INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Karl Joseph
le lundi 24 octobre 2005 - 14 246 vues
Son dernier album tout juste disponible, Shaggy était en France pour le soutenir dans une grosse tournée promotionnelle. Pas de scène mais plusieurs plateaux télé : après avoir chanté avec les apprentis de la Star Academy, il s'est rendu à la "Méthode Cauet". L'un des plus gros vendeurs de disques (et également vétéran de la guerre du Golfe), se révèle sans complexe face au succès et l'argent.
Reggaefrance / On t'a vu à la Star Academy, une émission très connue ici… C'est la raison de ta présence en France ? / Je suis en France pour la promo de mon dernier album, "Clothes Drop". Shaggy n'est pas un artiste dont tu vas entendre parler dans les tabloïds. Tu entends parler de Shaggy quand il sort un nouvel album. J'ai un nouvel album, et je suis là pour en faire la promotion, pour le faire savoir au monde, à mes fans à ceux qui sont là depuis le dernier album ou ceux qui me suivent depuis 15 ans. Faire savoir à tous ces gens que j'ai un nouvel album. You know how passionate i'm about it. C'est pour ça que je fais toutes ces interviews.
Que penses-tu de ce genre d'émissions ? C'est du bon divertissement.
Pas seulement, c'est aussi un nouveau business… C'est un business pour eux, et pour moi c'est du divertissement. Les artistes crédibles, véritables, ne se construisent pas en une nuit. On ne devient pas artiste avec l'opinion du public, des gens qui appellent et qui votent. Mais ça peut être une catapulte, pour ainsi dire, vers la reconnaissance. Il y a peut-être quelques artistes véritables qui luttent depuis longtemps et qui veulent que leur talent soit vu. Ils voient ça comme un tremplin. Après ça, leur tâche est de faire leurs preuves. Tout le monde peut avoir ses quinze minutes de gloire. Mais qui peut en faire une carrière ? Cette course est une course de fond, pour ceux qui ont de l'endurance.
Et comment c'était ? Comme je te l'ai dit, c'est du divertissement, ça fait partie de la promotion. Ces gosses ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Je ne pense pas qu'ils aient été particulièrement bons. Je dis ça parce que Wasn't me ou une autre de mes chansons doit être difficile à chanter pour eux, parce qu'ils sont Français. L'accent est un point important, et le type de mélodies est un peu difficile ici et là. Ils ont fait de leur mieux. La plupart sont encore jeunes. Plus tard, ils feront leur musique, ils créeront leur langage. Mon truc n'était pas fait pour eux. Pour être honnête, ce que j'ai entendu pendant qu'on chantait, était très éloigné de l'original. Mais ils ont donné leur interprétation.
Si ces émissions avaient existé, y aurais-tu participé ? Non, ce n'est pas le rôle que je voulais. Certaines personnes font de la musique pour la célébrité qu'elle te donne. Ils voient ça comme une carrière. La musique était pour moi un hobby. C'est un hobby qui a échappé à mon contrôle. Ce n'était pas prémédité. Je n'ai jamais rêvé de devenir artiste.
De quoi rêvais-tu alors ? Quand j'étais petit, je rêvais de devenir pompier ! La musique n'était pas ce qui me faisait rêver. En grandissant, j'ai commencé par aimer la musique, puis adorer la musique, puis faire de la musique comme un hobby, et puis j'ai commencé à enregistrer des disques, faire des hits. Et puis un jour les gens commencent à venir te voir dans la rue… Et tu n'as rien fait pour.
A 18 ans, tu suis ta mère à New York et après deux hits, Big up et Mampie, tu pars à l'armée… Non, en fait j'ai enregistré ces chansons pendant que j'étais à l'armée. J'allais à New York pendant le week-end, je faisais le trajet en voiture depuis la Caroline du Nord, et puis je retournais à la caserne. En fait, Oh Carolina aussi a été enregistrée pendant que j'étais à l'armée. Mais elle est sortie après que j'en soit parti.
Tu t'es engagé dans l'armée ? Je me suis engagé. J'étais à New-York à l'époque, à faire du reggae. Et ce n'était pas très lucratif. Et je devais payer mes factures… J'ai été viré de tous les autres boulots que j'avais faits, parce que je me levais trop tard, ou que j'en avais marre… J'ai fait des jobs stupides, j'ai même travaillé chez Baskin Robbins (ndlr : un glacier) pendant une journée. Donc je me suis engagé dans l'armée, je pouvais gagner ma vie… et je ne pouvais pas me faire virer !
Et puis la Guerre du Golfe a éclaté… Oui, j'ai fait la Guerre du Golfe. J'étais dans l'artillerie, sur le front.
Après Oh Carolina, la reprise des Folkes Brothers , il y a "Boombastic", qui gagne un Grammy. C'est avec Boombastic que j'ai réalisé que c'était énorme. C'est la première chanson de reggae a être entrée directement n°1 dans les charts britanniques. Et la première fois qu'un artiste reggae avait deux titres dans le top 5 au même moment, sur plusieurs continents. Boombastic et Summertime.
Comment as-tu réagi à ce succès ? Je n'ai jamais eu de problème avec le succès, je n'ai pas changé, et je ne changerai pas. Je ne me suis pas assis en disant : "mon dieu, la pression est sur moi".
Mais après "Midnight Lover" qui ne réédite pas ce succès, Virgin te lâche pour signer Beenie Man… Non, je ne dirais pas ça. Je pense que Virgin n'a pas été très réglo dans cette affaire. Moi et Maxi Priest, on était des hit-breakers. Ils ont gagné beaucoup d'argent. Ils traitent le reggae comme la plupart des gens : c'est la saveur du moment. Ils se sont dits qu'aucun artiste reggae ne pouvait faire carrière. Pour eux, le seul à l'avoir fait, c'était Bob Marley, et il était mort depuis un moment.
C'est comme un chewing-gum. Tu le mâches et puis tu le recraches quand tu veux un nouveau goût. Avec "Midnight Lover", on n'a pas eu de n°1. Ils ont entendu parler de la nouvelle saveur du moment, Beenie Man, et ils l'ont signé. Je leur ai prouvé qu'ils avaient tort. Qu'un artiste reggae pouvait faire carrière, et une belle.
Tu dois probablement savoir que Sean Paul a battu des records ces derniers temps. Oui, tout le monde a de bons contrats et de belles ventes. C'est la première fois que des maisons de disques donnent des budgets aux artistes reggae. C'est du business, et avec "Hot Shot", ils se sont rendus compte que les artistes reggae pouvaient vendre des disques.
Que peut-on attendre sur ton label, Big Yard ? Des gens comme Kiprich…. Dont je viens de sortir le nouvel album (ndlr : Outta road) mais aussi Brian & Tony Gold.
Tu penses à te consacrer à la production de jeunes artistes plus tard ? Non, pas du tout. Je veux aller sur une plage et claquer tout l'argent que j'ai gagné.
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