INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : www.powpow.de
le samedi 26 mars 2005 - 10 183 vues
A quelques jours de leur venue sur Paris, l'occasion était belle de faire plus de lumière sur le sound system allemand Pow Pow. Histoire de faire plus ample connaissance, voici une interview de leur selecta, Ingo, réalisée lors de la dernière édition du Splash Festival en Allemagne.
Reggaefrance / Peux-tu revenir sur la naissance de Pow Pow ? / Pow Pow est un sound system qui a débuté en 1990. Il a été fondé par moi et mon ami Backra. Depuis ce moment, nous faisons du reggae. Ma passion pour le reggae a commencé à l'âge de 14-15 ans avec les disques de mes parents. Je l'ai ensuite laissée de côté pendant un temps. Un jour, je suis tombé sur une cassette d'un sound system jamaïquain, ce devait être Stone Love ou peut-être un autre. Ca m'a vraiment inspiré, et j'ai gardé cette cassette pendant longtemps. Depuis, nous cherchons des cassettes et des disques.
A l'époque en Allemagne, il n'y avait pas de grosses soirées ou de gros concerts comme maintenant. Il y avait seulement, parfois, des soirées reggae, par exemple avec Rodigan. Il était avec English Soldiers qui était basé en Allemagne. Il avait son show sur la BBC. On n'a pas vraiment commencé comme un sound system. On faisait des soirées, et comme ça se passait très bien, on a décidé de devenir un sound system
Vous avez ensuite continué à faire plusieurs soirées, puis vous avez été choisi pour représenter l'Europe au World Clash 2000. On a commencé à jouer à Cologne, mais petit à petit, on s'est connecté avec des personnes d'autres villes. On a commencé à parcourir l'Allemagne, la scène reggae s'agrandissait d'année en année. On a fait des clashes locaux, dans d'autres pays aussi. Le clash devenait vraiment populaire.
On a été invité au World Clash 2000. C'était l'époque où les sound systems commençaient à passer à l'international. On faisait des dates à l'étranger. On a passé des années à enregistrer des dubplates, c'était génial pour nous d'être nominé au World Clash 2000. En fait c'était notre objectif à l'époque.
Les New-Yorkais, habitués des sound systems américains et jamaïcains, sont difficiles envers les sound européens… Si vous pouviez rejouer le Sound Clash, que changeriez-vous ? C'est difficile de déterminer après coup ce qu'il aurait fallu changer. Le public New-Yorkais est ''ruff and tuff''. Il faut vraiment l'impressionner. Le truc, c'est que des morceaux ne suffisent plus pour un World Clash aujourd'hui. Avant, ça l'était : on pouvait ''tuer'' un sound avec un morceau. Mais aujourd'hui ça ne suffit plus : ça dépend de qui est au micro et comment il anime. Notre MC devait être dans un mauvais jour. Normalement, il est vraiment wickeed mais il était peut-être impressionné par la foule.
Ils savent exactement qui ils veulent voir gagner, même si vous avez les meilleures dubplates. Ce qu'il s'est passé avec Mighty Crown l'année précédente n'arrivera plus jamais. J'en suis persuadé. Car les Jamaïcains ne laisseront plus partir la Sainte Coupe du World Clash pour un autre sound. Il ne feront jamais ça ! Mighty Crown le méritait en 1999, et c'est bien qu'ils aient apporté du sang neuf et un nouveau son, un son européen. L'Europe est vraiment une très grande scène. Avec les années, les choses changent et le milieu des clashes regarde de plus en plus vers l'Europe.
Quelle est votre préférence : les clashes ou les juggling dances ? Quelle est la différence quand on les joue ? La différence, c'est que ça doit être un divertissement pour les gens. Pour moi c'était génial avant quand on faisait des duplates, des specials. La foule avait cette ''war vibes'', cette vibe guerrière, de compétition, mais toujours pour s'amuser. Maintenant, je préfère le juggling, car les gens sont vraiment contents. Ils dansent, ils s'amusent avec leur nana, c'est populaire, pour rendre les gens heureux. Dans les clashes, comme à New York, il y a 2500 gars mais pas de nanas. C'est différent, c'est une compétition : qui sera le plus fort ? Les deux sont biens, ils sont différents. Pour être honnête, je n'aime pas trop ce qui se passe dans le milieu du clash depuis les deux dernières années, ce qu'est devenu le clash aujourd'hui.
Les clashes, c'est fini ? On ne sait pas si on reviendra aux clashes, ni quand. On verra comment ça évolue, mais ça ne nous donne plus le plaisir qu'on avait avant. Quand je n'ai pas un bon feeling sur quelque chose, je ne veux pas le faire. C'était marrant avant, mais je trouve que les jeunes sounds systems le prennent un peu trop au sérieux parfois. C'est supposé être amusant.
C'est pour ça qu'on reste éloignés des clashes en ce moment, et qu'on se concentre sur la production. En fait, c'est la même vibe que quand on posait des dubplates. On continue à créer quelque chose pour les gens. Selon moi, le business des dubplates est devenu inaccessible. Ce n'est plus amusant.
On fait toujours des dubplates mais seulement avec des artistes avec qui on est connecté, ou ceux qu'on a une chance d'avoir… C'est un vraiment business maintenant, un énorme business. Je préférais l'époque où il fallait vraiment travailler et faire quelque chose de spécial. Aujourd'hui tout le monde fait le même Special Set. Tu fais un special, et le lendemain tout le monde l'a dans les mains.
Votre activité est aussi votre label, Pow Pow. Comment tout a commencé ? Le premier enregistrement est sorti en 2002, mais on a commencé avec un an après le World Clash. Après quelques autres clashes, on s'est lancé petit à petit dans le travail de production. On a commencé à construire des riddims sur nos ordinateurs. Je suis ensuite parti en Jamaïque trouver des musiciens pour qu'ils jouent dessus. On a beaucoup de liens avec les studios jamaïcains car ça fait dix ans qu'on enregistre des dubplates là-bas. On s'en tient aux artistes qu'on connaît personnellement, de qui on a le lien direct. On leur dit ce qu'est notre idée, le son général, la production… Comme ils nous connaissent grâce aux sound systems, ils savent qu'on fait un bon travail en Europe. Ils nous ont aidés au début.
Le premier riddim, Celebrate, a eu beaucoup de succès parce qu'il sortait un peu de nulle part. Le single de Gentleman a été un gros hit en Allemagne, Runaway est un véritable hymne aujourd'hui là-bas. C'est comme ça qu'on travaille. On commence avec un idée, une ligne de basse, un rythme de batterie… Je fais ensuite le gros du travail de production pour les labels. Puis je vais en Jamaïque pour chercher des musiciens ou des artistes. Parfois, quand ils sont de passage en Allemagne ou en Europe, j'enregistre les voix ici. Des artistes de France, Italie, Espagne, ou au Portugal. Je veux réunir la grande famille du reggae. Il y a de bons artistes partout, pas seulement en Jamaïque. C'est là-dessus que je me concentre en ce moment.
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