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Date de mise en ligne : lundi 02 mars 2015 - 11 053 vues

Dubamix, du dub sur la barricade

Sorti l’année dernière, « Pour qui sonne le dub » le second album de Dubamix a fait l’effet d’un pavé dans la mare, ou plutôt d’un pavé sur la barricade. Collage de samples mêlant extraits de discours, flash infos, riddims jamaïcains et œuvres classiques, mais aussi musique tsigane, chanson française ou folk américaine, "Pour qui sonne le dub" se double d’un message radical peu commun sur la scène française. Alors qu’il est actuellement en phase de composition de musiques axées sur les femmes, retour avec Greg, le compositeur de Dubamix, sur cet OVNI.

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Mettre en parallèle les luttes d'hier et les combats actuels, telle est l’ambition de Dubamix, fondé par Greg en 2003. Ce militant, prof de musique, a suivi un cursus de musique classique au Conservatoire avant de rejoindre le groupe Lion Stepper (anciennement I&I). Quand il se lance dans la composition, il n’imagine pas autre chose que de mêler musique et politique. « L’idée était de réagir à des faits d’actualité qui me semblaient assez dingues, par exemple quand Balkany déclare à un journaliste américain qu’il n’y a pas de pauvre en France, ou des luttes auxquelles j’ai pris part, pour le droit au logement, contre le CPE en 2006… Au début, je ne pense pas à faire d’album. Je réagis, je fais le truc pour moi. »

Révolte et liberté
Un engagement politique qui vaut à Dubamix d’être d’abord diffusé en manifestations et sur Radio Libertaire (dans l'émission de Davou "Le Parisien Libertaire", lui aussi féru de collages sonores et politiques). Le premier album sera Mix A Dub, puis "Pour qui Sonne le Dub" en 2014. Entre-temps, l’équipe s’est agrandie, étoffée par des membres de Lion Stepper Bonj (ingé son) et Buss (vidéos), et enfin par l’arrivée de Niko (ingé lumière). Plus ambitieux, plus construit, le concept de "Pour Qui Sonne le Dub" est de « faire le parallèle entre les années 30 et aujourd’hui : la montée du fascisme, la crise économique… » Le titre fait explicitement référence à l’œuvre d’Ernest Hemingway et à la guerre civile espagnole. « C’était aussi pour renverser la formule pour quelque chose d’optimiste. "Pour qui sonne le glas", c’est la fin de la révolution. Pour nous, "Pour qui sonne le dub", c’est pour les capitalistes, les patrons et les flics. Ce qu’on entend avec le dub, c’est la révolte et la liberté qu’il y a derrière. »




Derrière la pochette opposant usine et lieu de pouvoir, on plonge dans un montage sonore mêlant joyeusement riddims jamaicains, œuvres classiques (Prokofiev, Bach, Haydn, Saint Saëns, Tchaïkovski…), musique tsigane, chanson populaire… Tout est bon à prendre, et l’auditeur attentif reconnaîtra aussi bien du Leonard Cohen, du Sharon Jones que du Barbara ou du Serge Reggiani. « Chaque sample est réfléchi. Je m’efforce que ce soit cohérent d’un point de vue esthétique mais aussi politique. Il faut que ça ait du sens. » C’est comme ça que Romeo et Juliette, de Prokofiev, habille ironiquement la charge de Class War Dub, qu’une valse ouvre le morceau Valls in dub (« C’était trop facile, on ne pouvait pas passer à côté ») ou qu’il sample le "Quatuor pour la fin du Temps", d’Olivier Messiaen, pour le morceau Ils Ne Cherchaient Personne sur le massacre d’Oradour-sur-Glane. Olivier Messiaen a composé ce quatuor alors qu’il était prisonnier en camp de concentration pendant la Second Guerre mondiale. « La première a été donnée en camp de concentration. C’est une dimension particulière que j’ai voulu mettre dans la musique en reprenant la clarinette. »

Le titre débute par des extraits glaçants du compte-rendu du procès du 12 janvier 1953, à Bordeaux, où Frédéric Pottecher (qui fait revivre les grandes affaires judiciaires à la radio, ndlr) cite le président de l’audience Nussy-Saint-Saëns. Un coup de chance : « J’avais déjà toute la trame musicale de ce morceau sombre pour parler de la barbarie nazie. J’avais l’idée de parler d’Oradour-sur-Glane mais comment trouver les samples assez forts pour dénoncer la barbarie nazie ? Et un jour, en écoutant la radio alors qu’étaient commémorés les 70 ans d’Oradour-sur-Glane, passe cet extrait sonore sur France Inter. »



Slogans de manifs, flash infos, extraits d’interviews, discours de politiciens foisonnent et font mouche, notamment grâce à la théâtralité de certains discours ou interventions médiatiques. Le mieux, c’est avec les discours, car il y a un ton. Quand on s’intéresse aux samples, on se penche sur le langage et les stratégies de communication. La tentation de s’arrêter sur les « petites phrases » s’est éloignée avec le premier album : « "Pour Qui Sonne Le Dub" est plus distancié de l’actualité que le premier album. Il est important qu’il y ait des choses datées historiquement, ça permet de perpétrer une mémoire des luttes. C’est aussi ce que je fais quand je mets « A Las Barricadas » dans "Pour Qui sonne le dub", un chant révolutionnaire espagnol popularisé pendant la guerre civile en 1936. Il faut trouver le juste milieu entre des références historiques nécessaires et des valeurs universelles, intemporelles. »

Culture partagée par tous
Pour développer le propos, chanteurs et rappeurs sont conviés. Comme E-one et Skalpel, deux membres du crew Première Ligne, Kyam (l’un des chanteurs de Lion Stepper), Joke ou encore Yoshi Di Original. Des artistes « qui ont quelque chose à dire ». La radicalité du message distingue Dubamix sur la scène dub : peu d’artistes dub se disent ouvertement d’extrême gauche ou libertaires. Pour autant, tempère Greg, « beaucoup de groupes fonctionnent en autoproduction ; dans les faits, ils défendent certaines valeurs. »

Il prend l’exemple de Haydn, qui fut le professeur de Mozart et de Beethoven, et qui a cultivé une certaine distance critique avec ses mécènes : un jour, mal payé par son mécène, Haydn lui rétorque qu’il ne peut pas payer l’orchestre entier. Il opte pour un coup d’éclat : à la fin de « La symphonie des adieux », tous les instrumentistes se lèvent un par un et quittent la scène, laissant deux violons, seuls. « Ce n’est pas cette œuvre que j’ai reprise, mais j’aime rappeler qu’il y a eu des compositeurs rebelles dans la musique classique. Je suis très attaché à ce que la culture soit partagée par tous, et pas réservée à certaines catégories. »

Tous les morceaux de Dubamix sont disponibles en téléchargement gratuit. Ca procède de son engagement mais c’est aussi une façon aussi de renvoyer l’ascenseur : « On utilise beaucoup de samples de musiques qui existent déjà. Notre musique est sous licence libre, elle peut être réutilisée, remixée… Ça me parait normal. C’est inhérent au projet et ça ne changera jamais.



Article écrit par Sébastien Jobart


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