INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Benoit Collin
le samedi 15 juillet 2006 - 7 609 vues
Trio, puis duo, et de nouveau trio, chaque fois avec des membres différents, l'histoire des Pioneers est mouvementée. Cette formation célèbre de la période rocksteady, qu'elle a marqué de l'empreinte de son hit Long Shot, a traversé le temps malgré les péripéties. Après une riche carrière internationale, les Pioneers se produisent désormais en duo, avec George Agard et Jackie Robinson.
Reggaefrance / L'histoire des Pioneers est faite de séparations et de reformations… / Jackie Robinson : The Pioneers est d’abord un groupe de cinq personnes avec Derrick Crooks, Sidney Crooks, Glen Adams et Winston Hewitt. Aux alentours de 1967, le groupe s’est séparé et chaque membre est parti de son côté hormis Sidney Crooks. Moi-même, Jackie Robinson, j’ai rencontré Sidney Crooks en enregistrant pour le label Almagamated (Joe Gibbs ndlr), au studio West Indies qui est maintenant connu sous le nom de Dynamics Studio. Il m’a dit qu’il avait fait partie des Pioneers et qu’il voulait remonter le groupe. On s’est donc groupé en duo et on a enregistré des titres comme Give me a little loving, Long shot buss mi bet, Jackpot, Catching beat et toutes ces chansons ont été des hits en Jamaïque. Nous connaissions George parce que Kingston est une petite ville : il était à Beverley’s records. On lui a donc demandé de nous rejoindre pour former un trio.
George Agard : Oui, j’étais sur Orange street, chez Beverley’s avec Desmond (Dekker ndlr), Derrick Morgan et d’autres artistes qui attendaient pour enregistrer. Ils m’ont demandé de rejoindre le groupe et j’ai accepté car j’avais des chansons et j’attendais en vain pour enregistrer. Nous avons donc décidé d’enregistrer nous-mêmes nos propres chansons. Le problème est que nous n’avions pas d’argent pour les sortir. Je me rappelle avoir marché d’un endroit à l’autre avec les bandes. Je suis allé chez Federal où j’ai réussi à voir Leslie Kong. Il m’a ramené en voiture sur Orange street, il a pris les bandes et nous a remboursé l’argent de l’enregistrement. La chanson a été numéro un à la radio. C’était en 1967.
Jackie Robinson : Puis nous avons continué à enregistrer pour Beverly’s records et en 1969 nous avons eu l’idée de sortir une chanson sur une course de chevaux : Long Shot kick de bucket.
Justement, quelle est l’histoire de cette chanson ? George : C’est vrai. Tout ce qui est dit dans cette chanson est vrai.
Jackie : Nous avons écrit cette chanson qui parle d’un cheval de course appelé Long Shot (les courses de chevaux ont toujours été très populaires en Jamaïque, Long Shot le fut particulièrement mais mourut en plein course à Caymanas Park, ndlr). Quand cette chanson est sortie, elle est devenue un hit énorme en Jamaïque. Elle est sortie dans le monde entier mais en Angleterre surtout, elle faisait partie des cinq premières chansons de reggae à avoir du succès là-bas. Il y eu Israelites de Desmond Dekker, Liquidator (Dennis Alcapone), Wet dream (Max Romeo), Jungle (The Maytals) et Long Shot. Elle a fait partie des cinq premières chansons à introduire le reggae en Angleterre. La chanson est également entrée dans les charts pop. En 1969, nous sommes donc partis en Angleterre pour une tournée de six semaines, qui s’est transformée en tournée de 20 ans puisqu’à chaque fois que nous jouions quelque part, on nous reprogrammait. Nous avons donc joué dans le monde entier, notamment au Moyen-Orient et au Japon (en 1975 ndlr). En 1971, nous avons enregistré une chanson de Jimmy Cliff qui s’appelle Let your yeah be yeah qui est arrivé numéro cinq dans les charts nationaux, puis une autre qui s’appelait Give and take qui est entrée également dans les charts. Nous continuons donc de tourner jusqu’aujourd’hui où nous sommes sur une tournée européenne : nous étions hier au festival de Dour en Belgique et avant-hier à Coventry.
Entre temps, Leslie Kong avait sorti l’album ‘‘Long shot’‘… Jackie : Je ne voudrais pas dire de mal de Leslie Kong, qu’il repose en paix, mais quand il disait qu’il produisait une chanson cela voulait juste dire qu’il était le financier. En réalité, la production était faite par les artistes et les musiciens eux-mêmes.
George : Cela se faisait dans le studio. Bien sûr, si Leslie Kong n’aimait pas quelque chose, il le faisait savoir mais comme le dit Jackie, la production se faisait en réalité dans le studio entre les chanteurs et les musiciens.
C’est comme cela que marchait le business à l’époque ? Jackie : Tout à fait. C’était partout comme cela.
Aujourd’hui, vous avez joué deux morceaux de Desmond Dekker. Quelles étaient vos relations avec lui ? George : Nous étions tous deux chez Beverly’s. Nous enregistrions dans le même studio. On travaillait ensemble tous les jours de la semaine et le week-end on sortait à la plage par exemple. Comme une famille.
Jackie : Nous avons tourné avec lui, chanté avec lui sur scène, fait des harmonies pour lui en studio. Il est mort récemment et cela faisait plus de 40 ans que nous le connaissions.
Vous a-t-il inspiré ? George : Oui, c’est certain.
Jackie : Il était une des premières superstars du reggae mais comme nous avons commencé à chanter au même moment, je ne dirais pas qu’il m’a inspiré. C’était un contemporain.
George : Moi, il m’a inspiré parce que je me rappelle qu’on répétait ensemble. J’étais au piano et je chantais avec lui, j’étais encore jeune. Je me rappelle qu’il répétait 007 et depuis le premier jour, cette chanson est un hymne. Avant même qu’elle ne soit enregistrée cette chanson était déjà un hit ! Nous l’avons répété tous les jours, avec son groupe, les Aces.
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