais adolescent et je suis parti pour New York en 82. Là j’ai rencontré des gens de mon quartier, Blacka P et Baby Lu qui venaient chez moi pour écouter du son et parfois dj. Nous avons commencé à être booké pour des danses. Nous jouions tous les jeudi puis Rayvon, Red Fox et Shaggy ont rejoint le crew et nous sommes devenus de plus en plus populaires.
En 90, je jouais avec Supa Don la plupart du temps, nous avions un clash prévu avec Afrique et Supa Don ne pouvait pas être là. J’ai alors proposé le rôle de Mc à Stereo Fish qui venait souvent chez moi. Je jouais les disques et je lui donnais les arguments. Il s’en est très bien sorti et a ainsi rejoint le crew. Nous avons mash up Afrique et à partir de ce moment là, nous avons clashé un peu partout, dans les soirées d’anniversaire, dans les danses, jusqu’en Jamaïque avec Bodyguard, Killamanjaro, Bass Odyssey….
Plus tard Stereo Fish décida de quitter le sound, il voulait avoir un juggling sound. Nous avons ensuite engagé Lee Major de Earth Ruler pour quelques jugglings mais il a préféré partir jouer en Angleterre. Nous avons alors repris les choses en main avec Supa Don. La dernière recrue s’appelle Terror, il était dans le sound depuis longtemps et a décidé de s’investir à un autre niveau, il est donc notre nouveau MC.
Comment cela se passait-il dans les années 90 à New York dans les clubs comme Biltmore ? A l’époque, il n’y avait pas que Biltmore, tout le monde parle de Biltmore mais il y avait beaucoup de clubs à cette époque : il y avait également Starlight Ballroom, Tillnight Ballroom, Flamengo mais c’est vrai que Biltmore était le plus important avec beaucoup de danses et de clashes de 1990 à 1996.
Comment cela se passe-t-il aujourd’hui, qu’est ce qui a changé ? Les choses ont changé. A cette époque un sound qui jouait des Dennis Brown était considéré comme un big sound. Maintenant j’ai parfois l’impression que c’est une histoire d’argent. De même pour l’ambiance: tout le monde faisait la fête, les filles venaient beaucoup en soirée, maintenant chacun danse dans son coin. Mais une chose a changé: c’est la violence. Il y avait beaucoup de violence à New York dans ces années là, beaucoup de flingues, de fusillades dans les clubs, maintenant c’est fini, c’est une des meilleures choses.
Le public des clashes et des jugglings n’est pas le même. Il est plus jeune pour les soirées classiques alors qu’on retrouve dans les clashes des massives qui venaient déjà il y a 10/15 ans aux clashes mémorable de Biltmore. Les sounds évoluent aussi, de nouveaux apparaissent puis disparaissent mais il faut toujours se souvenir des anciens. Quand tu commences personne ne veut te bloquer, mais arrivé à un certain niveau certains sounds se sentent obligés de se mesurer à d’autres, il y a trop de mauvais esprit parfois. Notre but est de faire partager la musique peu importe d’ou nous venons, c’est ça qui est important.
Avez-vous votre propre studio à New York ? Je n’ai pas vraiment de studio personnel, j’ai un petit home-studio où je peux faire des prises rapides mais j'enregistre des dubs à peu près partout. Quand un artiste est quelque part et que j’ai un boulot à faire avec lui, je suis présent. Aussi bien à New York, qu’en Jamaïque ou même ici en Allemagne, si un artiste était en ville et que son titre pourrait être décisif pour le clash de ce soir, je trouverai un studio pour l’enregistrer. L’important c’est de jouer le bon morceau en premier et au bon moment.
Tu enregistres des dubs depuis longtemps, peux tu nous dire ce qui a changé et pourquoi ? Dans les années 90 beaucoup de sounds faisaient des dubs, il y avait plus d’argent que maintenant dans le business en général, les artistes étaient plus flexibles parfois. Maintenant il faut avoir de bonnes relations avec les artistes, nous avons toujours essayé d’entretenir cela afin de pouvoir continuer à jouer des nouveaux morceaux tout le temps. Parfois je peux payer les dubs mais parfois l’artiste doit aussi faire un geste, te donner la force pour que tu continues à le faire entendre aux massives.
Peux-tu nous citer certains artistes que vous appréciez, certains de vos anthems ? C’est très difficile de parler de nos anthems car presque tous nos tunes sont devenus des anthems (rires). J’aime tous les artistes, je n’ai pas de préférence, tous les artistes sont mes artistes. Je ne joue pas de mauvais dubs d’un artiste car si je flop, je ferais flop l’artiste aussi. Je prends donc soin que l’artiste enregistre bien ses morceaux. A une époque certains artistes prenaient leur argent et partaient, maintenant ils réalisent que si les sounds jouent leur tune à travers le monde, il vont devenir plus importants.
Nous avons beaucoup d'anthems, je pourrais en parler des heures. J’aime la musique, je suis fier d’avoir ces dubplates, car elles sont uniques. Nous avons une combinaison avec Peter Tosh, Cocoa Tea et Capleton, c’est une tune énorme en Angleterre, également Dennis Brown et Capleton, nos dubs de Buju Banton, de Dennis Brown ainsi que ceux de Michael Palmer, ce sont tous des artistes que nous apprécions beaucoup.
Quel est votre meilleur souvenir de clash et le pire ? Je ne peux pas vraiment citer un mauvais souvenir mais je me souviens de deux clashes avec Poison Dart en Floride. C’était toujours problématique, des bagarres, le son, un public biaisé, à chaque fois en Floride, alors je leur ai dit de venir à New York car je n’aime pas ces histoires. On joue de la musique, on ne fait pas la guerre même en clash.
Sinon mes meilleurs souvenirs sont les clashs LP contre King Addies à Biltmore et LP contre Bodyguard en Jamaïque avec Dennis Brown en live, ce sont des grands moments de musique.
A l’écoute de certaines cassettes de vos clashs des années 90 on entend parfois des coups des feu lors des gros forwards, c’est assez incroyable, peux tu nous en dire quelques mots ? (Rires) Non, ce n’est pas la guerre. C’est juste que parfois les massives sont fiers de glorifier leur sound quand il joue bien. C’est la manière de certains fans de l’époque de le faire. LP a ses fans, King Addies a ses fans, Earth Ruler également. Tu sais, c’est une partie du business car les fans parient comme des dingues, ce sont eux qui font le buzz autour des clashes. Cela reste de la musique, ce n’est pas quelque chose de négatif.
Quels sont les sounds que vous appréciez et pourquoi ? Je dirais tout d’abord Stone Love. Même si c’est un juggling sound, ils ont montré le sound business à beaucoup de monde et ils ont été des guides pour tous. Je pense que c’est le sound numéro un, toutes catégories confondues. J’aime beaucoup Saxon aussi, à un autre niveau. Sturgarv et Jammys sont de bons sounds également.
Quels sont les sounds qui vous on inspiré ? Je dirais Saxon, Stereo-One, également Volcano mais aussi Jack Ruby et V-Rocket d’Angleterre.
Quels sont vos futurs projets, vos objectifs ? J’aimerais pouvoir voyager et faire des jugglings partout dans le monde, cela fait longtemps que j’aurais du aller à certains endroits et certaines personnes ont empêché ça.
Maintenant je vais faire jouer mon sound partout où les gens voudront nous entendre et clasher tous les sounds qui voudrons nous barrer la route, je n’ai peur d’aucun sound.
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