INTERVIEW :
Propos recueillis par : Cyril le Tallec
Photos : Marlène Boulad
le dimanche 28 septembre 2008 - 10 980 vues
Avant de rencontrer Bounty Killer par l'entremise de Vybz Kartel, c'est avec son groupe du lycée, JOP, que Aidonia fait ses classes, en reprenant les hits du Scare Dem Crew. De l'école à la rue puis de la rue au studio : Aidonia rejoint le label Kings of Kings puis l'Alliance qu'il quittera successivement. Porté par ses récents hits, ce fan de Zidane, Malouda, et "Riberynho" (!) sortira son premier album solo à la fin de l'année, sur lequel il espère recevoir Lil'Wayne, Jay-Z, Mavado et Bounty Killer.
Reggaefrance / Quel est ton premier titre enregistré en studio ? / Le premier titre que j’ai enregistré était pour le label de Mr.G Youngblood, il s’appelait Give her it hard (il se met à chanter…) Gal how do u want it, me just give her it hard… Mr .G a été le premier producteur à travailler avec moi. A cette époque on chantait dans la rue et personne ne nous prêtait attention. Il ne m’entendait pas au début, mais à force de lui faire écouter mes textes, il a fini par m’enregistrer. C’est le premier à m’avoir écouté, le premier à m’avoir enregistré ; mon premier titre qui est passé à la radio et en soirée, c’est grâce à lui tout ça.
On peut ressentir tes influences hip-hop dans ta musique, d’où viennent tes inspirations ? Quand tu penses au flow, le roi du flow c’est Notorious Big. Biggie Small mais aussi Tupac. Plus récemment tu as G-Unit, the Locks, en fait plein de rappeurs… Fabulous, DMX, le boss Likkle Weezy (aka Lil’ Wayne). En fait, en grandissant en Jamaïque de nos jours, on est confronté à l’influence du hip-hop et du R’n’B américain et européen, grâce aux chaînes câblées. Tout ça se ressent au final…
D'ailleurs ton premier titre ayant remporté un franc succès est Lolly, une counteraction au Candy shop de 50 cents, peux-tu nous raconter l’histoire de cette chanson ? Elle m'a été inspirée de deux manières différentes : d’une part par une fille qui était en jupe et que j’ai complimenté dans la rue, et de l’autre par le clip de Candy shop de 50 cents. Quand j’ai vu cette vidéo, ça m’a rappelé l’épisode avec la fille… C’était à l’époque où je venais juste de rencontrer Scatta du label King of Kings. La chanson me trottait dans la tête et on l’a enregistrée. Quand on l’a sortie, c’était la grande époque du Candy shop, donc ça a bien marché.
 On n’écrit plus de texte, on ne pose plus jamais de stylo sur une feuille, tout est dans la méditation...  Tu écris des textes pour d’autres artistes ? Non pas vraiment. Ce qui peut arriver, c’est si je suis en studio avec un autre artiste, on va penser la chanson ensemble. Par exemple le titre que j’ai fait avec Bounty Killer, j’ai "construit" le texte. On n’écrit plus de texte, on ne pose plus jamais de stylo sur une feuille, tout est dans la méditation, c’est comme si on avait un ordinateur dans le cerveau et on appuie juste sur play ou enregistrer et ça marche ! Le plus souvent, on est là tous ensemble et quelqu’un chante une phrase, un autre lui répond. Avec Bounty Killer, j’ai construit la majorité du titre.
Tu t’es séparé de Scatta (producteur du label King of Kings), ton premier manager, et tu as quitté l’Alliance, c’est des problèmes personnels ou des désaccords ? Tu vois je suis une personne sérieuse dans mon travail et dans la vie, je suis quelqu’un d’intelligent, Je n’accepte pas qu’on me soit irrespectueux, je suis là pour défendre mes intérêts et celui de mes amis. Avec Scatta et son label King of Kings, c’est une histoire contractuelle. Quand il m’a envoyé le contrat de management, j’étais en désaccord avec certaines clauses donc je lui ai signalé en lui disant de revenir avec le contrat révisé afin de trouver un compromis. Scatta, comme il avait lancé ma carrière, ne pensait pas que j’aurais un tel discours et a campé sur ses positions. Je voulais que ce soit du 50/50 mais il ne l’entendait pas ainsi, donc on a décidé de poursuivre notre route séparément.
C’est aussi ce qu’il s’est passé avec l’Alliance. Beaucoup de membres au sein même du crew avaient peur de mon talent, de mes textes et de mes performances scéniques… Tout le monde sait que j’admire Bounty Killer et que c’est mon artiste, mais plein de gens de son entourage ne voulaient pas me voir avec lui, car ils savaient que Bounty m’aimait bien. Quand je suis venu le voir avec mon titre From them dis, il l’a aimé, on l’a enregistré et ça a joué dans le monde entier. (il chante) "From them dis we, we no want know how, yo, send fi di things dem now…" Après ça, plein de gens sont venus voir Bounty en lui disant que j’avais dit ci et ça, mais je n’ai jamais rien dit de tout cela. Je n'ai pas ressenti le besoin de me justifier par rapport à ça et quand c’est arrivé aux oreilles de Bounty Killa, il l’a prit d’une certaine manière : j’ai reçu un coup de téléphone pour me signifier que je n’étais plus membre de l’Alliance. C’est pas comme si je m’étais levé en décidant de mon propre chef que je ne voulais plus en faire partie, j’ai reçu un coup de fil… Je n’ai jamais été irrespectueux envers Bounty Killer, à aucun moment. C’est juste des personnes qui ont jalousé ma complicité avec lui et le niveau qu’on allait atteindre avec l’Alliance. Ils ont réussi à me faire exclure de l’Alliance mais aujourd’hui, regarde où ils sont et regarde où je suis.
Au final, tu t’es rapproché de Vybz Kartel ? Vybz Kartel est un de ceux que j’ai rencontrés en premier, à l’époque où j’étais au studio avec Goofy aka Mr.G. Il est le premier à m’avoir encouragé, à m’avoir dit de persévérer avec mon style sans rien changer et qu’un jour je rencontrerai aussi le succès. Depuis cette période, on a commencé à trainer ensemble, il a commencé à m’inviter sur ses scènes. Quand il revenait de tournée de l’étranger et qu’il me voyait galérer, il m’a toujours donné un peu d’argent. Il a commencé à m’appeler sur ses shows, à inciter certains producteurs à m’enregistrer, certains selecteurs à jouer mes titres en soirée… Il m’a presenté à Bounty en lui disant que j’avais un flow de malade, on a commencé à être tous ensemble… Quand on m’a évincé de l’Alliance, je ne me suis pas plus rapproché de Kartel car on travaillait déjà ensemble avant. On traine et travaille toujours ensemble, la vie continue.
Que penses-tu de la polémique autour du contenu des textes dans le dancehall et de la violence qu’elle peut engendrer entre artistes? Certains sont perdus car au final, on est tous des musiciens, on chante pour faire plaisir aux gens, rien de plus, rien de moins… Tu as la musique pour la rue, le hardcore avec les textes sur les armes, les textes sur les femmes, les chansons culturelles… Nous, en tant qu’artistes, on est là pour satisfaire nos fans. Celui qui, sur scène, en vient aux mains, va trop loin, il franchit la ligne : il amène la guerre dans la musique et détruit l’industrie. Car au final, lorsque les américains ou les européens nous regardent, ils pensent que notre industrie est régie par la violence. Ça sent pas bon leur truc, j’aime pas ça personnellement… Moi, je suis sincère avec les gens. Ceci est un plaidoyer pour tous les artistes, gardez l’esprit musical, si vous ne chantez que des textes sur les armes, les gens vont penser que vous ne diffusez qu’un message de violence. Il faut être varié dans son approche musicale, faire plaisir à ton audience féminine, chanter des chansons culturelles pour diffuser un message pour les jeunes, comme ça si tu persévères avec des textes sur les armes, ce sera rien au final, ça ne représentera pas grand chose…
Les artistes doivent nettoyer leur textes car d’ici, c’est pas beau à voir. La Jamaïque est divisée en 14 paroisses et a plein de bonnes choses à nous offrir. Mais c’est le monde qu’on doit conquérir pour faire de la grande musique et gagner de l’argent, c’est à l’étranger qu’on a l’opportunité de chanter sur des scènes immenses comme Shaggy et Sean Paul, Sizzla, Bounty Killer, Capleton, Buju Banton ou Jr Reid… Après t’as des jeunes qui viennent sur scène pour se battre alors qu’ils devraient penser à atteindre le niveau supérieur et l’international. Notre musique est plus grande que la Jamaïque, il ne faut pas penser comme ça.
Tu t’es récemment retrouvé devant le tribunal pour des photos où tu posais avec des armes… J’aimerais bien en parler mais mon avocat me le déconseille avant que le verdict ne soit rendu. Tout ce que je peux dire c’est que ça n'a rien à voir avec tout ça, car je fais de la musique, rien d’autre… Le mauvais esprit est toujours actif, tu dois toujours regarder qui est autour de toi, être vigilant avec les amis qui t’entourent, c’est comme ça.
Quand va-t-on pouvoir entendre ton premier album ? Avant la fin de cette année, l’album sera fini. En tant qu’artiste, je ne me sentais pas encore prêt pour sortir mon premier opus. On fait du dancehall pour satisfaire le monde entier, on est allé aux Etats-Unis, dans toute la Caraïbe, en Amérique du sud, en Europe… On a pu voir différentes manières de vivre, différentes visions du monde, ce qui nous permet aujourd’hui de pouvoir préparer un album de niveau international afin de satisfaire le plus grand nombre. Maintenant je me sens prêt pour ça, c’est pour ça que tu me vois chez Stephen McGregor le boss, il créé ses versions et nous créons les textes. Je peux te garantir que d’ici la fin de l’année, mes fans pourront acheter un bon album et le réécouter encore dans 3-4 ans.
Ce sera uniquement des productions de Stephen McGregor sur son label Big Ship ? Ce sera majoritairement des productions avec lui. Comme tu as pu le voir, Stephen est un jeune qui a du respect et plein d’amour et c’est surtout un excellent musicien et un bon producteur qui a de très bonnes idées. Les autres producteurs de l’album auront une vision commune avec nous, comme ça on garde le contrôle dans le son, avec l’équipe, une idée commune, une direction pour aller dans le bon sens. Stephen est définitivement la bonne personne, c’est le génie, il connait maîtrise tous les paramètres.
Quelles seront les autres producteurs à mettre au crédit de ton album ? Il y aura Leftside bien sûr, Birch aussi… Nos aînés doivent y jouer un rôle, je me dois de travailler avec Steelie & Clevie, Sly & Robbie car tu dois savoir d’où ça vient pour savoir vers où il faut aller, ils doivent avoir un rôle dans l’ensemble. Ce sera un bon moment jamaïcain partagé entre nos aînés et les producteurs au top en ce moment qui ont la vision internationale et surtout le niveau de production, car c’est la chose la plus importante, mettre les bonnes instrus et trouver les bons sons qui vont avec, ce qui n’est le cas de tous.
Le titre Jail story fera partie de l’album ? Peut être, d’ici là j’aurai éventuellement un titre meilleur que celui là. Après Jail story c’est une histoire vraie, j’aime cette chanson donc ce sera sûrement un bonus de l‘album car je me dois d’inclure les titres préférés de mes fans en plus de mes exclusivités. Jail story c’est mon histoire, je chante ce que je ressens en tant que jeune, donc ce sera probablement l’un des bonus de l’album.
Jail story est sur une version hip-hop, peut-on s’attendre à des collaborations avec des rappeurs ? Définitivement, car tu sais qu’on est la banque de la rime et les boss du flow, on va chercher et trouver… J'aimerais beaucoup avoir Likkle Weezy (aka Lil’Wayne) parce qu’en fait il n’y a pas beaucoup de rappeurs qui peuvent faire des rimes comme les miennes et un flow comme le mien. En ce moment c’est vraiment Lil’Wayne le boss, son flow et ses rimes sont intelligentes. Tu as Jigga aussi (aka Jay-Z) mais il est un peu en retrait maintenant et il a plein d’autres choses à gérer, G-Unit autrement. Le mieux c’est Lil Weezy pour mon album, tant au niveau du phrasé que des textes. Après il y aura vraisemblablement Vybz Kartel, mon titre avec Bounty Killer bien sûr, j’aimerais bien Mavado car j’estime les bons artistes… Et J.O.P bien sûr ! Tu peux t’attendre à un bon album avec plein d’artistes, ce sera malade.
Un petit mot sur ta rencontre avec Krys ? Big up Krys… En fait après mon concert parisien, il est venu me voir pendant une séance de dubplate en me prévenant qu’il allait venir bientôt en Jamaique pour enregistrer un titre. Il est venu ici même dans ce studio (Big Ship, ndlr) et on a enregistré une combinaison de malade… Big up Krys, c’est un bon artiste et j’aime sa manière d’être.
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