INTERVIEW :
Propos recueillis par : Cyril le Tallec
Photos : Marlène Boulad
le mercredi 29 avril 2009 - 8 636 vues
On l'a d'abord connu comme producteur avant de le découvrir derrière le micro. Le Sidewalk University riddim, c'est lui. Le hit Fallen Soldiers, c'est lui aussi. Demarco, créateur de riddim (Sidewalk university, Gang war, Mission, Shoot out, Warning, Pon di edge), a percé l'année dernière en tant que chanteur, enchaînant après Fallen Soldiers avec Duppy know who fi frighten dans les charts. Demarco ne s'économise pas, menant désormais de front les deux facettes de sa carrière. "Je ne m’arrête jamais de travailler. Je ne dors pas, dormir c’est pour les morts", confie-t-il dans un éclat de rire, alors que nous le rencontrons au Versatile Studio, à Kingston.
Reggaefrance / Comment te définirais-tu ? Plutôt artiste ou producteur ? / La musique, j’aime la musique… J’aime produire, composer des chansons, approfondir mes connaissances sur Protools (logiciel d’enregistrement, ndlr). Il n'y a aucune discipline que je privilégie plus qu'une autre.
Tu as commencé par te faire un nom en tant que producteur. Mais à 15 ans, tu avais déjà une expérience en sound system, avec Future Disco. N’étais-tu pas d’emblée destiné à faire de la scène et une carrière d’artiste ? La musique est dans mon sang ! Mon grand-père était musicien et avait une formation qui s’appelait One Man Band : il était seul, il se déplaçait sur un chariot et jouait de pleins d’instruments en même temps. C’est dans mon sang.
En 1999, tu t'installes à New York puis à Baltimore. Qu’as-tu appris là-bas ? Quelles influences musicales gardes-tu de cette époque ? Quand je suis arrivé aux Etats Unis et que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai débuté avec du rap et du R’n’B, pas du dancehall. Donc quand j’ai commencé à faire du reggae et du dancehall, ma musique s’est retrouvé directement influencé par le rap et le R’n’B, c’est pour ça que ma musique sonne différente de celle des autres artistes.
 On oublie que Mavado chante We shall overcome, que Vybz Kartel chante Life sweet, ou que Busy Signal chante Done wid di war  Comment t’es venue la passion du son et du travail sur le son ? Tu décides alors de monter ton propre studio ; comment cela s’est-il passé ? Est-ce que ça a été facile ? Quand j’étais en Jamaïque, je voulais aller aux Etats-Unis pour acheter des machines afin d’équiper mon studio, apprendre à composer des riddims et à m’enregistrer…Je suis donc parti pour les States et j’ai travaillé dur, enchaîné plein de jobs différent, économisé pour acheter du matériel…Ma mère m’a un peu aidé financièrement afin que je puisse finir de monter mon studio ! Aux States, ça a pas été facile, j’ai fait ce que je pouvais faire, j’ai coupé la pelouse de toutes les maisons de Baltimore, allez leur demander ! (rires)
Avec qui as-tu travaillé à tes débuts ? Je faisais du rap avec les artistes locaux de Baltimore et c’est comme ça que j’ai commencé à construire mon style. Puis j'ai rencontré des gens en dehors de ma ville, qui étaient dans le milieu… C’est là que j’ai rencontré les personnes avec qui j’ai monté le label Star Kutt Records et d’autres comme les Soul Diggaz qui connaissaient tous les gens de l’industrie musicale, c’est des producteurs qui ont signé sur le label de Missy Eliott. C’est pour cela que je suis parti vivre dans le New-Jersey, j’ai commencé à travailler sur plein de projets différents, composer des instrus pour Missy, Styles P, Olivia du G-Unit…
Tu as d’abord percé en tant que producteur, en tant que créateur de riddims en tout cas (Sidewalk university, Gang war, Mission, Shoot out, Warning, Pon di edge…), mais tu es resté dans l’ombre tout ce temps ; comment t’es-tu décidé à relancer sérieusement ta carrière de chanteur ? Ça a vraiment commencé avec le Sidewalk University riddim, puis le Gang War… Ensuite tout s’est enchaîné…Shoot Out Riddim, Mission Riddim puis Pon di edge, People so evil et Unknown number de Busy Signal... Quand j’ai commencé à composer mes beats, les riddims dancehall étaient très rapide comme en concert mais j’aimais pas trop ça en fait. J’ai donc ralenti tout ça, car je voulais retrouver la vibe d’antan. Après en tant que chanteur, comme je composais déjà des riddims pour plein de producteurs différents, j’enregistrais automatiquement sur mes riddims, donc après, quand ils commençaient la promotion auprès des divers médias, ils mentionnaient que le riddim était composé par moi et que j’étais un jeune artiste qu’il fallait surveiller…Ils ont commencé à jouer quelques unes de mes chansons jusqu’à ce que Fallen soldiers arrive, ensuite ils n’avaient plus le choix, c’était la chanson que les gens dans la rue voulaient entendre… Sa vibe est différente des autres chansons. Tout a changé avec Fallen soldiers , j’ai commencé à donner des concerts, à faire des tournées… Les gens te connaissent en tant qu’artiste, ta vie commence à changer, tu dois sortir moins pour te consacrer essentiellement à ton travail en studio… La vie d’artiste a changé ma vie !
La formule magique semble venir de ce mélange cross over entre hip hop et reggae, pourtant les hits suivants (Duppy know who fi frighten et Sort dem out) sont carrément dancehall ; quel style a ta préférence ? La musique tout simplement : j’écoute un riddim et je ressens quelque chose… Parfois c’est des ambiances sombres, donc je fais un titre pour la rue ; parfois c’est plus joyeux et je le fais pour les clubs.
Tu reviens de tournée européenne, qu’en retiens-tu ? Beaucoup de stress, pression sanguine, infection capillaire… Je ne pouvais pas dormir la nuit (rires) ! Mais ça été une bonne expérience. Plus de gens ont entendu parler de moi et me connaissent désormais. La tournée s’est bien passée donc c’était positif… Pour la prochaine, je dois m’entraîner (rires), faire de l'exercice car tu sais, faire tout seul un show de quarante minutes – une heure c’est dur… Je ne l’avais jamais fait avant, et après le premier show j’ai eu l’impression d’être tombé dans un piège (rires).
Tu as signé un contrat pour trois albums avec Koch Records… Oui, par exemple, c’est Koch qui a décidé de mettre Jim Jones sur mon titre Fallen soldiers, je voulais pas trop mais c’était aussi un artiste du label donc… ça s’est fait comme ça ! J’ai aussi posé avec Booba, le 50 cents français. C’est une bonne chose au final d’enregistrer avec des artistes locaux, cela te permet d’être plus exposé.
Que penses tu de la violence dans les thèmes abordés dans le dancehall ? Les artistes s’inspirent de ce qu’il voit dans la rue ou de ce que leurs amis font, ils parlent de leurs vies la plupart du temps, leurs réalités ! ce qu’ils font, ce qu’ils disent ou ce qu’ils traversent dans la vie… Mais quand c’est un clash et que les camps qui s’opposent transforment ça en affrontement physique, quand ça dépasse le cadre musical, ça devient ridicule. Les artistes n’en viennent pas aux mains, pourquoi le public devrait-il le faire ? Il faut que ça reste musical.
Penses tu que le message de Bob Marley soit dépassé sur son île natale ? Pas vraiment, car la musique qu’il faisait est toujours là. Il y a des artistes culturels et des artistes dancehall qui font de la bonne musique…On oublie que Mavado chante We shall overcome, que Vybz Kartel chante Life sweet, ou que Busy Signal chante Done wid di war.
|
|