INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Benoit Collin
le mardi 08 mai 2007 - 17 381 vues
Depuis qu'on l'a rencontré il y a trois ans au Jamaican Sunrise, alors qu'il accompagnait Admiral T en tournée, le jeune Saïk a bien grandi. Ce jeune espoir du dancehall francophone, soutenu par Admiral T et Don's Music, le label de Don Miguel, qui l'a pris sous son aile, est à l'aube de la sortie de son premier album, composé exclusivement de titres inédits. Rencontre.
Reggaefrance / Tu sors ton premier album "Face à la réalité" cette semaine. Dans quel état d'esprit es-tu ? / Là je suis assez cool, mais je suis quand même un peu stressé pour la sortie. J'attends la réaction du public. Il y a une certaine attente, et j'ai tout fait pour qu'il ne soit pas déçu. J'attend les poings fermés la sortie. Je sais qu'on a bien bossé, depuis plus d'un an sur le projet.
Réaliser cet album avec l'équipe de Don's Music était évident pour toi ? Je travaille avec Don Miguel depuis mes débuts. Il était en liaison avec le KSS, donc je l'ai toujours côtoyé. C'est aussi une question de confiance. Pourquoi aller chercher midi à quatorze heures ? Je connais Miguel depuis longtemps. Il m'a déjà sorti sur plusieurs compilations.
Comment as-tu travaillé sur les productions ? Quelle équipe ? J'ai rencontré différents compositeurs : Scoreblaze, Frenchy m'ont fait du dancehall, Chin pour le rap,
Fasty, un jeune deejay qui travaille bien et qui m'a fait du crunk, Bost & Bim pour le reggae… J'ai fait appel à chaque compositeur pour un style précis.
Tu voulais donc donner plusieurs tonalités à l'album ? Chaque style de musique que j'ai essayé de toucher. Je voulais m'adresser à quelqu'un qui connaît bien le style. Je ne me suis pas centré sur une personne qui va me faire tous les styles. Là il y a diverses couleurs.
L'album s'appelle "Face à la réalité" : quels sont les thèmes que tu abordes ? L'album reflète mon univers avant tout. C'est mon premier opus, je voulais bien me représenter. Bien montrer aux gens le monde que tout le monde ne connaît pas. J'ai été élevé dans une cité assez chaude en Guadeloupe. Sur cet album je livre ma façon de voir les choses, je regarde autour de moi. Je suis face à la réalité, je parle des choses comme elles se passent.
Admiral T te rejoint sur un titre. Ca aussi c'était évident… C'est mon frère, ça fait un bon moment qu'on se connaît, je l'ai connu avant tout le monde.
Admiral T était souvent dans mon quartier, parce qu'il habitait pas loin. Quand on a commencé à chanter avec les potes, je suis allé le voir. On a commencé à voir quelques sessions. Admiral m'emmenait aussi parfois dans ses shows, ça m'a permis de faire mes débuts. Après j'ai fait des sound systems de mon côté. Admiral T est quelqu'un de très important pour moi.
Tu le considères comme un modèle ? Il est dans mes influences musicales. Sans parler des Jamaïcains, la personne qui m'a fait le plus mal à la tête c'est Admiral. Après il y a Sizzla, Buju Banton, Capleton, sont des deejays qui m'ont donné la rage.
On pouvait s'attendre à ce que tu sois sur son dernier album, "Toucher l'Horizon"… En fait on n'en a pas vraiment parlé. J'avais mon album qui sortait juste après, on avait déjà fait pas mal de combinaisons et j'étais déjà sur son premier album… Donc on n'en a pas vraiment parlé.
Tu as démarré très jeune. Comment a réagit ta famille quand tu as annoncé ton désir de faire de la musique ? Ma mère m'a toujours soutenu. C'est ce qui m'a donné une grosse force aussi. Elle me disait toujours : "tu fais de la musique à condition que tu travailles bien à l'école". Elle ne m'a pas empêché d'aller dans les sound-systems. Au fur et à mesure, les gens de la cité me reconnaissaient, elle a vu le côté positif de tout ça. Elle est même venue en sound system me soutenir.
Comment te positionnes-tu dans la nouvelle génération du dancehall francophone ? Je fais mon travail comme je le sens, et comme je le veux. Je n'ai pas de position, mais un rôle : il est de parler aux jeunes. Je ne suis pas un porte-parole pour les jeunes, mais je lances des messages, et représente quelque part la jeunesse de la Guadeloupe.
La campagne pour les présidentielles en France pourrait t'inspirer une chanson ? Oui, bien sûr. On est dans une société, dans laquelle c'est comme si on n'existait pas. C'est ce que je constate. On n'a pas le choix : on est obligé d'accepter ce qu'on nous donne. On nous dit de voter. J'incite tous les jeunes à le faire, parce qu'on a notre mot à dire. Mais actuellement les jeunes sont accusés de poser des problèmes, et tous les autres problèmes de société sont masqués par celui-là. On ne voit pas le manque de ces jeunes dans les cités. Il n'y a pas de communication, seulement de l'affrontement. Ce sont pourtant les jeunes qui vont faire le futur. Cette politique ne mènera nulle part.
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