Focus
Date de mise en ligne : lundi 23 août 2004 - 41 376 vues La communauté gay Vs Reggae Stars
Le feuilleton dure depuis plusieurs mois et commence à prendre de l’ampleur. La communauté gay, au niveau international, a déclaré la guerre aux chanteurs jamaïcains fichés pour leurs lyrics homophobes. Sont concernés : Buju Banton, Beenie Man, Elephant Man, TOK, Capleton, Spragga Benz et Bounty Killer.
A l’heure actuelle, les organisations de défense des droits homosexuels surveillent les sorties dancehall afin de s’assurer de l’absence de discrimination. Selon le groupe J-Flag (Jamaican Forum for Lesbians, All-sexuals & Gays), la diffusion de morceau comme Boom Bye Bye a participé à la montée des crimes homophobes dans l’île. Début juin, le leader gay le plus influent de Jamaïque, Brian Williamson, était retrouvé poignardé à Kingston. La Jamaïque doit faire face à un fléau.
C'est en lisant le code civil jamaïcain que l’on apprend qu’une loi de 1858 est toujours en vigueur : la loi anti-sodomy. Elle punit les "actes d’indécence flagrante" entre hommes, en public ou en privé. Le délit de sodomie est prévu par l'alinéa 76 et s'applique dans le cadre de rapport anal entre un homme et une femme ou entre deux hommes. La peine maximale encourue est de 10 ans de prison ferme et travaux forcés. Alors que le seul terme de batty-boy est devenu un gimmick pour de nombreux artistes dancehall, les associations homosexuelles sont décidées à ne plus rien laisser passer. Où s’arrête la liberté d’expression ? Au cœur de la controverse, Buju Banton et Beenie Man.
Article écrit par Maxime Nordez
Tags : Homophobie (33)
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Buju Banton
Date de mise en ligne : 23/08/2004 La communauté gay Vs Reggae Stars Buju Banton
Buju Banton
Buju Banton est actuellement en pleine procédure judiciaire afin de s’expliquer sur la rixe du 24 juin dernier. En effet, Mark Myrie a été vu, avec une dizaine d’amis armés, tabasser quatre hommes gays après avoir fait irruption chez eux en proférant des insultes anti batty-boy. Deux d’entre eux ont été transférés à l’hôpital. Depuis Boom Bye Bye, Buju Banton est fiché par Amnesty International comme artiste dancehall jamaïcain dont les paroles incitent au meurtre d’hommes et de femmes homosexuels. Le passage incriminé : "Batty boy get up and run ah gunshot ina head man". Pour s’en défendre, il rétorqua que le fait de voir ses lyrics comme homophobes était "du domaine de la métaphore, du fantasme". Suite à la rixe, la ligue internationale des droits de l'homme déclarait : "Il y a une telle indifférence de la part de la police jamaïcaine à l'égard des agressions homophobes qu'il est possible que l'affaire soit classée sans suite."
Le 14 août, Buju Banton participait au concert d'ouverture des JO d'Athènes. Sa prestation a bien failli être annulée, suite à la mobilisation du groupe gay allemand (LSVD) qui alerta le sponsor Puma sur le contenu de certains titres. Aussitôt, Puma adopte une politique "tolérance-zéro" et déclare que si Buju Banton interprète le moindre titre à caractère homophobe, c'est pour lui la fin du sponsoring. Ceci vaut pour n'importe quel autre artiste sponsorisé par la marque, d'autant que Puma vient de signer un contrat avec VP Records ! Sa plus récente interprétation de Boom Bye Bye remonte au 08 août lors d'un concert à Negril, JA. Peut être était-ce la dernière (en Puma) ?
Interdire Buju Banton en Allemagne
Ces derniers jours, Claudia Roth, membre du Parlement allemand et représentante du Parti Vert au Parlement Européen, a envoyé une lettre aux promoteurs allemands dans laquelle elle appelle à annuler les concerts prévus de Buju Banton en Allemagne. Le collectif LSVD a transmis au Procureur de la République allemand un dossier détaillé sur l'artiste, demandant d'examiner le contenu des textes en vue d'en faire interdire la distribution en Allemagne. Philipp Braun, porte-parole de LSVD a déclaré : "Sa carrière en Allemagne est terminée." Le concert de Buju Banton au Reggae Jam Festival de Saarbrucken le 03 septembre avait déjà été annulé, on sait maintenant que ceux de Hambourg et Darmstadt le sont aussi. Les promoteurs de Chiemsee, Hamm, Bremen et Berlin sont en pleine réflexion. A l'heure actuelle, en plus de son affaire d'agression homophobe en Jamaïque, Buju Banton peut être poursuivi par la justice allemande pour incitation au meurtre.
Article écrit par Maxime Nordez
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Beenie Man
Date de mise en ligne : 23/08/2004 La communauté gay Vs Reggae Stars Beenie Man
Beenie Man
Les groupes gays d'Angleterre, Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas et des Etats-Unis se sont mobilisés contre Beenie Man. Outrage!, groupe gay britannique, a compilé ses lyrics dans un dossier qui fut tout de suite transmis à la police. Suite à cela, en juin dernier, Scotland Yard interpellait Anthony Davis aka Beenie Man à l'aéroport d'Heathrow pour un interrogatoire et annulait son concert à Londres par "peur des contestations de groupes gays". Les morceaux les plus discutés sont Bad Man Chi Chi, Bad Man Nuh Inna Dat, Han Up Deh et Damn. Particulièrement les passages : "I'm dreaming of a new Jamaica come to execute all the gays" - "Hang chi chi gal wid a long piece of rope (...) Tek a bazooka and kill batty-fucker".
A la fin juillet, Outrage! lance un appel anti-Beenie Man aux organisations gays internationales. L'affaire s'ébruite et Beenie Man se voit demander des excuses publiques par Virgin Records. Il les présente : "Je me suis rendu compte que certaines paroles et enregistrements que j'avais fait dans le passé pouvaient choquer ou outrer les gens dont les identités et modes de vie sont différents des miens. Mes lyrics sont personnels, je ne les écris pas avec l'intention de blesser ou calomnier. Je présente mes sincères excuses à ceux qui auraient pu être offensés, menacés ou blessés par mes chansons." Le lendemain, son manager personnel retirait les excuses en disant que Beenie Man conservait son droit de critiquer le mode de vie homosexuel. Le collectif américain Pennsylvania Lesbian and Gay Task Force (PLGTF) s'est rallié à la cause et multiplie les actions contre Beenie Man.
Beenie Man retire 2 morceaux de son set
La tension monte et lors de son concert à Philadelphie, son manager, assailli, promet aux militants gays que Beenie Man ne chantera aucune chanson à caractère homophobe. Beenie Man retire 2 morceaux de son set. Les actions continuent auprès des labels, promoteurs, médias et sponsors. Récemment, RJ Reynolds (le géant US du tabac) a rompu le contrat avec Beenie Man pour une tournée américaine de 14 concerts, argumentant que "la marque ne tolèrerait aucune forme de discrimination basée sur les préférences sexuelles." Beenie Man continue tant bien que mal sa carrière et vient de sortir son nouvel album "Back to Basics". Le jour de sa sortie, la Metropolitan Police, les Crown Prince Services et les avocats se réunissaient pour l'affaire des lyrics de Beenie Man. L'inspecteur chargé de l'enquête déclara : "Je n'ai l'intention de stopper la liberté d'expression de personne. En même temps, je ne voudrai pas que les préjudices soient effacés comme cela. Nous allons voir s'il y a matière à poursuite et si c'est le cas nous attaquerons en justice."
L'étau se resserre
L'artiste se fait très peu bavard sur le sujet alors que l'étau se resserre sur lui. Le groupe gay Outrage! a mis la pression sur Virgin Records et EMI en envoyant une lettre sous forme d'ultimatum. Ils souhaitent que Virgin organise une conférence publique filmée où Beenie Man fera des excuses explicites à la communauté lesbienne et gay pour avoir incité à la violence homophobe. Ils réclament que Virgin rachète les droits et retire toutes les copies des chansons homophobes ou bien reverse les royalties de ces chansons à des associations d'aide aux victimes d'agressions homophobes. Beenie Man ne reviendra pas comme prévu à Philadelphie en octobre, le collectif PLGTF a déjà fait annuler son concert. Peter Tatchell, leader du groupe Outrage! considère que "des musiciens comme Beenie Man devraient être limités en nombre d'apparitions publiques (…) les frapper directement à la source aiderait à leur faire abandonner leurs incitations meurtrières".
Article écrit par Maxime Nordez
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Conclusion
Date de mise en ligne : 23/08/2004 La communauté gay Vs Reggae Stars Conclusion
Les homosexuels fuient la Jamaïque
Rappelons qu’en France, une loi "anti-homophobie" doit être votée ces prochains mois. Elle modifiera celle de 1881 sur la liberté de la presse et réprimera tous propos et messages homophobes. Du côté de la Jamaïque, la situation stagne et les sentiments homophobes semblent (comme le disait Beenie Man dans une interview de juillet dernier) faire partie de la culture caribéenne. Les homosexuels fuient la Jamaïque et s’exilent au Canada ou aux Etats-Unis. Depuis la création, en 1998, du J-Flag (Jamaican Forum for Lesbians, All-sexuals & Gays), ses membres agissent dans l’anonymat et l’adresse du bureau doit rester secrète. En juin dernier, c’est Amnesty International qui demandait au Premier ministre jamaïcain (PJ Patterson) de dénoncer publiquement les violences homophobes et d’abroger la loi anti-sodomy. Mr Patterson leur répondit qu’il ne ferait rien pour modifier cette loi. Pas étonnant que Buju Banton, Beenie Man et les autres se sentent dans leur droit, il faudra bien trouver une solution…
Quelques titres incriminés par la communauté gay :
Buju Banton - Boom Bye Bye
Beenie Man - Damn / Bad Man Chi Chi
TOK - Chi Chi Man
Elephant Man - A Nuh Fi We Fault
Spragga Benz - Wi Nuh Inna Dat
Bounty Killer - Man ah Badman
Capleton - Battyman Fi Get Boom
Congo Natty - Shot a Batty Boy
Admiral T - Batty Boy Dead
Liens :
http://www.guardian.co.uk/uk_news/story/0,3604,1284571,00.html
http://www.france.qrd.org/actualites/IMG/rtf/Projet_de_loi_homophobie_sexisme.rtf
http://www.sodomylaws.org/world/jamaica/jamaica.htm
http://www.outrage.org.uk/briefing.asp?ID=43
Article écrit par Maxime Nordez
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