Monde
Un «crime d'honneur» ravive le racisme en Italie
Ulcéré par son mode de vie à l'occidentale, un Pakistanais a égorgé sa fille de 20 ans.
Par Eric JOZSEF
QUOTIDIEN : Samedi 26 août 2006 - 06:00
Rome de notre correspondant
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Depuis plus de dix jours, son portrait occupe régulièrement les premières pages de la presse transalpine. En pleine torpeur estivale, l'assassinat d'une jeune fille pakistanaise, Hina Saleem, à Sarezzo, dans la province de Brescia, a profondément choqué l'Italie. Parce qu'il ne tolérait plus son mode de vie à l'occidentale, sa minijupe, son indépendance et sa relation avec un garçon italien, son père, Mohammed Saleem, l'a en effet égorgée, le 12 août, puis enterrée dans le jardin familial. Au bout de deux jours, il s'est livré aux carabiniers.
Prémédité. «C'est un homme très croyant qui respecte le Coran à la lettre», a fait savoir son avocat, confirmant que les relations familiales s'étaient détériorées en raison des idées religieuses radicales de Mohammed Saleem. Les enquêteurs sont convaincus que le meurtre a été prémédité. Agée de 20 ans, Hina Saleem avait quitté le domicile familial depuis plusieurs semaines, refusant de se marier avec un cousin pakistanais. Son père l'aurait piégée en lui demandant de revenir un moment à la maison pour «saluer un parent de passage». «Je ne voulais pas qu'elle devienne comme les autres filles d'ici. Je lui avais demandé de changer, elle a refusé», aurait-il indiqué devant les magistrats. Trois membres masculins de la famille, dont l'oncle et le beau-frère de Hina, qui auraient participé au meurtre, ont également été appréhendés.
«Le délit est une sorte de punition infligée par le père à une fille qui n'avait pas respecté les règles de leur ethnie et de leur culture», a commenté le procureur de Brescia, Giancarlo Tarquini, rappelant toutefois que «certaines atrocités arrivent aussi dans les familles italiennes». En vain. Sur les radios locales, de nombreux auditeurs ont pris la parole pour protester contre la présence des 120 000 immigrés de la ville et, en particulier, contre la communauté pakistanaise. Et la xénophobe Ligue du Nord s'est empressée de dénoncer «l'ouverture des frontières de manière aveugle, qui met en danger notre sécurité en minant les bases de notre société».
Funérailles officielles. La demande de naturalisation déposée par Mohammed Saleem a été immédiatement écartée, le ministre de l'Intérieur Giuliano Amato précisant : «Qui veut devenir citoyen italien doit respecter les droits de la femme.» Le maire de Rome, Walter Veltroni, a, pour sa part, proposé d'organiser des funérailles officielles. Quant au jeune fiancé italien de Hina, il se bat désormais pour que le corps de la jeune fille soit enterré à Brescia, et non au Pakistan.
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