Article
Date de mise en ligne : jeudi 02 juin 2005 - 57 707 vues Capleton annulé : la trève a disparu
Trois concerts de Capleton annulés pour le "caractère violent et homophobe" de certaines de ses chansons, un effet boule de neige à craindre, et ce juste avant la tenue des festivals cet été... Mais où donc est passée la trève ?
Début février était signé un accord entre les labels reggae majeurs (VP, Jet Star et
Greensleeves), et les associations de défense des droits des homosexuels (J-Flag et
Outrage). A l'époque, le reggae pousse un soupir de soulagement : avec la fin de la
campagne "Stop Murder Music", les artistes ne devraient plus être menacés
d'interdiction de concert, puisqu'ils renoncent à tenir des propos homophobes à la
fois en studio et sur scène. De son côté, Outrage, par la voix de son président
Peter Tatchell, se réjouit : « les chanteurs peuvent faire des concerts, les fans
peuvent voir leurs idoles, et les homos ne seront plus insultés », n'hésitant pas à
parler de « premier pas vers la restauration du "One Love" de Bob Marley ».
Pourtant, trois concerts de Capleton ont été annulés en une semaine en raison du
"caractère violent et homophobe" de certaines de ses chansons. C'est la Cartonnerie,
à Reims, dont le président est également adoint au maire, qui a ouvert les
hostilités le 19 mai dernier en annulant la date prévue le 18 juin. Et qui aurait,
avec l'appui des associations locales de défense des droits des homosexuels, fait
pression sur l'Aéronef à Lille où un concert de Capleton était programmé le 8 juin,
puis annulé. Les raisons avancées sont les mêmes : « Le caractère violent et
homophobe des propos tenus par Capleton (...) est contraire aux valeurs de
tolérance, d'ouverture et de respect de l'autre que nous défendons», explique la
direction de l'Aeronef dans un communiqué. Depuis, Clermont-Ferrand les a rejoint.
L'annulation de Toulouse, contrairement à ce qui a été écrit, n'a rien à voir avec
toute cette affaire : elle est liée à l'impossibilité de trouver des horaires
d'avions adaptés pour que Capleton puisse donner son concert ce soir-là.
"Annulation préventive"
Or Capleton, pour l'heure toujours chez VP (signataire de la trève), est tenu par
cet accord. Pourquoi, dès lors, préférer une "annulation préventive" à son
application ? Pourquoi interdire le concert si on peut autoriser Capleton à se
produire tout en proscrivant ses chansons à caractère homophobe, comme le stipule
très clairement l'accord ? D'où une question inquiétante : les associations locales
de défense des droits des homosexuels était-elles au courant de la trève signée en
février ? Visiblement non, en dépit du caractère international de cet accord dont se
réjouissait publiquement Peter Tatchell. A Médiacom, le tourneur de Capleton, on
regrette qu'aucune négociation n'ait été possible. « Ils ont même refusé de nous
rencontrer, déplore Jamal, responsable technique. On voulait les inviter au concert,
pour leur montrer qu'il n'y avait rien de répréhensible dans son show. »
Seule une association de Bretagne, Actions Gay LBTH, s'est manifestée : elle n'a pas
l'intention de réclamer l'annulation des concerts de St Brieux et de Brest/Guipavas.
Au contraire, elle tient même à y assister pour constater elle-même le déroulement
des shows. (Ce qui n'empêchera pas la date de St Brieuc de disparaitre du planning.
Coïncidence ? Les quatres salles à avoir annulé le show sont toutes subventionnées.)
Un bien maigre résultat, alors que Mediacom s'était fendu d'une attestation
certifiant que Capleton ne proférait aucun propos homophobes, en chansons ou en
paroles, dans ses concerts européens. Le 8 mai, il était en concert à Londres :
rien à signaler, selon nos informations. Idem pour Beenie Man, en concert le 20 mars
dans la capitale anglaise, et félicité à la télévision par Peter Tatchell.
La suite se réglera sur le terrain juridique. Face à ces annulations qui trahissent
surtout une méconnaissance grave du dossier de la part des associations françaises
de défense des droits des homosexuels, Mediacom a obtenu du Tribunal de Grande
Instance de Reims une ordonnance qui l'autorise à assigner REMCA, société gérant la
Cartonnerie. Une procédure judiciaire concernant la date de Lille est également en
cours. Mais d'autres dates sont encore menacées : l'Interassociative Lesbiennes,
Gaies, Bi et Trans (l'Inter-LGBT) a demandé à Daniel Colling, directeur du Zénith de
Paris, de "ne pas accepter les débordements de haine" de Capleton et d'annuler le
concert du 26 juin. Une intention soutenue par Bertrand Delanöe, le maire de la
capitale, qui lui aurait écrit une lettre en ce sens.
Article écrit par Sébastien Jobart
Tags : Capleton (135)
|
|
|
|