INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sebastien Jobart
Photos : DR & Xav Alberghini
le mardi 03 mars 2009 - 9 886 vues
Pays des moulins et de la culture de tulipes, la Hollande ne comptait jusqu'à présent aucun représentant sur la scène européenne et internationale. C'est désormais chose faite avec Ziggi, né à Rotterdam d'une mère hollandaise et d'un père originaire de Saint-Eustache (Antilles Néerlandaises), qui a grandit dans les Caraïbes avant de revenir à 18 ans en Hollande.
Après un premier album salué dans son pays mais inédit chez nous, Ziggi signe sur le label Greensleeves, dont il est l'un des rares artistes non-jamaïcain, pour la sortie de son deuxième album, "In Transit". Une réussite en studio et encore plus flagrante en concert ; on pourra d'ailleurs d'en convaincre avec la tournée d'une quinzaine de dates qui l'amènera chez nous en mars.
Reggaefrance / Tu viens de sortir ton deuxième album, comment est-il né ? / C'était tout simplement le bon moment. Mon premier album, ''So much reasons'', était sorti en Hollande et en Allemagne en 2006, et il était définitivement temps de sortir quelque chose de frais. A l'époque, j'étais très occupé à enregistrer des morceaux, j'arrivais sur la scène européenne et j'ai rencontré beaucoup de producteurs. Je n'étais pas consciemment en train de travailler sur un nouvel album, j'enregistrais beaucoup de morceaux qui ont finalement constitué la trame de ce nouvel album. On l'a fini à la fin de l'année 2007.
Il est intitulé ''In Transit'', quel sens donner à cette métaphore ? C'est musicalement que j'étais en transit. Par rapport à mon premier album, celui-là est complètement différent musicalement. C'était une transition, c'est pourquoi il s'intitule ''In Transit''.
Il y a aussi l'idée que tu prends une dimension internationale, avec les panneaux d'aéroport… Oui, c'est vrai, on a rajouté ça par la suite, mais le sens original du titre se limitait à la musique.
 Moi, je trouvais juste cool de pouvoir sortir un CD. Quand j'ai appris qu'il était récompensé, qu'il marchait bien, j'étais vraiment surpris.  Comment qualifierais-tu cette transition musicale ? Je le trouve vraiment plus mature, j'ai grandi. Mon premier album compilait mes débuts dans la musique. Avec ''In Transit'', dont la plupart des morceaux ont été enregistrés en 2007, je suis passé à un autre niveau, plus professionnel, j'ai intégré le travail en studio… ''In Transit'' est plus professionnel, il se concentre sur une seule direction. Il est plus roots, les productions sont internationales… Tout cela fait qu'il représente quelque chose de complètement différent.
Tu es l'un des très rares artistes non-jamaïcain signé sur Greensleeves… C'est spécial, évidemment. Qu'un label tel que Greensleeves, spécialisé dans le reggae, veuille travailler avec moi est un bon signe ! C'était un honneur pour moi et j'espère avec eux pouvoir faire passer ma carrière à un niveau supérieur.
Il y a beaucoup de featurings, avec des artistes européens (Admiral T, Gentleman) et jamaïcain (Cecile, Anthony B). Comment est-ce arrivé ? Tous sont nés de différentes manières. Alors que je travaillais sur l'album, j'ai participé à la tournée de Gentleman, j'ai passé beaucoup de temps avec lui, et la combinaison était donc évidente. C'est presque la même histoire pour Cecile, qui était venue en Hollande faire un show à Amsterdam, et on en a profité. Je la connaissais déjà car on a le même agent. Anthony B a fait sa partie en Jamaïque et moi la mienne en Hollande. Et pour Admiral T, on cherchait parmi la scène française un artiste qui serait bon pour une collaboration, et le nom d'Admiral T nous revenait souvent.
Tu te montres versatile sur l'album, avec des titres aussi bien reggae que dancehall. Personnellement, je me retrouve vraiment sur des titres reggae, je suis plus à l'aise sur un tempo plus lent.
Les titres dancehall sont assez crossovers, avec des influences rock prononcés. En Europe, la plupart des producteurs que j'ai rencontrés produisent du reggae. Pour le dancehall, il a fallu se débrouiller nous-mêmes. J'aime expérimenter donc mon dancehall ne pouvait que s'écarter du dancehall typique. C'était fait consciemment.
Ton chant nous rappelle Bob Marley et ton flow Junior Kelly. Ce sont des influences pour toi ? Tu es le premier à faire la comparaison avec Junior Kelly, on ne m'avait jamais dit ça auparavant. Bob, on me l'a beaucoup dit, c'est vrai que ma voix sonne un peu comme la sienne. Mais Junior Kelly, je n'avais jamais entendu ça !
Cry Murder parle de la société jamaïcaine ? Non, pas en particulier, c'est une situation globale que je décris. La violence n'a pas de frontières, et dans toutes les villes du monde il y a des victimes de meurtres ou de violences. En Jamaïque, en revanche, la situation est extrême.
Crois-tu que le dancehall et ses paroles poussent les jeunes à la violence ? Bien sûr ! C'est évident. C'est une mode, et les jeunes la suivent. Il faut être critique et écouter ce que disent les artistes pour se rendre compte que cela n'a rien de positif. Ils influencent clairement les jeunes, c'est indéniable.
Le dancehall n'est-il pas plutôt le miroir de la Jamaïque, le symptôme plus que la cause ? C'est vrai. C'est un cercle vicieux. Mais écrire si le sujet de toutes tes chansons est les armes, alors tu ne fais que mettre de l'huile sur le feu.
Quand tu es revenu en Hollande à 18 ans, comment as-tu lancé ta carrière ? Ce n'était pas vraiment un projet. J'avais des amis de longue date, que j'ai connu à Saint-Eustache, qui étaient eux-mêmes artistes. Grâce à eux, j'ai commencé à écrire des chansons, je les ai accompagnés en studio. J'ai finalement atterri au studio de Rocking Vibes avec Mr. Rude (Berteaut Fleming, qui est devenu son manager, ndlr). Il voulait travailler sérieusement avec moi, c'est lui qui m'a mis le pied à l'étrier. Il voulait me signer, mais ce n'était pas dans mes projets. Mais à force de travailler, et voir que ça donnait quelque chose, j'ai pris ça de plus en plus sérieusement.
Ton premier album, ''So much reasons'', a connu un vrai succès en Hollande. Il a même été plusieurs fois récompensé. 'So much reasons'' a bien marché, il m'a apporté la reconnaissance au sein de la scène urbaine hollandaise.
Tu étais prêt pour cette reconnaissance ? Well… pas vraiment prêt. J'étais un débutant, je faisais de la musique mais je n'en attendais rien de sérieux. Moi, je trouvais juste cool de pouvoir sortir un cd. Quand j'ai appris qu'il était récompensé, qu'il marchait bien, j'étais vraiment surpris.
On ne connaît pas vraiment la scène hollandaise, comment se porte-t-elle ? Elle est très petite. Vraiment petite. La Hollande est un petit pays, bien sûr. A Amsterdam, il y a une scène dancehall, et uniquement dancehall. Elle est vraiment importante. Le Jamrock par exemple est une salle qui accueille régulièrement 2000 personnes. C'est probablement la plus grande salle dancehall en Europe. Mais en dehors de ça, il ne se passe pas grand-chose.
La proximité de la scène allemande, qui est importante, peut aussi expliquer la relative faiblesse de la scène hollandaise. Je ne vois pas en quoi ça empêcherait le reggae de se développer en Hollande. Les gens ne vont pas traverser à chaque fois la frontière pour écouter du reggae ou voir un artiste.
Mais les artistes hollandais vont peut-être chercher les producteurs allemands… Ils sont bien obligés ! Car on n'est pas nombreux à produire du reggae en Hollande. Ou alors il faut venir nous voir, moi et Mr. Rude à Rocking Vibes.
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