INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Abby Ross
le lundi 31 octobre 2011 - 14 601 vues
Ses premiers pas en France, Meta Dia les aura faits sur la grande scène du Zénith à St Etienne, en première partie de Dub Incorporation. Sénégalais installé à New-York, Meta Dia a démarré sa carrière dans le milieu hip-hop de Dakar, au sein de la formation Yalaa Surenn. C'est en arrivant aux Etats-Unis qu'il tombe dans le reggae. Après un premier album, "Forward Music" en 2008, Meta est allé au studio Tuff Gong enregistrer son nouvel album, avec l'aide de Sydney Mills (Steel Pulse). Une nouvelle étape dans la prometteuse carrière de Meta Dia. Découverte.
Reggaefrance / Le public français t'a découvert en première partie de Dub Incorporation. Pour ta première scène en France, le public t'a très bien accueilli… / C'était vraiment magnifique. C'était un plaisir de se connecter à Dub Incorporation, qui nous invités à faire leur première partie pour ce concert. J'ai été très impressionné par la foule, il devait y avoir 7 000 personnes… C'était vraiment très beau, et une très belle expérience. Avec Dub Incorporation, on s'est rencontrés à New-York, on a joué ensemble au 92Y, une salle de concert à Tribeca. On s'est dit qu'on devrait faire comme une petite tournée.
Avant le reggae, tu as d'abord commencé par faire du rap, à Dakar. Quand j'étais au Sénégal, j'ai commencé par faire du hip-hop. Mais quand je me suis installé aux Etats-Unis, j'ai compris que la réalité du hip-hop n'est pas du tout la même à New-York ou à Dakar. Pour écrire des textes, le contexte est complètement différent. Aux USA, si tu essaies d'être un artiste hip-hop conscient ou d'écrire des textes comme tu le ferais au Sénégal, tu vas sonner faible. Les humeurs, la réalité est différente. Pour moi, le plus important dans la musique est le message. Donc j'ai voulu voir où je pouvais me situer. Je savais jouer de la guitare, j'ai appris à chanter avec l'accent… Un ami m'a prêté des albums de Buju Banton et de là, je n'ai plus lâché le reggae.
Tu as enregistré un premier album en 2008, "Forward Music", du reggae rempli d'influences. Au Sénégal, on écoute beaucoup de genres de musique : salsa, variété française, hip hop… C'est cette diversité qui m'a influencé, c'est en moi. Ce n'est pas comme si j'avais réfléchi à tout ça. Le plus important pour moi, c'est le message. Dans le hip-hop, tu écris des pages et des pages, donc tu es forcément redondant, tu répètes des rimes. Cette forme est très belle. Dans le reggae par contre, tu ne peux pas écrire quatre pages, le tempo est plus lent. Il faut simplifier, aller droit au but.
 C'était comme un pèlerinage de me rendre sur l'île de Bob Marley.  Tu as enregistré ton nouvel album, enregistré à Kingston. Comment est-ce arrivé ? J'ai rencontré Larry McDonald, un percussionniste jamaïcain qui a joué avec Gil Scott-Heron (avec qui il enregistra trois albums, ndlr), Bob Marley, et beaucoup d'autres. Il est venu voir mes concerts, je suis allé voir les siens avec son groupe Dub is a Weapon… Un jour, il est venu à la maison, et je lui ai fait écouter les morceaux que j'avais bricolés avec ProTools. Il était ébahi d'apprendre que j'avais fait ça tout seul. Il m'a dit : "Je dois te présenter quelqu'un" et il m'a introduit auprès de Sydney Mills (le clavier de Steel Pulse à partir de 1988, ndlr).
C'est là que les choses sont devenues sérieuses ? Sidney Mills m'a dit qu'il voulait qu'on travaille ensemble. J'étais enchanté ! J'ai soif d'apprendre, de regarder et d'apprendre auprès de gens qui savent. Je voulais aller à Tuff Gong, sentir la vibe. Le lendemain de mon arrivée, j'ai reçu un coup de téléphone de l'ingénieur du son de Tuff Gong, qui m'appelait pour me dire que Damian "Junior Gong" Marley était au studio, qu'il voulait me rencontrer et que je ferais mieux de rappliquer ! Au début j'ai cru que c'était une blague… J'y suis allé, la vibe est bien passée, et je me suis retrouvé à rencontrer tous ces grands artistes : Capleton, Damian Marley, Julian Marley, U-Roy… Il y avait aussi beaucoup de musiciens jamaïcains, C-Sharp le batteur de Steel Pulse (depuis 2005, ndlr), Axeman, Dean Fraser… C'était un rêve ! La session était vraiment belle, et le résultat sera sur mon album.
L'album n'est donc pas joué par les Cornerstones, ton groupe de musiciens ? Je suis allé en Jamaïque avec mes deux guitaristes, et mon clavier. Mais tu dois savoir que la basse et la batterie sont primordiales en reggae, et je voulais avoir la saveur d'une rythmique purement jamaïcaine. Sur l'album, Julian Marley joue de la batterie sur deux morceaux. Mon bassiste aussi joue sur l'album, mais je tenais à avoir également un bassiste jamaïcain.
J'avais écrit les paroles des chansons avant d'aller en Jamaïque, et j'avais également travaillé les compositions chez moi. J'ai ramené mon univers en Jamaïque… Sur place, on a retravaillé les morceaux, modifié une ligne de basse, ralenti un tempo… On a recuisiné les chansons, en quelque sorte.
Quelles étaient tes impressions de ton voyage en Jamaïque ? C'est un pays magnifique. C'est un voyage que j'avais préparé mille fois dans ma tête. Pour moi, c'était comme un pèlerinage de me rendre sur l'île de Bob Marley. Les gens là-bas sont magnifiques. Tous les gens que j'ai rencontrés au studio étaient incroyablement gentils. Je me souviens notamment de M. Chow, qui m'a beaucoup inspiré. C'est un Malaisien, qui est là depuis des années, je crois que c'est Bob Marley qui l'a introduit. Il m'a raconté des histoires incroyables sur Tuff Gong, avant que le studio ne porte ce nom.
Et le remix de Somewhere in Africa, avec Peter Morgan ? Quand on a fait ce remix avec Peter Morgan, son frère Gramps Morgan était avec nous dans le studio, il nous motivait... On aurait bien aimé rajouter ce remix sur l'album, mais à priori il n'y sera pas. Il y a 18 titres, et c'est déjà trop !
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