INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Benoit Collin
le vendredi 04 août 2006 - 8 698 vues
Plus connu en Europe comme le partenaire de Sugar Minott au sein du groupe The African Brothers, Tony Tuff n'en est pas moins un chanteur apprécié en Jamaïque, avec son palmarès de hits. Son passage en France avec Soul Syndicate à l'occasion du Ja'Sound 2006 offrait une occasion de revenir avec lui sur une longue carrière, plutôt discrète.
Reggaefrance / Bienvenue Tony Tuff. Quels ont été tes premiers pas dans la musique ? / J'ai toujours été influencé par la musique des dancehalls depuis mon plus jeune âge. J'avais l'habitude de me cacher et d'aller aux danses le soir. C'est à partir de là que j'ai commencé à traîner avec des musiciens. Dès que je rencontrais quelqu'un en train de jouer, je m'arrêtais et commençais à discuter. Enfin, j'ai finis par aller dans les studios. C'était bien avant le groupe African Brothers.
Quels studios fréquentais-tu ? J'allais au studio de Prince Buster, Treasure Isle, Studio One, le studio de Rupie Edwards ou Success J'y allais surtout pour passer des auditions.
Comment as-tu rencontré Sugar Minott avec lequel tu as monté The African Brothers ? En fait, Sugar et moi nous venions du même quartier. J'étais souvent au coin de Delacree Road et de Delamar Avenue (coin plus connu sous le nom de Tony Martin Corner ndlr) en train de jouer de la guitare. Il faut savoir que Sugar est plus jeune que moi. Comme il connaissait ce coin, il venait m'écouter: il avait comme moi cet intérêt pour la musique, on s'est donc mis à deux pour répéter, jusqu'à ce que Derrick Howard arrive et qu'on forme The African Brothers. Mais Sugar et moi avions déjà commencé à travailler ensemble avant.
Tu es aujourd'hui en France avec Soul Syndicate. Comment t'es tu retrouvé à travailler avec ce groupe ? Tu n'as pas vécu à Greenwich Town… Non, je les ai rencontrés toujours au même coin de rue après qu'ils aient quitté Greenwich Farm. J'ai fais la connaissance de quelques uns des musiciens et nous avons commencé à répéter ensemble. Nous nous sommes même produits au Sunsplash avec Soul Syndicate mais notre relation a commencé à côté de chez moi, toujours à ce coin de rue.
Ta vraie période dorée remonte à la fin des années 70 et au début des années 80 lorsque tu passes de Channel One au label Volcano de Junjo Lawes. A cette période, j'enregistrais chez Channel One lorsque j'ai été approché par Junjo Lawes. Il était ambitieux et m'a contacté pour que j'enregistre pour lui. Nous avons fait de bonnes chansons et des gros hits. Mais à la même époque, j'avais déjà des hits chez Channel One avec les Roots Radics, j'étais musicien depuis longtemps. Je te disais que j'avais bossé pour Prince Buster et Treasure Isle mais j'ai aussi enregistré pour eux même si ce n'était pas en solo. J'avais un frère du nom de Patrick Ally et nous avons enregistré à Treasure Isle, en tant que groupe.
D'un autre côté, tu officiais aussi auprès de Vivian Jackson (Yabby You). J'ai rencontré Yabby You un peu par hasard dans mon quartier mais pas sur le même coin de rue cette fois. Nous avons commencé à travailler ensemble: comme je suis guitariste, j'ai été répéter pour Yabby You. Puis j'ai travaillé également sur ses chansons, composant, arrangeant, ajoutant un mot ici ou là. Je m'occupais enfin des auditions: j'écoutais les chanteurs qui se présentaient. J'ai par exemple auditionné Michael Prophet que j'ai présenté ensuite à Yabby You.
Grâce à cela, tu peux partir enregistrer en Angleterre… J'ai fait quelques projets en Angleterre, mais surtout un album enregistré dans les studios d'Island. Mais cet album n'a jamais été vraiment exploité, pour plusieurs raisons. D'abord Island avait beaucoup d'autres projets, donc l'album n'était pas prioritaire. Nous avons quand même fait cet album avec King Sound dans les studios anglais de Island.
Un de tes succès de l'époque, Flat foot hustling, s'apparente à des conseils que tu donnes aux jeunes des ghettos. Peux-tu nous expliquer de quoi traite ce morceau ? A l'époque, la vie était rude pour les jeunes des ghettos et cette situation faisait que beaucoup d'entre eux se tournaient dans la mauvaise direction. Ce morceau voulait dire qu'au lieu de se tourner vers le crime, il était possible de se débrouiller pour planter, pêcher ou autre et vendre. C'était un morceau pour encourager les jeunes à rester sur le bon chemin, un éloge à la débrouillardise.
Comment as-tu accueilli les débuts du reggae digital ? Sans problème. Tu dois être flexible pour rester dancehall. Si les temps changent et que tu ne changes pas avec eux, on t'oublie.
A cette époque, tu t'es retrouvé à enregistrer pour Jammy's notamment. J'ai enregistré beaucoup de chansons pour lui. Certaines ne sont même pas encore sorties. Mais avant qu'il ne devienne si important avec son propre studio, Jammy's travaillait chez Tubby's. J'avais l'habitude d'enregistrer des harmonies pour lui : s'il avait une chanson et qu'il lui manquait deux, voire trois parties d'harmonies, je les enregistrais à moi seul. C'était comme cela que je mettais un peu de beurre dans les épinards à cette époque car les temps étaient durs.
Plus récemment, tu apparaissais sur un album de Zenah Music en tant qu'African Brothers avec Sugar Minott. C'est Sugar Minott qui t'a contacté pour ce projet ? Oui, il est venu me trouver en Jamaïque avec les chansons et nous les avons enregistré là-bas.
Quelle est ta situation aujourd'hui ? As-tu des projets ? Je me suis récemment lancé dans une sorte de programme de rajeunissement car je me sentais diminué physiquement. Je commence à me sentir mieux, plus fort. J'ai un nouvel album que j'ai enregistré pour des producteurs allemands. Il devrait sortir prochainement et ce sera l'occasion d'une tournée. Je me sens à nouveau fort et prêt, je suis relancé !
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