Propos recueillis par : Maxime Nordez
Photos : Benoit Collin
le dimanche 13 mai 2007 - 11 526 vues
Peu connu dans l’hexagone, Avaran est un chanteur prometteur venu des Bahamas. Alors que son deuxième album solo est sur le point de voir le jour en France, le moment était idéal pour rencontrer Avaran que l’on retrouvera dans de nombreux festivals français cet été dont fin mai aux Zicalizes.
Reggaefrance / Peux-tu te présenter et nous expliquer tes débuts ? / Je viens d'une petite île des Bahamas. La musique parfois s'impose à toi. Ce n'était au départ pas prévu mais cela s'est produit. C'est la meilleure façon d'expliquer mes débuts. Professionnellement tout a vraiment commencé en 1996, 1997. C'est un sound system du nom de BININI aux Bahamas qui m'a donné ma chance. Je vivais à Miami à ce moment. Je chantais en sound, je faisais des specials et des dubplates qui m'ont permis de faire mes premiers enregistrements et de jouer en clubs. J'ai aussi joué avec le Cancer-Hi Power Sound System lequel tourne maintenant sous le nom de Cancer New Generation.
A part la musique, que voulais-tu faire de ta vie ? Quand Je suis arrivé à Miami je me suis inscris dans une école supérieure d'architecture. Mais la musique a vite pris le dessus.
Et quel âge as-tu ? Hein.. je n'ai pas trop envie de le dire. Autour de 25 ans ? C'est une bonne estimation, tant que tu ne me vieillis pas (rires)
Tu as donc commencé ta carrière professionnelle en sound system ? Oui ce sont les sound systems qui m'ont permis de rencontrer Karl Pitterson, c'est là que les choses se sont accélérées. Il a travaillé aux côtés de Bob Marley, Peter Tosh, Steel Pulse. C'est lui qui a produit mon premier album "Short Rope" en 1999. Karl Pitterson m'a toujours beaucoup aidé afin que je puisse exprimer mon talent. Karl est quelqu'un de bien. Je ne l'ai pas vu depuis un moment mais je dois passer chez lui bientôt.
Où as-tu enregistré ce premier album ? Short Rope a été fait en Floride, c'était le plus simple car Karl habite à Miami.
Comment te décrirais-tu en tant qu'artiste ? J'essaie d'être le plus humble possible. Je n'ai pas forcément besoin d'être entendu le plus possible dans le sens où je ne me considère pas particulièrement comme un porte-parole, d'autres personnes le font très bien. Chanter pour moi c'est... j'allais dire ma vie. Car j'ai attendu si longtemps que ce moment arrive. Quand j'ai commencé en 1996 et 1997 j'étais dans une société très particulière du nom de Meditation Records avec qui cela ne s'est pas très bien passé. Ils ne me traitaient pas comme ils étaient sensés le faire. J'ai donc quitté cette société en 2001. Cette histoire m'a perturbé et j'ai complètement arrêté de chanter. Je me suis ensuite reconstruit et j'ai décidé de reprendre les enregistrements en 2005. En 2006, je me suis rapproché du crew V.I Connection. C'est avec Neeko et le Rise Up Show que j'ai posé sur le Same Cry Riddim. J'ai aussi travaillé avec Russ D (Disciples), il m'a fait le titre Dreams Of Home qu'on trouvera sur mon prochain album que j'ai justement appelé "Dreams Of Home". J'ai aussi enregistré en Jamaïque le titre "Danger Zone" sur le Gunshot riddim. J'ai travaillé notamment avec Junior Lion, un ami producteur, sur une combinaison avec Luciano.
Tu n'es pas si connu mais as déjà tes liens avec la scène jamaïcaine, quels sont tes artistes préférés ? Luciano est un bon ami, je connais aussi très bien Freddie McGregor, Mikey General. Je connais en fait la plupart des anciens... Je dirai que Luciano est mon artiste préféré mais c'est un peu différent car je le connais personnellement. Je dirai la même chose pour Freddie McGregor ou Yami Bolo...
Certains disent que tu sonnes comme Garnett Silk... Ca fait un moment que j'entends ça ! (rires) Les gens aiment faire des catégories. Je trouve ça vraiment flatteur d'être dans la même case que Garnett Silk. C'était un chanteur génial donc c'est pour moi une critique positive.
Tu utilises des riddims de Bob Marley sur Five Miles et Highly Positionned , est-il une source d'inspiration pour toi ? Les chansons que tu évoques sont issues de mon travail avec Karl Pitterson et comme tu le sais il était très proche de Bob Marley. C'est quelque chose qu'il m'a transmis. J'ai aussi une chanson sur un riddim de Peter Tosh (il chante) You're an African... mais elle n'est jamais sortie. Meditation Records détient un album entier de moi qui n'est jamais sorti. Je ne sais absolument pas ce qui se passe de leur côté...
Tu as fait un break et a quitté la musique. Ton deuxième album n'est pas encore sorti. N'est-ce pas un peu frustrant après tout ce temps ? Il y a eu de la frustration. Mais j'ai passé ce temps à trouver les bonnes personnes avec qui travailler. Cela a été assez difficile. Tu peux avoir qui tu veux mais l'essentiel est de trouver la bonne personne, sinon tu perds ton temps.
Concrètement, comment t'es-tu mis en contact avec Neeko et le Rise Up Show ? Mon petit frère surfe sur internet. C'est un outil de communication magnifique. Je ne sais plus si c'est par hasard qu'il a contacté Neeko mais ils ont commencé à chatter en ligne. Neeko lui a dit qu'il cherchait un big artiste des Bahamas, il parlait de moi. Alors il lui a dit : "Mais c'est mon frère !" (rires)
Tu vas jouer prochainement aux Zicalizes, qu'attends-tu de cette première date française ? Ce n'est pas ma première fois en France mais c'est mon premier big show. La dernière fois que je suis venu, je n'ai pas joué. J'étais en tournée avec Michael Rose en 2000 et on a joué à Cannes pour le MIDEM. Il y avait Half Pint, Beres Hammond, c'est là que le link s'est fait avec Michael Rose. On a tourné ensuite en Allemagne, Belgique, Hollande puis aux Etats-Unis. C'était une bonne expérience.
Quel sera ton backing band pour cette date française ? Le Promise Band, nous travaillons sur les répétitions. C'est un bon groupe. Je sais de quoi je parle, j'ai joué avec de très bons groupes comme ceux de Lloyd Banks, le Messenjah Band, le groupe de Beres, Gumption Band ou les Robotiks quand je suis en Angleterre...
Qu'attends-tu du public français ? À ce que j'entends pour le moment, le public français aime la bonne musique. Les Français vont m'adorer, je sens que ce ne sera pas une expérience unique, cela se reproduira. J'aime beaucoup les Français et j'aime m'adresser aux gens bien. Cela devrait fonctionner !
Comment décrirais-tu ton message ? Mon message est nourri de positivité, d'amour, de solidarité envers les pauvres. Je me contente de dire la vérité et la droiture, truth & righteousness.
Es-tu un rasta ? On m'a posé cette même question aux Bahamas et, bien que j'avais très envie de ne pas y répondre, j'y ai répondu par l'affirmative. Soudain, un tabloïd s'en est emparé et a publié tout un article sur ma famille qui disait : "Regardez, ce mec est un Rasta alors que son grand-père était Révérend à l'église, son père aussi bla bla...». Je vis ma vie de manière positive mais je n'aime pas être étiqueté. Qui est rasta, bouddhiste, chrétien... Haïlé Sélassié lui-même a dit que toutes les religions devaient coexister en harmonie. Je vis selon les principes de Rastafari.
As-tu une date de sortie à annoncer pour ton album ? Pas vraiment, rien de définitif. On cherche un distributeur sérieux. Je sais que mon album tient la route. On y trouve Luciano, des prods de V.I Connection, Russ D, ma propre production Hungry Belly Records, des chanteurs jamaïcains... c'est un album international.
Peux-tu nous parler de l'activité musicale aux Bahamas ? On a plutôt peu de shows et d'événements reggae là-bas. Les seuls qu'on ait sont organisés par la fille de Rita Marley qui vit là-bas. Elles ont remis la maison de Bob en état, elles ont aussi lancé une chaîne d'hôtellerie. Il y a un show aux alentours de Noël et un autre fin mars. Ce sont des festivals regroupant plusieurs artistes. Il y a sinon d'autres concerts d'artistes seuls, Gyptian est venu récemment, mais rien de très important. Je trouve que l'île a incontestablement des progrès à faire. Personnellement, j'essaie de faire avancer le mouvement. Je pense vraiment qu'une seule personne suffit à emmener tout le monde. J'ai une radio en ligne sur Live 365 Roots FM, j'y joue de la musique des Bahamas, les gens pourront écouter....
Que penses-tu de l'activité reggae en France ? La France est une 'Big Place' pour le reggae ! Les Bahamas pourraient développer le même engouement mais cela ne peut être fait qu'à une échelle ridicule, celle des Bahamas. Le problème c'est qu'une ou deux personnes vont prendre les décisions, celles qui tiennent une station de radio. Ils jouent du Sizzla, des artistes jamaïcains, du hip hop toute la journée. Et, de source sûre, lorsqu'on leur apporte notre musique, ils la jouent une fois ou deux et laissent les disques prendre la poussière sur les étagères. Voilà notre lutte quotidienne. Cela ne m'affecte pas vraiment et ne fait pas partie de mes problèmes car j'ai la chance de pouvoir voyager. C'est très difficile pour les talentueux artistes locaux qui se retrouvent coincés dans une boîte. Dans les deux plus grosses villes, on compte 4 ou 5 stations de radios. La station principale "Clear Channel" à Nassau est spécialisée dans le hip hop US. C'est un combat de chaque jour...
Remerciements : V.I Connection
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