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Date de mise en ligne : jeudi 29 novembre 2012 - 8 780 vues
Ernest Ranglin, Robbie Lyn, Sly & Robbie @ Le Bellevilloise, Paris
Un an après un passage en solo, Ernest Ranglin était de retour à la Bellevilloise (Paris), cette fois entouré par Robbie Lyn et Sly & Robbie, sous la bannière des Jamaican Legends. Une soirée pour mélomanes, à la croisée du jazz et du reggae. Lunettes de soleil sur le nez, Robbie Shakespeare s'approche du micro : "Il fait froid dehors, et chaud dedans", dit-il en anglais. C'est lui qui tient ce soir le rôle de maître de cérémonie, mais il ne s'étend pas trop : "je ne veux pas trop parler : nous allons commencer maintenant."
Il est des soirées auxquelles tout amateur de musique, au sens large, se doit d'assister. La tournée française de ce contingent de légendes jamaïcaines était de celle-là. Imaginez plutôt : Ernest Ranglin, Robbie Lyn, et Sly & Robbie. Que dire si Monty Alexander, initialement prévu mais finalement annulé, avait été présent dans ce quatuor légendaire. C'est ainsi que les Jamaican Legends ont d'abord intégré l'ex-Wailers Tyrone Downie pendant leur tournée cet été, puis enfin Robbie Lyn. Ce spécialiste de l'orgue a traversé les décennies en tant que musicien de studio. Jouant avec Sound Dimension ou le Word Sound & Power de Peter Tosh, il est aussi un fidèle complice de Sly & Robbie. Mais en dépit d'un pedigree impeccable, il n'a pas le profil de jazzman de Monty Alexander, laissant Ernest Ranglin occuper seul le devant de la scène.
80 ans depuis le mois de juin, ce dernier est impressionnant de dynamisme. Pendant les balances, c'est lui qui fait le chef d'orchestre, cale les musiciens et peaufine les intros. Et si Robbie Shakespeare prend les rênes du show, s'improvisant chanteur, c'est bien Ranglin le directeur artistique sur scène, le métier qu'il a exercé pour tous les plus grands producteurs de Jamaïque. Le meilleur guitariste de l'île est toujours un enfant quand il monte sur scène, un large sourire sur le visage. C'est parti pour un voyage jazzy dans le fantastique répertoire de l'île.
Groove incroyable
Le concert emprunte beaucoup ses titres à l'album classique d'Ernest Ranglin, "Below the bassline" (à mettre entre toutes les oreilles), qui reprend justement certains des standards du reggae. Le premier titre à affoler un public plutôt calme est l'essentiel King Tubby meets Rockers Uptown, la lourde rythmique écrite par Augustus Pablo. C'est le premier électrochoc de la soirée, et il y en aura d'autres. Par exemple Satta Massagana, l'hymne rasta des Abyssinians, que Robbie Shakespeare se charge de chanter. Avec les "riddim twins" en section rythmique, Ernest Ranglin et Robbie Lyn ont le meilleur terrain de jeu qu'il soit. Le tempo est d'une précision rare, et le quatuor fait grosse impression. De quoi regretter de ne pas les voir dans un club jazz à l'acoustique mieux réglée.
Les titres s'enchaînent sans trop de surprises : après Lively up yourself de Bob Marley, vient le ska de Ball of Fire (notamment rejoué par les Skatalites), où Ernest Ranglin intègre les notes de l'Ouverture de Guillaume Tell (Rossini). Deux de ses compositions vont s'attirer des applaudissements nourris et les déhanchements du public : Below the bassline, et surtout Surfin, avec son groove incroyable estampillé Studio One. Le studio de Coxsone Dodd sera une nouvelle fois mis à l'honneur avec le You don't love me (No No No) de Dawn Penn, avant que le Taxi riddim de Sly & Robbie, en guise de rappel, ne conclut le concert. Auparavant, Robbie Shakespeare avait présenté la formation en donnant à chacun les titres de Docteur. Une plaisanterie, mais c'est bien sérieux : ces quatre-là n'ont pas volé leurs diplômes.
Article écrit par Sébastien Jobart Photos : FX Rougeot
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