INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Ludovic Perrin
le mardi 21 février 2006 - 10 295 vues
Depuis la période dorée des années 70, qui les a vu enchaîner les hits (Right time, have mercy, i need a roof…) les Mighty Diamonds ont traversé les décennies en les ponctuant de hits réguliers. La sortie de leur décevant nouvel album, "Thugs in the street", coïncidait avec une tournée française qui a permis non seulement de constater leur forme scénique, mais aussi leur notoriété, parfaitement intacte. Seul trio vocal jamaïcain à évoluer encore dans sa formation originale, Donald “Tabby” Shaw, Fitzroy "Bunny" Simpson, et Lloyd “Judge” Ferguson ont encore l'envie des débuts.
Reggaefrance / Dans le film "Rockers", on vous travailler dans une forge. / Judge : En fait, c'était une ferronnerie. C'était l'atelier de Bunny, il est soudeur de profession. Tabby également. Quant à moi, en ce temps là, j'étais officier de police.
Vous avez travaillé comme cela jusqu'à quand ? Bunny : J'ai travaillé dans cet atelier jusqu'en 1975. On a du démissionner parce que tu ne peux pas servir deux maîtres à la fois ! (rires). Tu dois rester avec celui que tu préfères.
C'est comme cela que vous vous êtes rencontrés ? Tabby : On vivait dans le même voisinage. On allait à la même école, quand on était petits. On n'était pas du tout dans la musique à l'époque. Ensuite, nous avons arrêté l'école et nous avons commencé au coin de la rue. Puis j'ai rencontré Judge, et on a continué comme ça.
Quand on entend vos harmonies vocales, on se dit que vous avez écouté beaucoup de soul. Tabby : Oui ! (rires) on a écouté beaucoup de R n' B : Stylistics, Manhattans, Spinners, Judge : Mighty Sparrows, Temptations, Diana Ross et les Supremes… Bunny : Les Wailers, les Heptones, les Gaylads… Tabby : Ken Boothe, Alton Ellis… Des icônes qui étaient là avant nous. Tu as tellement d'artistes dont je ne me rappelle pas… le regretté Slim Smith, Pat Kelly, Toots & the maytals… Il y a tellement de chanteurs qu'on écoutait. Desmond Dekker & the Aces… et encore plein d'autres.
On ne connaît pas beaucoup vos chansons d'avant Channel One. Tabby : La première chanson, c’était Girl you’re too young, sur le label Success de Rupie Edwards. On a sorti une chanson sur Soul Cole, le label de Stranger Cole qui s'appelait Oh no baby.
Judge : On a fait Shame and pride pour Pat Francis.
Bunny : Et on a fait notre premier numéro à Channel One. C’était Right Time, I need a roof, Have mercy, Africa… Et la liste continue comme ça. Ce LP était un champion !
Comment vous êtes-vous retrouvés à Channel One ? Bunny : Channel One était une bonne école. Tout a changé quand on a été signés chez Virgin. Et Virgin ne voulait pas qu’on fasse d'autres choses à côté. Ils voulaient nous garder pour eux, et ça a un peu fait foirer le truc. Quand Virgin a commencé à nous enregistrer, à nous emmener à New-Orleans pour y expérimenter un nouveau type de musique…Les choses ont mal tourné.
Tabby : Ce nouveau son, ils n’étaient pas prêts pour ça. Et puis on avait déjà nos chansons.
Judge : On a essayé de nous faire changer de musique, ce qui n’a jamais été bon pour les Diamonds. Mais nous sommes si résistants… c’est pour ça qu’on est toujours là, trente ans après ! Et on va montrer au monde que we ah de man (rires).
Vous avez beaucoup travaillé avec Gussie Clarke. Bunny : On a fait quatre albums avec Gussie Clarke. C'est une autre étape. C’était bien mais… tout doit être bon, pas seulement les chanteurs. La partie business aussi doit être bonne.
Et vous n’étiez pas satisfaits financièrement avec Gussie Clarke ? Judge : Disons que la production était bonne mais que les gains étaient mauvais. (Rires)
C'est pourtant un pallier dans votre carrière avec notamment Pass The Kutchie. Ce titre a d'ailleurs été repris par le groupe Musical Youth, mais en changeant complètement les paroles… Comment vous avez réagi ? Judge : Ils ont changé les paroles, ce qu’ils ont fait c’est qu’ils ont changé « kutchie » en « dutchie » (rires). « Kutchie », c’est une pipe pour fumer l'herbe, alors que « dutchie » c’est un récipient pour préparer à manger. Ils voulaient atteindre le marché international.
Gussie Clarke a ouvert son propre studio et s’est lancé dans le reggae digital. Vous êtes rapidement passés à ce nouveau son. Peu de groupes des années 70 l'ont fait… Judge : Nous ne sommes pas des premiers venus, c'est pour cela qu'on s'adapte bien au fil des ans. On est capable de chanter sur n'importe quel type de musique. Que ce soit du calypso, reggae, ou soca…
Finalement vous avez eu des hits dans chaque période musicale. Comme par exemple Heavy Load… Bunny : Et c’est pour ça que Judge dit : "on ne fait pas de figuration". Nous sommes comme une ancre… D'ailleurs, nous avons beaucoup de musique que nous n'avons pas sorti, que nous gardons pour nous. Et nous ne la donnerons à personne d'autre, parce qu'il y a aussi la partie business. C'est à nous de nous en occuper, à personne d'autre, pour montrer au monde que "we are the man, the man with a plan".
Vous avez un nouvel album. Judge : Il s'appelle "Thugs in the street". C’est un très bon album. Il est comme quand on a fait « Right Time ». C'est comme si on était retournés devant le tableau, et on a peint une autre toile.
Ce sont de nouvelles chansons, de nouveaux textes même s'il y a quelques anciens riddims.
Bunny : Aucune des maisons de disques ne te laisse aller dans ta direction. Nous avions des bons morceaux mais le business s'est toujours révélé être mauvais pour nous.
Maintenant les Mighty Diamonds veulent être impliqué dans la partie business. Ca ne nous a rien apporté de bon, alors ont veut reprendre les commandes et naviguer dans la direction que nous voulons.
Et quelle est cette direction ? Bunny : En haut ! Tout droit vers le sommet, et rien d’autre. On va montrer au monde qu’on peut le faire. Parfois il y a des zones brumeuses, mais à un moment tout se dégage et tu peux continuer ta route en y voyant clair.
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