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Date de mise en ligne : jeudi 19 décembre 2013 - 7 571 vues
Darker Shade of Roots, toujours plus roots
La Suisse c’est le pays du chocolat, des montres, et de l’évasion fiscale. C’est aussi depuis quelques années le pays du reggae. Du roots, du revival. Alors que la galette de Soul of Anbessa est encore chaude, voilà que parviennent à nos oreilles les premiers extraits d’une nouvelle sortie helvète : celle du Darker Shades of Roots. Alerte à la killer tune ! (Cet article a été publié le 11 décembre sur le blog "Killers Without Fillers", sous le titre "La nouvelle série du Darker Shade of Roots", ndlr).
Le Darker Shades of Roots, c’est ce crew de Genévois emmené par les voix de Jah Bast et de son pote Ras Ico. Une bande de zicos touchée par la grâce de la musique jamaïcaine qui, depuis quelques années, travaille à reproduire ce son qui les transcende. Et le Darker avance avec de lourds arguments dans la besace : leur musique est 100% analogique, de l’enregistrement au pressage. Drôle d’idée, d’enregistrer sur un magnéto à bandes, en 2013, penserons les plus naïfs : "Z’êtes au courant qu’on a inventé le mp3 depuis ?". Si l’on demande pourquoi à Jah Bast, il vous dira que le son analogique est "plus chaleureux, parce que magnétique et pas numérique". Il ajoutera sûrement que ce son est de fait "plus humain, car imparfait", loin du standard aseptisé qui aligne la Musique plus efficacement qu’un général nord-coréen avec ses troupes. Le genre de considérations qui passe loin, très loin, au-dessus des têtes adoubées par la société du spectacle ; mais pas au-dessus de celles du Darker. Attention : le choix de l’analogique n’est pas dicté par un passéisme transi. Ce n’est pas non plus dans un délire anti-productiviste que les Suisses ont troqué le synthé pour un bel orgue Hammond. C’est simplement à cette fréquence qu’ils vibrent ; et tant mieux, car c’est à celle-là qu’ils nous font vibrer.
Le Darker nous avait habitués, notamment avec leur déjà classique Jah Irror, aux riddims lents et épurés. Avec le premier disque de cette nouvelle série, les suisses accélèrent légèrement le tempo. Et ce premier morceau, Rivers to the sea, suit à la lettre la recette ancestrale du killer roots : une intro à l’orgue digne du plus Jackie de tous les Mittoo, ce skank qui syncope le morceau… et cette première phrase du chanteur, celle qui par son sens et sa puissance va lancer la chanson, celle qui inévitablement, si elle est bonne, provoquera pull-up ou autres forwards en danse : "Man can feel the earth is shaking…" Pas de doute, le sol va vibrer si ce 45 tours est joué en sound.
FACE A
FACE B
Le reste de la série est du même tonneau. Comme à leur habitude, ces névrosés de la note juste apportent un soin tout particulier au chant et backings vocaux. Leur précision dans la justesse des harmonies est jouissive, autant que l’intelligence de leurs paroles. Mention spéciale pour Before the Sun et son dub After the Skank. On sent que ces deux-là, Jah Bast & Ras Ico, se connaissent comme le fond de leur poche : on obtient jamais une telle osmose avec un groupe monté à la va-vite, seulement quand la connexion entre artistes est aussi grande. Et puis, comme le lecteur de Killers Without Fillers n’est pas tenu de croire sur parole son blog favori, voilà en musique la preuve de ce que j’avance plus haut. Profitons-en pour lancer un jeu : faites écouter ces morceaux à vos amis en leur faisant croire que c’est du 70′s jamaïcain. Promis, ils vont plonger. Swiss ting ah carry the swing !
The Shades – Before the sun + After the Skank
The Shades – All as one + Trodding & Learning
Article écrit par Jeremiah (Killers Without Fillers)
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