BIO
Chris Blackwell, fondateur du label Island Records, ne confesse qu’une seule erreur : ne pas avoir signé les éditions de Bob Marley. Il peut en effet le regretter : mort, le plus célèbre des Jamaïcains vend chaque année plus d’albums à lui tout seul que tous les artistes reggae vivants réunis. Aston "Familyman" Barrett, son fidèle bassiste, ose avancer le chiffre de 250 millions d’albums écoulés, dont 25 millions de copies pour la seule compilation posthume Legend. Mieux qu’une légende : un mythe. Dans le show-business, un décès précoce a vite fait de façonner des icônes : Jim Morrison, Jimi Hendrix, Marylin Monroe, John Lennon… et Bob Marley donc. Si les choses deviennent sérieuses avec "Natty Dread" en 1974, c’est surtout à partir de 1978 que son succès planétaire lui fait remplir des stades. Emporté le 13 mai 1981 par un cancer, il n’aura finalement connu que sept années de succès international.
Synthés et guitares électriques
Sa trajectoire n’est pas fulgurante pour autant. Quand il sollicite Chris Blackwell en 1972, il est déjà un professionnel aguerri. Il a l’expérience des studios, de la composition et des répétitions, et veut passer à l’étape supérieure. Son chemin, Bob l’a tracé à la force de sa détermination et d’une intime conviction que le succès serait un jour au rendez-vous. Mais il doit aussi beaucoup à la vision de Blackwell, qui a une intuition. En jetant son dévolu sur les Wailers après que Jimmy Cliff lui a fait faux bond en signant chez EMI, le producteur avait évidemment une idée derrière la tête : faire de la joyeuse bande l’égal des groupes de rock anglais. Il sait que la dimension rebelle de la formation peut faire mouche auprès de la jeunesse occidentale. Il importe alors dans le reggae les codes du rock, introduit des synthés et des solos de guitare électrique joués par des musiciens américains, et ajoute une touche féminine en faisant appel aux I-Threes (Rita Marley, Marcia Griffiths et Judy Mowatt) pour les choeurs. Quand Peter Tosh et Bunny Wailer quittent la formation après une tournée en Angleterre en 1973, il renomme le groupe Bob Marley & The Wailers. Il persuade Marley de composer un album plutôt que de raisonner en termes de single (la norme en Jamaïque). Hot Buttered Soul d’Isaac Hayes et What’s Going On de Marvin Gaye viennent de sortir, et c’est cette direction que Chris Blackwell veut suivre : une musique noire plus conceptuelle, au message universel. Dix albums lieront ainsi Bob à Island Records ; un contrat interminable dont il ne s’échappera jamais : "Uprising", son dernier manifeste, était le dixième acte d’une liste qui omet le "Live" de 1974 (Blackwell refusait de le comptabiliser). Dix albums emplis d’une mystique naturelle, tranchants comme le rasoir, et qui forgeront la légende Bob Marley, de No Woman No Cry à War, de Concrete Jungle à Redemption Song. En découvrant Marley, le monde découvre du même coup le reggae et le message rasta. Un choc.
Equal Rights & Justice
On a tendance à l’oublier, le mot d’ordre rasta n’est pas « Peace & Love », mais bien « Equal Rights & Justice ». Des revendications, pas du rêve ; du concret, pas de l’utopie. Initié par le sage rasta Mortimer Planno, Bob Marley est sensible à ce mouvement qui met l’accent sur l’histoire de la nation noire, prône son unité, défend son autonomie et sa fierté. Tyrone Downie, son clavier à partir de 1975, confesse : « En devenant musicien de Bob Marley, je m’était inscrit sans le savoir à une université itinérante. Soudain, j’ai plus appris que je ne l’avais fait auparavant sur la politique, la corruption, le racisme, l’histoire de mon peuple et de tous les peuples d’origine africaine. » Première star issue du tiers-monde, Bob Marley participe à l’éveil d’une conscience noire collective. Cette influence énorme ne laisse pas le pouvoir indifférent. Le dread dérange. Ne clame-t-il pas que la révolution est « le seul moyen d’amener une solution » ? Blackwell n’a jamais caché avoir été contacté par l’ambassade des États-Unis à Kingston, préoccupée par l’influence déstabilisatrice de Marley. De là à l’imaginer surveillé par la CIA, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi par plusieurs sources qui voient derrière la tentative d’assassinat du chanteur en 1976 une opération clandestine de l’agence américaine.
Rébellion et non-violence
Porte-parole des sans-voix, ambassadeur des peuples opprimés, Bob Marley incarne tout à la fois la rébellion et la non-violence. Il laisse derrière lui un héritage colossal. Exodus a été élu album du siècle par le Time Magazine, et One Love « hymne du millénaire » à la BBC. Sa rhétorique, à la fois œcuménique et intime, abstraite et ancrée dans le quotidien, parle à chacun tout en possédant une puissante portée universelle. Unité africaine, écologie, dénonciation du système (Babylone) qui exploite et martyrise l’homme : ses thèmes n’ont rien perdu de leur force au fil du temps. Au contraire, trente ans après la mort de l’icône du reggae, ils trouvent même une résonnance nouvelle dans l’actuelle marche du monde.
Bibliograp hie sélective pour aller plus loin :
En français :
- Bob Marley de Stephen Davis (Points, 2004)
- Bob Marley, Destin d’une âme rebelle de Francis Dordor (Flammarion, 2011)
- Bob Marley, le reggae et les rastas de Bruno Blum (Hors Collection, 2010)
- Bob Marley, les secrets de toutes ses chansons 1962-1981 de Maureen Sheridan (Nouvelles Éditions, 2011)
En anglais :
- Bob Marley, The Untold Story de Chris Salewicz (Harper Collins, 2009)
- Bob Marley And the Wailers : The Definitive Discography de Roger Steffens (Rounder Books, 2005)
- Marley And Me: The Real Bob Marley Story de Don Taylor (Barricade, 1995) |
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| Artiste |
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| Nationalité |
| Jamaïcaine |
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| Prénom / Nom |
| Robert Nesta Marley |
| | Né le |
| 06/02/1945 |
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| Lieu de résidence |
| Nine Miles (JA) |
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| Site Web |
| www.bobmarley.com |
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