INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Collin & Sébastien Jobart
Photos : Benoit Collin
le jeudi 12 octobre 2006 - 12 356 vues
Personnage excentrique, à part sur la scène dancehall jamaïquaine, Elephant Man s'inscrit typiquement dans le folklore insulaire. Issu du Scare Dem Crew aux côtés de Bounty Killer, Harry Toddler et Nitty Kutchie. Elephant Man mène depuis une carrière solo riche de succès. Après des mois de reports et d'annonces contradictoires, son nouvel album débarque chez Bad Boy Records, le label de Puff Daddy, plaçant Elephant Man à l'aube d'une nouvelle carrière internationale.
Il nous reçoit chez lui dans une des nombreuses villas qu'il possède dans Kingston. Nous pénétrons dans une superbe propriété avec piscine, dont la terrasse surplombe tout Kingston. Ses trois téléphones sonnent sans arrêt : des filles, évidemment, qu'il déplace un peu partout dans la capitale dans une série de rendez-vous en forme de jeu de piste. Il faut en plus surmonter le brouhaha du Rn'b déversé par sa chaîne et son volubile perroquet pour commencer l'entretien.
Reggaefrance / Qui t'as donné ton nom de scène ? / Le nom Elephant man vient de quand j'étais jeune, je grandissais à Seaview Garden. Shabba Ranks et mon ami Crack Skull m'ont donné ce nom. Quand j'étais plus jeune encore, ils m'appelaient Dumbo, à cause de mes grandes oreilles. Et puis après ils m'ont appelé Elephant Man.
Bounty Killer a joué un grand rôle dans ta carrière, comment l'as-tu rencontré ? Tous les membres du Scare Dem Crew vivaient à Seaview Garden. Moi, Bounty Killer, Nitty Kutchie... On est tous allés chez King Jammy. Puis Bounty Killer a percé, et il a décidé de monter le Scare Dem Crew. L'idée était que ce serait plus difficile de tous percer individuellement qu'en tant que crew. On a donc décidé de se lancer ensemble. C'était en 1993.
Ton style a été très influencé par Bounty. Qu'as-tu appris avec lui ? On a beaucoup appris en faisant les premières parties pour de gros événements, comme le Reggae Bash, le Sting, Champion in Action… Tous ces concerts.
Quand as-tu réalisé que tu pouvais mener une carrière solo ? Je l'ai su… La façon dont je chante, et ma personnalité plaisaient au public. J'ai su que je pouvais mener seul ma barque. Quand le Scare Dem Crew s'est dissolu, Harry Toddler a dit qu'il partait. C'est à ce moment là que j'ai su que je devais me débrouiller seul. J'avais déjà des chansons, des singles. Je savais que je pouvais me lancer sans crainte. Quand j'étais dans le Scare Dem, on faisait des concerts sans peur de l'échec.
Tu travailles toujours avec les membres du crew ? Yeah.
En 1999, tu as explosé sur la scène dancehall, avec un style nouveau. Comment le définirais-tu ? Je dirais que mon style est… "accrocheur". Je suis un deejay avec des mélodies entraînantes, des refrains accrocheurs. Je fais de la musique marrante, qui rend heureux. Je suis versatile : je fais des morceaux gangsta, du one drop, des chansons pour les femmes, des chansons chrétiennes, des bad mind songs, du hip hop… Je fais toutes sortes de chansons.
Tu as travaillé avec beaucoup de producteurs. Qui a le plus influencé ta carrière ? Je dirais Jammy's, et Steelie & Cleevie. Jammy's parce qu'il était le premier producteur qu'on a rencontré, dans son studio. Et puis Steelie & Cleevie. Et Sly & Robbie.
Beaucoup de tes chansons parlent de danse. La musique et la danse, c'est ce qui rend les gens heureux. C'est ce qui fait que la fête continue, que les filles se dessapent… Les gangsters ne veulent pas utiliser leurs flingues, ils veulent juste danser, comme tout le monde. C'est bon de voir tout le monde danser, les filles, les gangsters… Tout le monde s'amuse. Ces gens-là sortent du travail, ils ont eu une dure journée, et ils sont décidés à faire la fête. Ils ne veulent pas aller à des soirées où on entend des "gun songs", ils veulent "get jiggy". Tout le monde veut simplement s'amuser. Tant que la musique est amusante, c'est du tout bon.
Tu parles beaucoup de femmes dans tes textes, mais tu abordes aussi des sujets plus sérieux. La meilleure des chansons, pour moi, parle de danse, de filles et de gangsters. Quand je m'explique sur un sujet, je l'explique très bien. Tu as beaucoup de sujets : tu as les gangsters, les filles, et la réalité, tout ce qui t'entoure. Donc tu as plus d'un sujet à aborder, la souffrance, tout ça. Je ne vais pas te mentir et te dire que Elephant man est un "reality deejay". Faire de la musique amusante, c'est mon truc.
Sur scène, tu débordes d'énergie. Quand je monte sur scène, j'aime faire participer les gens au concert. Si tu ne fais pas ça, les gens restent juste debout à te regarder. Il faut que les gens te voient en sueur, qu'ils voient que tu vas au charbon, que tu travailles dur. Je suis Elephant Man, je grimpe aux montants, je saute, je me laisse tomber au sol, je soulève de grosses dames… : je fais beaucoup de choses sur scène !
Tu as fait une tournée l'année dernière au Japon avec Mighty Crown. Cette tournée a eu beaucoup de succès. J'adore le Japon, les gens là-bas me montrent beaucoup d'amour. Ils aiment les fous. Ils aiment les artistes qui ne se retiennent pas, et qui viennent faire un show de folie. Quand je suis allé là-bas pour la première fois, c'est ce que j'ai fait. Du coup j'y retourne régulièrement. Tous les Japonais veulent acheter ton disque quand il est dans les bacs. Il te faut donc continuer à sortir des hits.
Cela fait deux ans qu'on ne t'avait pas vu en France. Tu sais quand j'ai commencé à percer, quand j'ai fait "Pon the river", je n'aimais pas trop voyager. A ce moment-là j'étais plus sur les Etats-Unis, avec Lil' John, Janet Jackson et eux tous… J'essayais de profiter de cette opportunité car j'ai fait les BET Awards, j'ai fait les MTV Awards… J'ai été nominé pour le Source Awards, que j'ai gagné. Donc, j'étais tourné vers les Etats-Unis. Aller en Europe, à cette époque, n'était pas possible, parce que j'étais très occupé aux Etats-Unis, et je n'aurais pu me libérer que quelques jours. Mais je ne veux pas aller en Europe pour deux jours, je préfère y aller pour deux semaines. Parce que j'aime les Européens. Les Européens sont comme les Japonais. Ils adorent Elephant. Donnez-moi un public d'un million de personnes et je vous vais vous bouger cette putain de foule ! Quand, je reviendrai un Europe, ça va tout casser.
Parlons de ton nouvel album, chez Bad Boys Records. Avec Puff Daddy, et les filles de Pussycat Dolls, on vient de finir le remix sur le premier single. Maintenant, j'ai encore deux morceaux à finir, dont un avec moi et Puffy, qui sera le premier single.
Quand l'album sortira en février ou mars ce sera dingue. On va changer le nom de l'album. Il devait s'appeler "Over The Wall", mais c'était quand j'avais signé avec Def Jam. Finalement je suis chez Bad Boys. Je n'ai pas encore trouvé le titre pour le moment, mais j'aimerais l'appeler "Global" ou "Globally" ou quelque chose du genre. Ca va venir. Il y a plein de gens autour de nous dans l'industrie musicale qui connaissent la musique. Willie Daniel s'est occupé de mes affaires aux Etats-Unis. Il sait ce qu'il fait, il va trouver un titre pour l'album. J'ai besoin d'un nom que les Jamaïcains connaissent et utilisent. Comme Good to go, bullett, sick mad, une de ces expressions que tu utilises tout le temps.
Tu as d'autres projets ? J'ai beaucoup de projets, beaucoup de chansons. C'est la folie en ce moment. L'année 2007 sera folle. J'aurai beaucoup de travail aussi. Je serai partout dans le monde pour promouvoir la sortie de l'album : en Europe, au Japon… Par ce que tu sais, Puff Daddy, la seule chose qu'il répète sans arrêt c'est "Elephant, j'espère que tu es prêt à travailler". J'ai intérêt à me mettre au travail dès maintenant, en Jamaïque, parce que je vais avoir beaucoup de travail pendant très longtemps.
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